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Recette polémique: 91g d’islam et une pincée de laïcité

Dans le département de l’Essonne (91), le remboursement des repas de cantine aux collégiens pratiquant le ramadan sera supprimé dès la rentrée 2017. Jusque-là, les principaux décidaient au cas par cas des mesures à appliquer quant aux repas non pris lors de la période de jeûne. Majid Messaoudene, élu en charge de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits à la mairie de Saint-Denis (93), revient sur cette décision. 

L’été va être long. On sort à peine de l’affaire de Lorette, ville dont le maire souhaitait interdire de baignade les chiens et…. les femmes voilées, qu’on entre de plein pied dans l’affaire du Conseil départemental de l’Essonne.

De quoi s’agit-il ?

Les départements sont en charge des collèges, et dans leurs responsabilités, il leur incombe aussi de prendre en charge la restauration des collegien.ne.s.

Jusque-là tout allait bien. Tout le monde mangeait plus ou moins régulièrement, sauf évidemment pendant le ramadan, période pendant laquelle il est moyennement recommandé aux adolescents qui font le ramadan de s’adonner aux plaisirs du déjeuner.

Dans beaucoup de collectivités, c’est la facturation au mois qui est pratiquée : la famille paie les repas du mois, que le nombre de repas soit de 1 ou de 20.

Une formule pratique pour l’administration, mais pénalisante pour les familles.

En effet, ceci ne laisse aucune latitude aux familles, qui voudraient que leurs enfants, puissent opter pour une alternative à la cantine.

C’est évidemment problématique pour les personnes observant le ramadan.

On sait d’emblée que des dizaines de personnes ne fréquenteront pas la cantine pendant ce mois de jeune sacré pour les musulman.e.s. Pour autant, le plus souvent le repas leur sera facturé.

Lancer la polémique de l’été sur l’islam

Une polémique vient d’éclater dans l’Essonne. Le président (LR, ça peut avoir son importance) du Conseil départemental vient de décider d’adopter un règlement interdisant de rembourser les repas non pris aux personnes qui font le ramadan.

Voici comment se justifie cet élu « le principe de la laïcité, c’est que l’on respecte chacune des religions, mais qu’on n’adapte pas le service public en fonction de ces religions, c’est le principe même de la vie en collectivité »« Ce n’est pas à la carte, chacun comme il veut, ce n’est pas possible, on est dans un pays avec des règles, et ces règles s’appliquent ».

Il argue donc d’une demande supposée de croyant.e.s qui obligeraient de fait l’administration à s’adapter à un culte.

Or, nous serions dans ce registre si il avait été demandé que des repas confessionnels soient servis ou encore si il avait été demandé  au personnel de cantine de servir l’iftar (nldr : repas de rupture du jeûne)  au collège chaque soir ;
Évidemment, il n’est demandé aucune adaptation à un culte, juste son respect.

Respecter chacun.e dans ses différences, et ne pas discriminer en fonction des convictions religieuses. Or, faire payer des repas non pris en raison d’une pratique religieuse peut s’avérer discriminatoire.

Pourquoi le refus d’une facturation au repas consommé ?

La facturation au repas consommé aurait le mérite de régler ce que ce président du Conseil départemental a transformé en problème, avec probablement des arrières pensées électoralistes, en voulant peut-être aussi lancer la polémique de l’été sur l’islam.

L’argument de la laïcité ne tient pas, la laïcité ne consiste pas à montrer du doigt des élèves pour leur foi. Là où il voit une attaque de la laïcité, je vois le refus du bon sens.

En effet, jusque-là l’intelligence collective l’emportait, les principales et principaux de collèges, réglaient les situations, au cas par cas. Dans certains collèges, c’est 50 élèves sur 250 qui n’ont pas fréquenté la cantine pendant le ramadan.

Aujourd’hui tou.te.s ces élèves sont montré.e.s du doigt. Il est probable qu’aucune famille ne demande le remboursement des repas, car rien n’ouvre l’accès à un tel droit.

Néanmoins, c’est visiblement déjà arrivé, en bonne intelligence avec les directions des collèges concernés, et donc avant que le politique s’en même drapé dans les oripeaux de la laïcité.

Nous ne sommes clairement pas dans une question de laïcité, sous-tendant que celle-ci serait menacée, et rarement respectée.

Ce cas me fait penser aux repas végétariens, sans s’adapter aux cultes, ces repas permettent à tou.te.s d’avoir un repas équilibré, et de couper l’herbe aux polémistes de tous poils.

Espérons que nous saurons nous mobiliser, à commencer par les parents des élèves concerné.e.s  pour faire annuler cette mesure car nous sommes davantage ici devant une posture de rejet de l’islam.  Et ici, c’est assez grave, car gravée dans un règlement intérieur, cette islamophobie, de résiduelle, devient structurelle.

Madjid Messaoudene

À (RE)LIRE SUR LE THÈME DE LA LAÏCITÉ :

Jean-Louis Bianco: « Il y a une laïcité, celle de la loi ».

Emile Poulat: « Il y a la laïcité dans les têtes et la laïcité dans les textes »

Raconter, analyser, avancer.

Comments (2)

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    Lala

    Très bon article qui révèle la stigmatisation latente de l’islam en France, et paradoxalement la recherche de profit sous couvert de laïcité…

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    Poupougnette

    Mais comment font les chefs d’entreprises. Si on n’est pas fichus de gérer, organiser des choses d’un mois sur l’autre il ne faut pas se demander pourquoi tout fout le camp. On est nul en France. C’est l’idée qui m’est venu tout de suite. On est une bande de bras cassés. c’est ce que ça dit. Sans parler des motifs avancés pour le justifier, alors là c’est le pompom.

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