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La « Grande équipe de France des quartiers par le sport » sera lancée ce vendredi 19 avril 2019, à Créteil en présence des ministres des Sports, Roxana Maracineanu, et de la Ville, Julien Denormandie. Step 1 du « Plan banlieue ». Y participera également le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Denis Masséglia. Ce collectif national pour l’emploi et l’éducation des jeunes par le sport lancé par l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels, qui compte 1.400 structures, clubs, écoles, collectivités et experts) a pour objectif de favoriser l’insertion par le sport.

Liga, Premier League, Calcio, Bundesliga : une étude de l’observatoire du football CIES révèle que les grands championnats du continent se disputent les meilleurs joueurs français. 

Souvent originaires des grands ensembles du pays, ils représentent également la majeure partie des effectifs au sein des sélections nationales.

Une contribution exceptionnelle qui n’empêche ni les procès d’intention, ni la présence d’un solide plafond de verre qui réduit les cités à un simple vivier inépuisable de jeunes talents, en quête de réussite.

« Parmi les terres bénies du football, il y a le Brésil et la Seine Saint-Denis ».

Voici ce que Karl-Heinz Rummenigge, actuel directeur général du Bayern Munich, a récemment déclaré au cours d’une entrevue avec Eric Besson, ancien ministre et nouveau président du Blanc-Mesnil Sport Football.

Une anecdote a priori surprenante

En vérité, la légende de la Mannschaft ne fait que confirmer ce que les observateurs avisés constatent depuis plusieurs années : les quartiers populaires de France, en particulier ceux de la région parisienne, sont devenus de précieux pourvoyeurs de talents pour les cinq championnats majeurs européens, Ligue 1 compris.

Les émissaires des clubs les plus prestigieux sillonnent en permanence le territoire afin de ne pas passer à côté des pépites les plus prometteuses.

Leur activité se concentre également sur quelques événements clés organisés sur le sol français tels que les tournois de Montaigu, de Sens et du Val-de-Marne, qui prennent, alors, de véritables allures de supermarchés pour recruteurs.

Une effervescence en forme d’aubaine pour l’INF (Institut National du Football) Clairefontaine, chargé de repérer et de préformer (dès 12 ans) les meilleurs Français.

Son minutieux système de détection s’appuie aujourd’hui largement sur les districts de la petite et grande couronne, chargés d’organiser la première partie du processus.

Comme un symbole de cette politique centrée sur les banlieues, le seul département de l’IDF qui ne possède pas son propre district au sein de la LPIFF (Ligue de Paris Île de France) est…Paris. Les vingt arrondissements de la capitale sont répartis sur les districts de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine.

Réservoir extraordinaire de talents, la région parisienne pourrait aujourd’hui à elle seule former une équipe de France avec pas moins de 11 internationaux originaires du coin (Matuidi, Mbappé, Mendy, Martial, Sissoko, Ben Arfa, Coman, Kanté, Pogba, Rabiot, Corchia, Kimpembe et Areola).

Knysna, empreinte indélébile ?

Au cours d’un mercato estival complètement fou, deux surdoués ont récemment confirmé la prodigieuse ascension des joueurs issus des quartiers populaires.

Dembélé et Mbappé sont ainsi devenus les joueurs les plus chers de l’histoire du football derrière Neymar avec respectivement 145 millions pour le néo-Barcelonais de 20 ans et une option d’achat obligatoire de 180 millions pour le natif de Bondy.

Et comme si ça ne suffisait, ce dernier est désormais à 18 ans et 9 mois le plus jeune joueur jamais nominé pour le Ballon d’Or.

Benzema et Kanté, en plus de Griezmann, étant les autres Français en lice pour le prestigieux trophée.

Et pourtant…de l’avènement raté de la fameuse génération 87 jusqu’à la mise à l’écart controversée de Benzema, les polémiques se suivent et se ressemblent.

Éducateurs, entraîneurs et dirigeants de banlieues qui sont à l’origine du rayonnement international de la France dans le domaine, se heurtent à un plafond de verre quand il s’agit d’accéder au plus haut-niveau.

Les accusations fusent à l’encontre de ces ambassadeurs, parfois malgré eux, des quartiers populaires : semeurs de troubles, comportements de délinquants, mercenaires, antipatriotes.

Le fiasco de Knysna en 2010, point d’orgue du divorce avec « ces Bleus » deviendra un enjeu national avec en toile de fond la sempiternelle question identitaire.

Une approche nauséabonde qui a, par exemple, contribué à installer dans l’opinion publique une idée qui confine au délire quasi-paranoïaque : les mal-aimés Nasri, Ben Arfa et Benzema sont régulièrement cités comme principaux protagonistes dans l’affaire du « bus de la honte ».

