Cihem Gharbi, l’engagement local

Cihem Gharbi est une pro de la communication. Fraîchement recrutée comme conseillère en communication politique, elle vient d’intégrer un cabinet ministériel.

Près de 10 ans après la fin de ses études, la trentenaire a cumulé de précieuses expériences. A la Halde, elle a déployé toute son énergie pour gérer le cabinet de Louis Schweitzer, alors président de l’institution.

Dans le domaine associatif, elle s’est impliquée en faveur des sourds et des malentendants. Ces trois dernières années, elle était aux côtés d’un syndicat agricole pour assurer une com’ de choc.

Conseillère d’une ministre, elle est en charge des questions presse. A bien connaître Cihem Gharbi, rien d’étonnant que ses qualités fassent mouches. Professionnelle et engagée, la jeune femme originaire d’Alsace, est une bucheuse, capable disons-le, de mobiliser son réseau.

Titulaire d’un master 2 en « migrations internationales et médiations culturelles », elle enchaine avec un master en sciences politiques. « J’ai fait une année à l’université de Saint Denis et une seconde en Italie », explique t-elle. Un parcours académique qui lui permet de comprendre les enjeux d’actualité.

« J’ai travaillé sur le droit des étrangers et la lutte contre les discriminations », détaille t-elle. Pas étonnant que la question des réfugiés la préoccupe, particulièrement. « Je suis consternée par la position européenne », soupire t-elle. Et la jeune femme de pointer, « l’incapacité de faire une politique commune».

Agir en bas de chez soi

Choquée par la photo du jeune Aylan échoué sur une plage turque, en septembre 2015, elle pointe toute l’hypocrisie qu’il y autour de la question des réfugiés. «Tout cela n’est pas nouveau ».

Ces réfugiés, elle ne les a pas découvert en allumant un écran de télé. « Dans ma ville où j’habite depuis un an, il y a beaucoup de Syriens et je suis consternée de voir que rien n’est fait pour les aider. Cette situation dure depuis des mois ». Pas seulement depuis cet été faut-il comprendre.

Une situation qui la touche au cœur. Du coup, Cihem Gharbi se renseigne pour voir quels sont les mouvements citoyens dans son secteur. « Je pense rejoindre une association d’ici peu. Personne ne s’occupe de ces réfugiés arrivés il y a des mois ».

Crise de bonne conscience ou réelle envie d’aider ? « On ne peut pas en tant qu’humain, passer tous les jours devant ces individus, avec des bébés et faire comme si on les voyait pas !

Avant eux, il y a eu les Tunisiens arrivés suite à la révolution. On a cette bonne conscience en France pour parler des peuples qui souffrent à l’autre bout de la planète mais là ça se passe en bas de chez toi… », assène t-elle.

Engagée pour l’égalité

Une analyse qui colle aux convictions personnelles et professionnelles de la trentenaire. En 2008, elle rejoint la Halde, Haute autorité de lutte contre les discriminations, créé en 2004 et dissoute en 2011. Elle y entre comme stagiaire. « Je m’occupais de l’année européenne de l’égalité des chances. J’ai mené tout le projet avant, pendant et après ».

L’expérience est enrichissante mais, lui succède un « petit moment de flottement professionnel ». Cihem Gharbi décroche un job auprès de Claire Villiers au conseil régional d’Ile-de-France. « J’ai coordonné la première semaine de l’égalité des chances ». On est en 2009 et la chance sourit à nouveau à Cihem.

A la Halde, aux côtés de Louis Schweitzer

« La Halde me rappelle pour remplacer l’attachée de presse de Louis Schweitzer, à la tête de l’institution ». C’est un remplacement congé maternité mais travailler en lien direct avec le président de la Halde, cela ne se refuse pas.

« Ca tombait très bien d’autant qu’à la fin du contrat, on m’a proposée de devenir sa cheffe de cabinet jusqu’à son départ en mars 2010 », sourit-elle. Une opportunité évidente.

D’autant que Schweitzer « avait envie d’avoir mon regard d’ancienne stagiaire devenue cheffe de cabinet. Il était prêt à prendre en compte la personnalité des gens. Sans compter que c’était un travailleur énorme, un exemple qui m’a réconciliée avec les hommes d’Etat. Et puis, s’il avait à cœur de me suivre, il n’a jamais usé de piston. Et cela j’apprécie beaucoup ».

La fin de son contrat sonne le début de certaines interrogations. « Je voulais faire de la politique mais je ne voulais pas être une caution. J’ai renoncé car je ne me sentais pas assez forte pour m’imposer », confie t-elle. Débrouillarde, elle retombe sur ses pattes encore une fois.

« J’ai rejoint un cabinet d’architectes impliqué dans les questions de rénovation urbaine ». L’un des architectes participe, à ce moment-là, aux réflexions du parti socialiste censées nourrir le programme du candidat aux élections présidentielles.

« C’était très intéressant » mais appelée vers d’autres cieux, elle quitte le cabinet après un an de collaboration. Son engagement associatif prend, alors, le pas.

« J’ai participé au lancement de Sortir avec les mains, une association fondée en 2009. Il s’agissait d’aider les sourds et les malentendants à se mouvoir dans la société ».

L’offre de l’association va des stages en entreprises, à des séances pédagogiques en passant par un agenda culturel listant les événements accessibles à ces publics.

« Je me suis impliquée pour développer les activités de l’association. J’étais auto-entrepreneure pour la stucture. Mais je bossais seule, un peu isolée donc c’était compliqué… »

L’agriculture, compétence inattendue

Cihem Gharbi est chanceuse. « On m’a contactée, par hasard, pour travailler avec le Syndicat des jeunes agriculteurs. Je suis devenue conseillère presse et relations publiques ». Pendant 3 ans, la jeune femme a développé une expertise en la matière.

« Je faisais du conseil en relations publiques, de la communication de crise mais aussi toute la gestion des relations presse », résume t-elle. Et si depuis janvier 2015, elle n’y est plus, elle suit la situation des agriculteurs avec intérêt.

« La crise des agriculteurs a, d’abord, une dimension conjoncturelle. L’embargo russe sur la viande et le lait complique le travail des agriculteurs français alors que c’est un gros importateur pour la France. Egalement catastrophique, la baisse de la demande chinoise croisée à la surproduction de lait en France. Résultat les agriculteurs restent avec des litres de lait sur les bras. Ensuite, il y a une crise structurelle. L’absence d’organisation de producteurs de viande laisse les agriculteurs français négocier en direct avec la grande distribution ». A leur détriment…

Après trois ans à se frotter à la réalité des agriculteurs français, dont on connaît la dure réalité entre endettement et suicides, Cihem Gharbi le rappelle, « la filière française est synonyme d’excellence, de traçabilité ». Alors, sans détour, elle le clame haut et fort : « « Mangez français ! »

Nadia Henni-Moulaï