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Mayotte, miroir d’un paradoxe français

À Mayotte, la délinquance et la violence ont pris des proportions dramatiques. Depuis plus de 3 semaines, les Mahorais protestent contre cette situation de danger permanent. Certains bloquent les ports et les routes. La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, est arrivée lundi matin sur l’île pour tenter d’endiguer cette crise.

Tonnerre sur l’île. Le mouvement a éclaté le 20 février 2018, après de violents affrontements entre bandes rivales au lycée de Kahani. Les habitants, en grève générale, protestent contre l’insécurité grandissante.

La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, est arrivée lundi matin à Mayotte, pour tenter de trouver une issue au mouvement de contestation populaire qui touche l’île depuis le 20 février.

À Mayotte et dans les trois départements français d’Amérique, le nombre de vols violents pour
1 000 habitants est nettement supérieur à ce qu’on observe en métropole (Source : Inter Stats, Insécurité et délinquance en 2017 : premier bilan statistique).

Insécurité, vols, violences

Le collectif des Citoyens de Mayotte et l’Intersyndicale revendiquent la mise en œuvre de mesures « pour parvenir à l’égalité réelle, l’application du droit commun à Mayotte et prévenir et endiguer les phénomènes de violence dans le département, » détaille-t-il dans leur « Table revendicative ».

Parmi les mesures proposée : « la mise en œuvre pure et simple du droit commun à Mayotte en bonne intelligence, et une véritable volonté politique pour solutionner toutes les problématiques de
Mayotte, avec une priorisation absolue de la problématique de l’insécurité, sur laquelle repose toutes les autres problématiques. »

Opération escargot, Opération « île morte »

Pour les différents acteurs, le Collectif des Citoyens de Mayotte et l’Intersyndicale : l’État doit engager sans délai un « plan Marshall » de développement socio-économico-politique.

En attendant une réelle réponse sur le terrain, les contestations se manifestent par des barrages érigés sur les principaux axes routiers paralysant une partie de la circulation toute la journée.

Dans les rues du chef-lieu, c’est opération escargot, opération « île morte », blocage de la liaison maritime entre Grande-Terre et Petite-Terre…

Mayotte, c’est 212 645 habitants sur une île d’une superficie de 374 km ².

En 2015, le nombre de vols ou d’actes de violence enregistrés par la police et la gendarmerie rapporté à la population était globalement plus élevé en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte et à Saint-Martin que dans les autres territoires ultramarins ou en métropole.

À Saint-Martin, en Guyane et en Guadeloupe, l’intensité des vols avec armes, et plus généralement des infractions violentes, est très forte, d’après les témoignages locaux. De son côté, Mayotte est confronté à un taux de cambriolages par logement bien supérieur à tous les autres territoires français.

cambriolages_mayotte

Devenue le 101e département français en 2011, l’île traverse aujourd’hui une crise grave.

Au coeur de cette départementalisation, une scission entre les Mahorais. D’un côté, les partisans d’une indépendance et de la décolonisation. De l’autre, ceux qui affirmaient que Mayotte devait « choisir la France » à l’indépendance des Comores.

Pour la France, l’enjeu est grave puisqu’il s’agit aussi de conserver un pied-à-terre stratégique au coeur de l’océan Indien. « Les Mahorais sont alors appelés aux urnes pour se prononcer sur la départementalisation de leur île. Laquelle relève, selon l’ONU, de la souveraineté comorienne ». Un épisode que rappelle l’Humanité dans cet article.

Les territoires français d’outre-mer sont peuplés de près de 2,68 millions d’habitants, soit un peu plus de 4% de la population résidant en France, et représentent 17,3% de la superficie du territoire.

Les territoires français d’Outre-mer sont peuplés de près de 2,68 millions d’habitants, soit un peu plus de 4% de la population résidant en France, et représentent 17,3% de la superficie du territoire.

Entre inquiétudes et sentiment d’abandon 

Les forces de l’ordre ont enregistré 249 vols avec armes (armes à feu, armes blanches ou par destination) en 2015. Selon les chiffres enregistrés, il y aurait sur les territoires d’Outre-mer, 5 à 17 fois plus de vols avec armes qu’en métropole :

« Saint-Martin apparaît comme un territoire hors-norme avec 124 vols avec armes pour 35 000 habitants (soit 3,5 pour 1000). À titre de comparaison, dans aucun département de métropole l’intensité des vols avec armes ne dépasse 0,6 fait pour 1000 habitants »,  peut-on lire dans cette étude publiée par le ministère de l’intérieur.

Sous le mandat Hollande, le « Plan Moyotte 2025 » avait été signé le 13 juin 2015 à Mayotte par Manuel Valls, a fixé pour dix ans six objectifs à atteindre pour le développement de l’île (santé, éducation, développement économique, environnement, logement et urbanisme, et développement des services administratifs), réparties en 324 mesures.

Les thématiques absentes : la sécurité et l’immigration, pourtant au coeur de l’actualité de Mayotte à ce moment-là.

L’actuelle ministre des Outre-mer Annick Girardin a annoncé une série de mesures, lundi 12 mars, pour lutter contre l’insécurité et l’immigration irrégulière.

 

Autant d’annonces jugées insatisfaisantes pour le moment par le collectif et l’intersyndicale à l’origine du mouvement, refusant de « s’associer à cette mascarade ».

Ls manifestants souhaitent davantage de fonds pour lutter contre l’insécurité. Le comité de coordination des maires a présenté un « plan de convergence » sur 10 ans, chiffré à environ 1,8 milliard d’euros.

En 2011, Mayotte avait déjà connu un mouvement de protestation similaire. Durant près de quatre mois, l’île s’est mobilisée pour dénoncer des conditions de vie trop chère. De graves violences policières avaient été dénoncées.

Sarah Hamdi

Raconter, analyser, avancer.

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