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Mohammed ou Mahomet ?

 Arte diffusait lundi 24 juillet 2017, le  film  « Le Message »  racontant la naissance de l’islam au VIIe siècle, générant la satisfaction de nombreux Français de confession musulmane. Certains d’entre eux découvraient la version française pour la première fois avec une interrogation : pourquoi le prophète de l’islam y est nommé « Mahomet » et non pas « Mohammed » ?

La  fresque historique et religieuse de Moustapha Akkad a enthousiasmé de nombreux musulmans sur les réseaux sociaux. Le #LeMessage arrivait ainsi en deuxième position de Twitter France le soir de sa diffusion.

Normal, sorti en 1976, le film  a bercé l’enfance de toute une génération de musulmans. Sa dernière diffusion en France remontant à 1979 sur Antenne 2.

Déformation volontaire ou simple traduction ?

Bien que satisfaits de la diffusion en Prime time du film,  l’appellation Mahomet utilisée dans la version française pour désigner le prophète a interpellé un grand nombre de twittos.

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Cette appellation de « Mahomet » est répandue en France et dans les pays de langue latine mais pas dans les pays anglo-saxons où on lui préfère « Muhammad ».

Il existe deux explications de l’origine de ce prénom francisé.

La première est que Mahomet serait issu du turc « Mehmet » et cette dénomination serait le fruit des contacts entre la France et l’empire ottoman.

Il n’y aurait donc aucune connotation péjorative dans cette traduction utilisée majoritairement en France. Dans des pays islamisés par les ottomans on retrouve d’ailleurs cette traduction (« Magomed » en Tchétchénie, par exemple)

La seconde est celle retenue par les mécontents. Cette dénomination serait  l’héritière d’une vision négative du prophète au Moyen-âge.

À l’époque, l’abbé de Cluny, Pierre le vénérable (XIIe siècle) fait traduire le Coran et cherche à combattre l’hérésie musulmane à une période où l’islam est combattu en Espagne (Reconquista) et en terre sainte (Croisades). Il en sort un ouvrage « Loi du pseudo-prophète Mahomet » en 1142.

Il s’agit dans cet ouvrage de désigner le prophète comme un imposteur avec un nom que les Juifs et Chrétiens de la péninsule arabe utilisaient déjà de son vivant.

Pour les arabisants, Mahomet signifie ainsi le contraire du prénom Mohammed (« digne d’éloge »). Le préfixe « Ma » étant utilisé pour la négation dans la langue arabe.

En France, les musulmans appellent fréquemment leurs enfants Mohammed en référence à leur prophète. Le prénom Mahomet ne fait donc qu’accentuer l’idée chez certains que leur religion serait perçue de travers, un détail qui a son importance symbolique.

Des éditeurs l’ont compris et de nombreux manuels d’histoire de l’Enseignement secondaire préfèrent utiliser depuis quelques années le prénom Mohammed en faisant preuve de pragmatisme et évitant ainsi tout malentendu.

Jean-Riad Kechaou

Jean-Riad Kechaou est professeur depuis 15 ans en banlieue parisienne. Auteur d'un essai socio-historique sur le quartier des Bosquets « 93370 Les Bosquets, un ghetto français » (MeltingBook Editions). Il écrit pour MeltingBook et le site de Politis dans un blog intitulé "Un Prof sur le front".

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