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Les entrepreneurs 2.0 jouent la carte du numérique

 

Les entrepreneurs des quartiers vivants doivent miser sur le digital. La conquête des clients passe par celle du web. Facebook, Instagram, Twitter… Les réseaux sociaux sont désormais incontournables pour pérenniser leur business. 

Un hamburger connecté. Depuis qu’il a lancé French Touch, un bistrot burger à Courbevoie (Hauts-de-Seine), Ali Zouina, n’a jamais autant twitté. Ouvert en novembre 2013, son restaurant fait le plein. Le week-end, pas moyen d’y dîner sans réservation. Un succès qu’il doit sans conteste à sa carte et ses talents de community manager.

« Les réseaux sociaux sont sans conteste notre principal outil de communication. » Sa page Facebook avoisine les 10 000 fans et le nombre de followers accros aux burgers d’Ali pointe à 2300. Pas mal pour un fast-food de banlieue…

> À LIRE : PORTRAIT. Ali Zouina, la R&D du hamburger

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Ali Zouina, fondateur de French Touch en action sur BeinSports (Photo/BeinSports)

Le digital, passage obligé

« Facebook comme twitter nous ont permis de construire une véritable notoriété auprès de la clientèle. » Un signe qui ne trompe pas. French Touch est devenu la cantine de plusieurs VIP, parmi lesquelles une ancienne rappeuse,  une journaliste star ou encore des footballeurs célèbres. Il faut dire que cet ancien ingénieur en informatique est un entrepreneur chevronné doté d’un flair hors-pair.

En 2005, il investit dans une petite pizzeria à la gare d’Épinay-Villetaneuse (Seine-Saint-Denis).

« Un ami m’a formé, j’ai mis la main à la pâte et j’ai développé l’affaire comme je l’entendais. » Il fait bien. Il multiplie le chiffre d’affaires par quatre. Après quatre années d’exploitation, il reprend une seconde pizzeria à Puteaux (Hauts-de-Seine). Le chiffre d’affaires bondit. Aujourd’hui, le succès de French Touch passe une autre dimension. Le web permettant d’asseoir une forme de « célébrité culinaire », auprès des entrepreneurs de quartiers.

« Le recours a un community manager reste, d’ailleurs, assez rare dans ces milieux », constate Ali Zouina.

Selon lui, « ils communiquent de façon intermittente et manque parfois de professionnalisme. » Selon Fadhila Brahimi, fondatrice de FBA-Associés spécialisée dans l’accompagnement en stratégie de présence, « le digital ou le numérique souffre d’une image qui repousse ceux qui n’ont pas été initié à la pratique de l’informatique. » Une des raisons invoquées par la professionnelle, l’image du numérique jugée « trop technique et chronophage. Un outil pour les geeks, exigeant une connaissance pointue. » A tort.

 

Les temps changent

Pour autant, « ces entrepreneurs semblent prendre conscience de la puissance des réseaux sociaux », nuance Ali Zouina. Et ils auraient tort de s’en priver.

Avec un nombre mensuel d’utilisateurs actifs astronomique- 2,1 milliards pour Facebook et 284 milliards pour Twitter-, les entreprises, quelles qu’elles soient, ne peuvent plus rester en marge de ces outils. D’autant que le taux d’utilisation par les internautes n’est pas virtuel, il approche les 70%. De followers à clients, il n’y a qu’un pas. Ainsi, 1 internaute sur 2 consultera les réseaux sociaux pour s’informer et prendre la décision d’acheter.

Nul doute que ces vecteurs de communication et de publicité pour les entreprises peuvent booster le chiffre d’affaire. Ali Zouina, par exemple, le reconnaît. « Les personnalités qui fréquentent French Touch sont vraiment la résultante de mes tweets ».

Briser les frontières du numérique

Alors pourquoi tant d’hésitation à investir les réseaux sociaux et le digital plus globalement? Frédéric Bardeau, co-fondateur de Simplon, fabrique de codeurs entrepreneurs, a des éléments de réponse. « C’est aussi en réaction à la consanguinité du monde du numérique, des start-up et des investissements que Simplon a été créé », insiste t-il. L’entreprise sociale et solidaire a inscrit « l’homogénéité des niveaux d’études mais aussi socio-professionnelle et géographique » dans son ADN.

Frédéric Bardeau, co-fondateur de Simplon

Frédéric Bardeau va plus loin. « Le milieu des start-up est clivant et élitiste à la fois. » Et le codeur professionnel d’ajouter, « face au prototype de l’homme blanc, jeune, diplômé souvent d’une école de commerce, il s’agissait de faire émerger des talents issus de la diversité… » Et quand on lui parle de l’éternelle auto-censure propre aux quartiers populaires, Frédéric Bardeau est clair.

« Si c’est forcément plus difficile quand on vient d’un quartier ou d’une minorité, il y a des solutions. Motivation, détermination et surtout un vrai projet avec un problème à résoudre », ajoute-t-il. Fadhila Brahimi, elle, pointe le rôle des acteurs publics.

« Les politiques, les institutions mais aussi les associations  des quartiers sont quasi-absentes du digital mais surtout elles n’ont pas procédé à une sensibilisation. » Et la spécialiste du digital de mettre en exergue la fracture numérique en France. Si elle se réduit, les disparités perdurent.

À l’échelle européenne, l’Hexagone se place en huitième position pour l’utilisation d’Internet. Selon une étude de l’Insee parue en 2013, la majorité des cadres utilisent internet quotidiennement. De leur côté, les quatre ouvriers sur cinq ont surfé sur le web au cours des trois derniers mois précédant l’enquête. Bien sûr, la fatalité n’est pas de mise. Pour Fadhila Brahimi, les solutions existent.

« Les acteurs de l’économie et du lien social pourraient être formés au digital », propose-t-elle. Autre piste envisagé, « les acteurs publics doivent accompagner les créateurs d’entreprise afin qu’ils incluent un module sur le digital dans les formations à l’entrepreneuriat et à l’élaboration de leur business-plan », renchérit-elle.

Pour Oussama Amar, co-fondateur de TheFamily, un fond d’investissement hybride, à la fois accélérateur de start-up et réseau d’entrepreneurs, le problème n’est pas du côté du net. « Aujourd’hui, nous  avons un très fort taux de pénétration d’internet. » Plutôt direct, il regrette que  » les milieux modestes passent plus de temps à se plaindre qu’à travailler. »

Lui même fils d’une femme de ménage, arrivé du Liban à cinq ans, en est convaincu, « le succès n’est pas une offrande. La fabrication du succès, c’est une affaire personnelle. » Pour autant, la banlieue et les start-up, c’est une équation possible.

« Tous mes amis qui viennent de banlieue ont la même caractéristique: ils n’ont jamais été en banlieue dans leur tête », tonne t-il. Et s’il enjoint les jeunes des quartiers à se bouger le c…, il le rappelle, « les opportunités n’ont jamais été aussi accessibles, jamais il n’a été possible d’apprendre tout ce que l’on veut en ligne et gratuitement! » Alors si les quartiers n’ont pas de pétrole, ils ont des idées et…internet.

Nadia Henni-Moulaï

 

Raconter, analyser, avancer.

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