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La French Tech, écosystème des entrepreneurs français

Le programme French Tech est une action lancée par le ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique. Avec un objectif clé : réussir à sourcer les talents. Salima Maloufi Talhi, responsable du Programme Diversité de la mission French Tech, nous parle de ce dispositif « facilitateur » pour les entrepreneurs frenchis.

Sarah Hamdi : Qu’est-ce que la French Tech ?

Salima Maloufi Talhi : La mission French Tech est une action publique innovante qui a vu le jour au sein du ministère de l’Économie. Elle vise à soutenir l’écosystème des start-ups françaises, d’entrepreneurs Français, en France et à l’international.

Cette initiative existe depuis 4 ans et demi. Aujourd’hui, le nom French Tech est de devenue un nom commun : il désigne aussi bien l’action publique que tous les acteurs de l’écosystème : incubateurs, start-ups, investisseurs, etc. Toutes ses personnes se revendiquent de la marque ouverte « French Tech ».

S.H. : En quoi cette politique publique est-elle « innovante » ?

S. M.T. : Elle est innovante, car la French Tech constitue un soutien de l’écosystème. À chaque fois, on a essayé de répondre par des actions concrètes sur un certain nombre de problématiques rencontrées par ces entrepreneurs.
La première question était de se dire : en France, on a des entrepreneurs, on a des start-ups et pourtant, on est moins visible et on subit le french bashing alors qu’on parle de la Silicon Valley. Cette marque a été créée justement de mettre en valeur la richesse de notre écosystème.
L’internationalisation est au coeur de la French Tech.

S.H. : Pouvez-vous expliquer cette démarche ?

S. M.T. :  Nous nous sommes posées la question de l’internationalisation des talents. Dans le cadre d’une politique globale de conduire les changements – plus de pérennité, plus d’innovations – on a créé d’autres programmes tel que le programme French Tech Ticket qui fait venir des entrepreneurs internationaux en France.

En 3 ans, nous avons fait venir plus 70 entrepreneurs étrangers dans l’Hexagone. À la suite de cela, une question a émergé, celle de la diversité.

On s’est rendu compte petit à petit que le profil type du startupper répondait à un portrait-robot assez particulier : un homme, la quarantaine et qui a fait une école d’ingénieurs ou de commerce.

Après cette internationalisation de nos talents, nous nous avons voulu mettre en place des actions en France pour sortir de ce profil type et pouvoir trouver des talents ailleurs : dans les quartiers, dans les formations universitaires, des gens qui n’ont pas fait d’études. Juste des entrepreneurs qui ont envie de monter des start-ups. De cette idée, est né le programme French Tech Diversité.

S.H. : En quoi consiste ce programme ?

S. M.T. : Il a été lancé en mars 2017, après un appel à candidature en seulement 1 mois et demi. J’insiste là-dessus, car avant de créer ce programme, certains nous ont dit qu’un mois demi pour trouver des start-ups ce n’était pas assez.

Certains ont dit qu’il fallait adapter les questionnaires, prévoir une pré-incubation, que comme on allait vers un public différent, peut-être qu’il fait prévoir…

Nous n’avions pas de data, pourtant, nous avons été jusqu’au bout. C’était une expérimentation pour sélection 35 start-ups en Île-de-France, et nous avons recueillis 274 candidatures !

Une sélection très qualitative avec un taux de sélection de 13%. La sélection était un enjeu important pour légitimer le programme.

Pour les personnes n’ayant pas été prises, il s’agit quand même d’une évaluation de leur projet pour optimiser leur business modèle en vue de la prochaine édition par exemple.

S.H. : Quels étaient les critères d’éligibilité au programme French Tech Diversité ?

S. M.T. : Nous avons mis en place des critères d’éligibilité évalués par l’État, au sein du ministère de l’Économie. Il fallait soit être bénéficiaires des minima sociaux, soit être boursier sur critères sociaux de l’Éducation nationale, soit résidé dans les quartiers Politique de la Ville. Après la sélection, ce critère d’éligibilité n’est plus du tout visible.

Si on ne répondait pas à un des critères, il était possible d’écrire une lettre de motivation en décrivant son parcours. L’idée était d’être pragmatique afin d’intégrer toutes les personnes qui ne rentrent pas dans une case.

S.H. : Quels défis vous êtes-vous fixer vis-à-vis de ces start-ups « de la diversité »?

S. M.T. : Nous avions plusieurs défis : le premier était de réussir à identifier ces start-ups et à les intégrer à notre écosystème French Tech. Le second d’avoir des candidatures de qualité qui matchent bien. Et enfin, de ne pas reproduire les stéréotypes.