Problème : ils n’avaient pas été retenus par Raymond Domenech pour se rendre en Afrique du Sud.

Alors que Knysna semble occuper une place toute particulière dans l’histoire du sport français, il n’est pas le seul scandale en la matière.

Knysna, un scandale parmi d’autres

Prenons le cas de la coupe du monde 78. Les Bleus, avec à leur tête Michel Platini, exigent à la veille du premier match contre l’Italie une augmentation de leurs primes de la part d’Adidas, équipementier de l’équipe.

Refus de la marque allemande. Les joueurs français décident de recouvrir les trois bandes de leurs chaussures avec du cirage noir.

La France est éliminée dès le premier tour avec deux défaites. Un échec attribué au moins en partie à ces prétentions financières plutôt malvenues dans une sélection nationale.

Moins grave sur le plan sportif mais tout aussi révélateur, l’équipe de France de handball, avec en son sein Nikola Karabatic, (condamné en 2015 dans l’affaire des paris truqués), qui saccage en direct le plateau de L’Équipe TV suite à leur sacre de Londres en 2012. Bilan : 20.000 euros de dégâts.

Invités sur  L’Équipe TV, Nicolas Karabatic, joueur vedette de l’équipe de France de handball et Claude Onesta, sélectionneur, saccagent le plateau de l’émission.

En délicatesse avec les journalistes qu’ils avaient qualifiés de « collabos » qui devaient être « tondus », l’entraîneur Claude Onesta a concédé par la suite « qu’il puisse y avoir un peu de revanche » dans leur attitude.

Il a récemment été promu chargé de mission pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.

Un dernier scandale ? Yannick Agnel, star de la natation française, abandonne ses coéquipiers pour le relais 4×200 lors des JO de Rio. Une course qui représentait une vraie chance de médaille pour la délégation française.

L’équipe de nageurs, déstabilisée et amputée de son meilleur élément, terminera 14e sur 16.

Deux jours avant, déçu de son élimination en séries sur le 200 mètres nage libre, Agnel avait annoncé son intention de prendre sa retraite après la compétition.

Prendre la place qui leur revient

Au-delà de cette image sulfureuse d’enfants terribles du football français, l’approche des quartiers populaires reste problématique de par le statut bâtard et réducteur qui lui est conféré, quelque part entre la mine d’or et l’armée de réserve de travailleurs.

Éducateurs, entraîneurs et dirigeants de banlieues qui sont à l’origine du rayonnement international de la France dans le domaine, se heurtent à un plafond de verre quand il s’agit d’accéder au plus haut-niveau.

Interrogé suite à l’affaire des quotas par le JDD en avril 2011 sur le manque flagrant d’entraîneurs noirs et arabes, Pierre Repellini, vice-président du syndicat des entraîneurs (Unecatef), avait eu ces propos : « Est-ce un problème de compétence ? De diplômes trop difficiles ? Est-ce qu’ils s’en foutent ? C’est problématique. ». En effet…

Comment expliquer la sous-représentation de ces encadrants techniques autrement que par une forme de discrimination ?

Un questionnement valable aussi pour le monde des consultants sportifs. La diffusion en début de saison des affiches de promotion de RMC, média incontournable du football en France, avait donné lieu à plusieurs détournements sur les réseaux sociaux. Une façon décalée de pointer l’absence totale de « diversité ».

Un comble quand il s’agit de commenter un sport où Noirs et Arabes sont majoritaires à tous les étages. Sauf au dernier.

Généralement issus de l’immigration postcoloniale, les plus jeunes de ces joueurs ont, au cours des dernières années, été la cible d’une remise en question par la FFF en raison de leur potentielle binationalité.

Loi Fifa et fuite des talents : un faux problème

La règle introduite en 2004 par l’instance dirigeante du football international permet désormais à tout joueur possédant la double nationalité de jouer pour une sélection tant qu’il n’a pas disputé de match officiel avec une autre nation.

Une petite révolution qui a servi de prétexte à la FFF dans l’affaire des quotas, celle-ci se plaignant de former de jeunes banlieusards qui iront ensuite défendre d’autres couleurs.

Un argument fragile quand on sait que les joueurs qui rejoignent le pays d’origine de leurs parents ne sont généralement pas dans le viseur du sélectionneur français.

Les binationaux les plus talentueux choisissent quasiment tous de défendre le maillot tricolore. Un choix logique mais néanmoins fort.

Choisir la France n’est pas toujours gage de reconnaissance. De quoi alimenter bien des regrets quand le rêve bleu devient source de désillusions.