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Mémoires « d’outre-bac »

 

Passe ton bac d’abord! La réforme annoncée par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, sonne le glas d’une époque. MeltingBook a recueilli des avis sur la réforme. Et des souvenirs de bac, en passe de devenir collector. 

Le bac change. La version 2021 fera la part belle au contrôle continu. Le 14 février, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, a officialisé cette petite révolution. S’inspirant du rapport commandé à Pierre Mathiot , ancien directeur de Sciences Po Lille, le ministre touche à l’un des sacro saints français. Une institution qui a marqué des générations de jeunes.

Qu’est ce qui change dans les grandes lignes?

  • Les candidats ne présenteront plus que quatre épreuves terminales en plus de celle, anticipée, en français (oral et écrit),
  • Ces épreuves compteront pour 60% totale de l’examen,
  • Parmi ces épreuves, deux seront issues des « disciplines de spécialité », succédant aux séries générales
  • Dès 2019, un « socle de culture commune » avec du français, des mathématiques, deux langues vivantes, EPS et une nouvelle matière: « humanités scientifiques et numériques », sera mis en place,
  • En 2021, c’est aussi un grand oral introduit,
  • Le ministre entend, aussi, rebaptiser la classe de terminale en « classe de maturité« 

 

Nadia TNadia T, juriste, promo bac 

Le bac est une superbe expérience. Et on se dit une fois en poche, c’est une nouvelle vie qui nous attend.

La veille des épreuves, j’étais en pleine révision. J’ai eu une crise d’appendicite. Le médecin me dit : « vous faites une crise d’appendicite. Il faut rentrer d’urgence à l’hôpital ».

Bien sûr, je répond au médecin, agonisant de douleurs: « Non! Je dois passer mon bac ! » Et là,  il me jette un regard : « si vous mourez ce sera ni bac ni rien ».

Au final. J’ai été admise à l’hôpital. J’y suis restée trois jours. Finalement, c’était une crise d’angoisse. Une fois, rentrée à la maison, j’ai  pu passer mon bac..

C’est vrai que le bac, c’était très  important, un passeport pour l’avenir.

Je ne me suis pas plongée dans la réforme mais à ce que j’entends, je pense qu’il y a du bon et du moins bon.

Le contrôle continu évite de passer les épreuves sur quelques jours. Cela permet d’étaler l’effort une sorte d’endurance. Les partiels ont comme inconvénients de ne faire bûcher qu’au dernier moment alors que le contrôle continu impose un travail continu sur une année voir deux si l’on compte l’épreuve de français.

Je trouve l’idée du grand oral intéressante. On a beaucoup d’épreuves orales au long des études universitaires, et moi qui ai passé le barreau avec l’épreuve mythique du grand oral, on se rend compte que c’est une épreuve importante et dont on peut se souvenir toute une vie !

J’en garde un bon souvenir même si cela a été une épreuve extrêmement difficile par le stress qu’elle génère, la quantité de choses qu’il faut connaître et son coëfficient important.

Finalement, je trouve que ce n’est pas une mauvaise idée. Le bac permet d’apprendre à s’exprimer à l’oral. C’est formateur, même pour les entretiens d’embauche par exemple.

 

Mehdi Bouteghmès, élu et professeur des écoles, promo bac 2006

Mehdi BLe bac, comme sanction finale d’une scolarisation parfois chaotique est perçue comme une délivrance par beaucoup d’élèves. Dont moi. Mais cela ouvert la voie à l’angoisse, d’un avenir non préparé.

Donc oui, réformons, mais avec méthode. En ce sens, cette réforme du bac annoncée si peu de temps après la publication du rapport Mathiot paraît être une aubaine pour un ministère qui n’arrive pas à trouver une vision de l’école au 21e siècle si ce n’est par des gros titres (l’autorité, le racisme d’état, etc.).
Réformer avec méthode c’est éviter de créer la situation catastrophique et ubuesque de la réforme des rythmes scolaires où on a fait subir à des générations d’enfants le tâtonnement et les incertitudes politiques d’une réforme intenable, révélant plus de problèmes qu’apportant des solutions.

J’aimerais revenir sur une l’idée du contrôle continu. Appelons un chat un chat puisque nous touchons à l’éducation. Reprenons, la mise en place de  »partiels » laisse quelle place aux apprentissages ?

