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Emmanuel Macron ou le populisme light

Et si le populisme n’était pas un problème? Pour Ibtissem Guenfoud, Emmanuel Macron a tout de la figure populiste au sens propre. C’est même l’un des piliers de la stature « d’Homme providentiel » qu’il a bâti en filigrane à travers son mouvement. Une recette qui ne risque pas de prendre pour les élections législatives. Opinion.

Ibtissem Guenfoud

Ibtissem Guenfoud

Le parti En Marche ! est-il autre chose qu’un tremplin pour le jeune ex-banquier ?

Né il y a un peu plus d’un an, après le départ de Macron du Ministère de l’Économie, il n’a rien de l’histoire, ni de la structure des partis traditionnels. Ce qui fait de Macron tout sauf un candidat traditionnel.

Contrairement à ses adversaires, il n’était pas le visage et leader d’une famille politique liée par un contrat symbolique à une série de principes, mais l’inverse.

Le mouvement a été le bras institutionnel des ambitions d’Emmanuel. Même les premières lettres du parti sont volées à ses nom et prénom.

Qu’il ait gagné l’élection, et réduit en cendres ce qu’il restait d’autorité aux partis socialiste et républicain, avec ce front-là, montre non seulement le naufrage de la droite et de la gauche, mais aussi le profond discrédit que connaît le système partisan.

Jamais il n’a été plus manifeste que les électeurs choisissent des hommes, non des partis. Le parti Travailliste anglais est la preuve que cette tendance n’est pas que nationale, lui qui souffre régulièrement de la remise en cause de son leader Jérémy Corbin, en faveur d’une personne plus policée.

Mais quel rapport avec le populisme ?

Le populisme est guidé par la croyance que les buts politiques et sociaux sont le mieux atteints par l’action directe des masses.

Il advient lorsque les institutions dominantes sont en péril et censurées par les paroles et actions du populiste.

Être populiste ne veut pas dire être un monstre

Le rejet par le nouveau Président de la République du clivage gauche-droite, et sa volonté d’un gouvernement constitué en partie de la société civile – principalement de cadres, d’entrepreneurs, d’avocats et de lobbyistes – est en ce sens un cas d’école. Manuel Valls était de cet avis il n’y a pas si longtemps, lorsqu’il accusait Emmanuel Macron de « populisme light ».

Dans les faits, Macron était un bon prétendant au populisme dès le commencement.

Si l’on prend Trump comme référence, pour faire passer les institutions traditionnelles pour des élites « corrompues », il faut avoir peu ou pas d’expérience politique. Comme Emmanuel Macron. Il n’a jamais été élu avant la présidence. Il vient d’une sphère prospère du secteur privé à savoir la banque Rothschild pour laquelle il fut employé de 2008 à 2012.

Mais être populiste ne veut pas dire être un monstre. Si une telle chose est possible, Macron est un bon populiste.

Les institutions qu’il cible ne sont ni la presse, ni l’autorité judiciaire, bien qu’il ne prenne pas leur défense non plus.

Plutôt, ses cibles sont des institutions proches du pouvoir, mais sans légitimité officielle ou nécessaire : les deux partis jusqu’alors majoritaires, dont il profite du fractionnement et de l’impuissance face aux défis contemporains.

Macron n’est ni le premier, ni le dernier à exprimer son désintérêt pour les politiques de partis. Le père de la 5e République, Charles de Gaulle, se plaignait facilement du « régime des partis », qui allait contre sa vision d’une rencontre providentielle et sans filtre entre un Homme et sa Nation, qu’il incarnait lui-même en 1958.

Pour assurer cette rencontre, De Gaulle a défendu le suffrage universel direct du président de la République, un sujet très controversé à l’époque. Les autres partis l’ont, alors, accusé de plébiscite.

« Chouchou des médias »

À beaucoup d’égards, le populisme d’En Marche! n’est pas beaucoup plus que la mystique présidentielle classique. C’est pourquoi Emmanuel Macron peut facilement accepter le terme, tant que son frère démagogie n’est pas utilisé à ses dépens. Il semble que le nouveau président veuille le beurre et l’argent du beurre.

Mais ce qui gêne en effet n’est pas le populisme de Macron. Non. Ce qui gêne, c’est sa popularité.

Son prédécesseur, François Hollande, l’aime bien. La jeunesse l’aime bien, même les médias l’aiment bien.

Ne fut-il pas désigné comme étant le « chouchou des médias » ? Depuis la création de son parti en avril 2016, Emmanuel Macron a fait cinq fois la Une de Paris Match.

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Alors qu’il dédaigne certains partis, les autres se joignent à sa cause – le MoDem en est un exemple.

Son rejet des partis n’a pas entamé sa publicité, tant il est précieux de disposer d’une forte base auprès des jeunes, adeptes des réseaux sociaux, de passer souvent à la télévision et d’être régulièrement en première page de L’Obs.

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Cela aide davantage que l’autorité traditionnelle des familles politiques anciennes ; tout spécialement quand celles-ci cumulent scandales, profond manque de transparence, et mauvaise communication.

Plus que jamais, cette campagne nous a éveillés au constat qu’il n’y a pas un populisme, mais des populismes.

Celui d’Emmanuel Macron est un populisme soft, contrairement à ceux des souverainistes Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Tous deux disposent d’un appui dans les partis établis de longue date.

Cependant, le populisme « light » a ses limites. Le parti de Macron, ou son manque de parti, pourrait avoir un impact important sur le nombre de sièges qu’il obtiendra à l’Assemblée nationale.

Les élections présidentielles sont un terrain particulièrement favorable à une rhétorique d’« Homme providentiel », qui se tient au-dessus des intérêts particuliers. Ce n’est pas le cas pour les élections législatives.

Ce qui a fait le succès du populisme en mai, avec l’absence d’attachement partisan concret pourrait le faire perdre en juin.

Le récent accord avec Alain Juppé, qui a permis la désignation d’Edouard Philippe en tant que Premier ministre et que la majorité des ministères régaliens soient entre les mains de Républicains, démontre que l’Élysée a toute conscience du danger.

Il pourra sans doute donner au président un peu de l’autorité de la droite. Mais l’efficacité de cette collaboration reste à prouver.

Le temps nous dira si les partis traditionnels s’écrouleront sous cette alliance, ou se rétabliront miraculeusement du coup électoral.

À cette heure charnière, le président vit. Attention pour autant, le « régime des partis » n’est pas tout à fait mort pour autant.

Ibtissem Guenfoud

Ibtissem Guenfoud est diplômée de Paris II Assas et de la Humboldt-Universität de Berlin. Elle prépare actuellement un LLM à King’s College London. Elle commente régulièrement le traitement des droits fondamentaux en Europe pour le Verfassungsblog: On Matters Constitutional et elle est stagiaire pour la plateforme journalistique Tremr. Elle a créé LeBinational en janvier 2017. Ce blog dédié à l’actualité politique française et algérienne, fait pour et par des binationaux.

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