Quand on voit cette promotion de lauréats, on ne sait pas sous quel critère elle est éligible, qui a fait des études ou qui vient de quartiers… C’est un enjeu pour les lauréats eux-mêmes. Ils vont porter la marque French Tech Diversité et c’est important qu’ils puissent s’y reconnaître.
Le talent n’a pas de couleurs, d’origines, de quartiers, de formations.

S.H : Quels sont les premiers résultats ? 

S. M.T. : On a eu 274 candidatures. 35 lauréats ont été sélectionnés, parmi eux, on a 60% des start-ups qui ont au moins 1 femme. On a seulement 30% de personnes qui ont fait une école d’ingénieurs et de commerce. Contre 70% d’habitude. Le taux de bac +5 correspond à peu prêt à ce qui existe dans l’écosystème.

Cela signifie aussi qu’on se lance plus facilement dans une start-up lorsqu’on est formé. En revanche, nous avons davantage de personne qui ont suivi un cursus en université.

S.H. : Comment vous définissez le terme « diversité » au ministère ?

S. M.T. : Quand nous nous sommes lancés dans une démarche « diversité », nous avons pris en compte 2 volets :

  • le premier est celui de la prévention et de la lutte contre toutes discriminations dans le cadre du programme : des actions sur les dossiers de candidatures, sur les critères qui ne sont pas forcément visibles (l’âge des candidats, le nom des candidats), des séances de sensibilisation aux stéréotypes et aux préjugés qui sont aussi vecteurs parfois de discriminations. Cela concernait tout le monde, c’est-à-dire que quand on lutte contre les discriminations, on lutte contre TOUTES les discriminations : sexe, âge, handicap, origine sociale, culturelle ethnique.
  • Le second est le choix d’un public cible pour être efficace. Nous avons fait le choix de la diversité sociale pour être efficace. Nous avons défini notre diversité sociale, selon le sexe, le lieu de résidence, boursier, minima sociaux, l’allocation adulte handicapé, etc.

S.H. : Le budget de la French Tech Diversité devrait passer à 4 millions d’euros pour 2018, pour déployer l’initiative dans toute la France, n’est-ce pas ?

S. M.T. : 2 millions d’euros ont été alloués pour le projet French Tech Diversité, lancé en mars dernier. Il s’agissait d’une expérimentation, en Île-de-France. Le Premier ministre a annoncé le déploiement de cette initiative sur toute la France avec le doublement du budget. Soit 4 millions pour 2018.

2 millions d’euros divisés par 35 start-ups, pour 80 personnes, en une action cela a un double impact : un impact individuel sur les personnes que l’on accompagne. Chaque personne a 45 000 euros d’aides, un hébergement d’un an en incubateurs, soit 12 000 euros. Si on fait le calcul : cela fait 57 000 euros par start-up.

En parallèle, nous accompagnons nos pépites, nos hauts-potentiels, ayant un programme de masterclass, des événements pour les mettre en réseau. Nous les suivons tout au long de l’année pour que leurs projets rencontrent le moins de difficultés et qu’ils réussissent à avancer au maximum.

C’est tout ce système qui fera que leurs start-ups réussiront. Toutes les start-ups ne réussissent pas. En revanche, l’objectif est qu’il y ait une vraie montée en compétences, une vraie expérience positive in fine.

L’entrepreneuriat suppose aussi de faire de la gestion de projet, de la comptabilité, de la communication : ils auront appris tout cela.

S.H. : Selon vous, pourquoi le modèle de la « start-up » attire tant en France ?

S. M.T. : Cet écosystème a la culture du changement. Les start-ups doivent changer être en phase avec l’air du temps.

Il y a donc de manière générale moins de résistance au changement, y compris pour qu’il y ait de la diversité. Je pense qu’il y en aura de plus en plus, car il y a ce pragmatisme économique. Le côté plus rapide et tourné vers l’international séduisent aussi.

Il y a beaucoup de belles histoires aussi, d’entrepreneurs partis de rien et qui ont réussi.

Dans les start-ups, il a un esprit à l’américaine où on formalise moins. Il a des codes comme dans les grands groupes, mais il est plus simple de les intégrer notamment via le numérique notamment.

Les start-ups s’affranchissent de certains marqueurs sociologiques. Ce modèle permet de dépasser certaines barrières.

S.H. : Quelle place occupe le numérique dans le projet French Tech ? 

S. M.T. : Les projets intègrent tout un tas d’innovation, des projets différents des maturités de projets différents. Dans la première édition, les projets intégraient tous le numérique. Cela faisait partie des critères. Pour la prochaine édition, ce ne sera pas le cas. L’appel à candidature pour les lauréats commencera le premier trimestre 2018. On prévoit une entrée en incubation fin du premier semestre 2018.

Propos recueillis par Sarah Hamdi

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