Appeler ça un contrôle continu ne change en rien sa réalité. De même, la réforme des disciplines risque de créer des années supplémentaires de  »mise à niveau » ou de  »spécialisation », donnant encore plus d’importance aux prépas… Et donc renforcer un élitisme ségrégué, terreau de la reproduction des inégalités.

Pour moi, réformer le bac avec méthode, c’est:

  • dépasser le simple cadre du bac en tant que diplôme;
  • remettre la construction du citoyen comme objectif fondamental;
  • rendre perméable la frontière entre l’enseignement supérieur et le secondaire;
  • permettre une transparence et une information avec les différents secteurs d’embauches (entreprise, service public, création);
  • mettre fin aux inégalités par les équipements et effectifs;
  • revoir les âges obligatoire de scolarisation;
  • lutter activement contre les discriminations au sein du personnel de l’Education nationale en priorité. Sans exemplarité des adultes, pas d’accomplissement chez les élèves.

Le baccalauréat doit être compris comme un permis de vote, puisqu’il sanctionne la fin d’une scolarité, elle même socle d’une éducation à la citoyenneté.

Il doit, donc, accompagner jusqu’au bout le mineur, ce bout du tunnel où il commence à être reconnu comme un adulte, où il devra voter et/ou candidater à des élections.

C’est l’idée motrice des mouvements d’Education populaire. En 1848, les Français n’ont-ils pas voté pour un empereur ? En 2002 et 2017 le FN ne s’est il pas retrouvé au 2ème tour des élections présidentielles ?

Cecylia, journaliste, promo bac 1997

CecyliaNotre ministre de l’éducation nationale à choisi le jour de la   Saint-Valentin pour présenter le nouveau  baccalauréat qui entrera  en vigueur  dès  2021.  Est-ce une déclaration d’amour faite  aux lycées  ou simplement une  ironie du calendrier?

Avec le recul je m’interroge sur la réforme de cet examen bicentenaire que j’ai eu l’honneur de passer en 1997 à Libourne, petite ville à 30 km de Bordeaux.

A cette époque, j’étais inscrite en section littéraire, je ne savais pas encore que je  choisirais la profession de  journaliste, mais je me rappelle ce qu’il représentait pour moi: la concrétisation des mes trois années d’études au lycée puisque j’avais obtenu mon brevet des collège.

Ce diplôme revêtait un caractère sacré, une étape obligatoire et indispensable pour continuer vers d’autres horizons.

Un passeport vers des études universitaires ou des grandes écoles, une sorte de   coup d’envoi vers une  nouvelle aventure pour la jeune fille que j’étais.

Synonyme de fierté pour moi et ma famille, accomplissement personnel, revanche également sur les professeurs qui doutaient de mes facultés… Avec le recul j’ai le sentiment d’avoir  sacralisé ce diplôme, ai-je eu tort? A présent, on reprend les mêmes ingrédients mais on allège la recette.

Suppression des filières, individualisation des parcours, généralisation du contrôle continu et réduction à 4 du nombre d’épreuves terminales sans compter le grand oral de la maturité  qui comptera pour 30% de la note au final.

Conclusion il y aura moins d’épreuves et plus de contrôle tout au long de l’année.

Le “new bac” version édulcorée devrait devenir « plus sécurisant pour les élèves », selon Stéphane Crochet, secrétaire général du Syndicat des enseignants-Unsa. Mais est-ce là son rôle?  N’est-il pas  au contraire  la certification des études secondaires et une étape pour poursuivre des études supérieurs?

Pierre Mathiot veut “redonner de la valeur au bac” et pour cause, si on en croit une partie du  corps enseignant, l’examen qu’on passe au mois de juin ne servirait plus à grand chose puisque les orientations se décident au mois de mars.

Je reste pour ma part dubitative. Nous savons qu’il existe des inégalités d’un lycée à un autre.  En effet, les épreuves nationales  ont  le mérite d’évaluer tous les élèves sur les mêmes sujets, alors que le contrôle continu dépend plus des enseignants, des établissements et de leur environnement. Dévalorisation, coût trop élevé…

Je crains que cette  institution que représentait cet examen ne perde ses lettres de noblesse avec cette nouvelle formule allégée. Mais entre sa suppression ou sa réforme, avons-nous vraiment le choix?

Anaïs, étudiante en DUT, promo bac 2015

Anais RamdaniJ’ai 20 ans, j’ai obtenu mon baccalauréat il y a maintenant trois ans.

Le baccalauréat demeure pour moi un diplôme symbolique qui représente une clé d’accès aux études supérieures, et forcément une nouvelle étape dans ma vie d’étudiante.

La réforme qui consiste à partager les résultats du bac entre contrôle continu et épreuves de fin d’année, dénature, à mon avis, l’examen.

Il devient une sorte de simple «passage» de classe. D’un autre côté, le fait de supprimer les filières me paraît judicieux: on ne peut pas continuer à enfermer les élèves dans des cases aussi restreintes que «scientifique» ou «littéraire», car à 15 ans, rares sont ceux qui savent réellement quel métier ils souhaitent exercer.

Djamila, urbaniste, bac ES, promo 2004

Dès l’entrée en Seconde, on nous renvoie à l’échéance du bac. Ce sésame pour l’accès à l’enseignement supérieur de « notre choix. Ce qui en passant n’est pas tout à fait vrai. Et l’actualité sur ce sujet le démontre. Mais c’est un autre sujet.

Pour ma part, je me souviens m’être interrogée sur le risque d’échouer à l’examen du bac, un seul examen pour tout prouver, alors que tout au long de l’année j’avais fourni un travail assidu et eu des notes correctes. L’angoisse ! Et lorsque j’ai eu mon bac, les partiels universitaires m’ont paru être moins pénibles, moins stressants. 

Je suis favorable à une répartition entre le contrôle continu et un examen final pour plus de justice vis à vis de notre parcours scolaire dans l’année.

Mais, il est important de conserver l’aspect de l’examen final. L’un des objets de l’école est de nous préparer à la vie active.  Parfois, toute notre vie professionnelle peut se jouer en un entretien où il faut performer devant le recruteur. D’où l’intérêt des épreuves orales.

Jean-Riad Kechaou, professeur d’Histoire-géographie, promo bac 1998

JRLe baccalauréat, je l’ai perçu comme un sésame. Cela me permettrait de quitter enfin un cursus scolaire ennuyeux pour une filière appropriée à mes goûts et mes envies. Quitter aussi ma banlieue pour le centre ville.

J’ai voulu pour la première fois de ma scolarité me jauger aussi en visant une mention. Hélas je n’y suis pas parvenu, la faute, comble de l’ironie, à l’Histoire-géographie, mon point fort. Je tournais à 15 de moyenne toute l’année…

Je ne peux que saluer le fait que le contrôle continu prenne plus d’ importance. Cela me semble juste. Ma peur, c’est évidemment la disparition d’un diplôme national et que la sélection se fasse sur la réputation du lycée.

L’enjeu est là , il ne faut pas que les portes des universités et grandes écoles se ferment aux élèves issus de lycées dits « difficiles », au risque d’assigner à résidence ces élèves ayant comme je l’avais à leurs âges un désir d’émancipation.

Ce fut le cas pour moi en quittant ma banlieue dans laquelle j’avais grandi pour une faculté de centre ville qui n’était pourtant pas celle de mon secteur d’habitation.

Inès, chargée de projets, promo bac 2008

Inès SeddikiQuand jai passe le bac je pensais que c’était le bout du tunnel. Après ça, je serais libre.

J’ai réussi à m’épanouir plus ou moins dans mes études supérieures.  En réalité, c’est après le bac que j’ai eu le plus de difficultés dans ma scolarité. Différence de niveaux, changement de milieu social, doutes et financement des études supérieures!

Mais tout est bien qui finit bien. Pour moi l’examen est moins important que la préparation. Il doit bien sûr permettre à chacun d’exprimer ses aptitudes de manière égale.

Mais, c’est l’enseignement qui doit être de la même qualité partout pour permettre de développer des connaissances mais surtout des compétences.

Parce que le bac n’est pas une fin, c’est vraiment que le début! »

Nadia Henni-Moulaï

 

 

Raconter, analyser, avancer.

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