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« À Clichy-sous-Bois et Montfermeil, le maintien de la ligne 16 est crucial pour combattre l’exclusion »

Devant les hésitations du gouvernement concernant la ligne 16 du futur métro devant desservir sa commune, le maire de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein ne compte pas attendre sagement que le couperet tombe. Il s’active pour que cette ligne soit active, dès 2023 comme cela était prévu originellement. L’enjeu est de taille: désenclaver le plateau de Clichy-sous-Bois/ Montfermeil et l’intégrer réellement à l’agglomération parisienne.

Il fait la tournée des médias et ne lâche rien. Olivier Klein le maire de Clichy-sous-Bois est en pleine bataille depuis 15 jours.

Pétition en ligne et lettre ouverte au président de la république dans le JDD, l’édile ne compte pas renoncer au projet qui doit définitivement faire de sa commune, l’une des plus pauvres du département de Seine-Saint-Denis, un territoire à part entière de l’agglomération parisienne. Ce projet, c’est celui d’une gare de métro de la ligne 16 du Grand Paris qui doit relier en 26 minutes Saint Denis à Champs sur Marne en passant par des stations de RER D, B, E et A.

« On sait que le gouvernement et le préfet de région ont demandé à la société du Grand Paris de réexaminer le calendrier et les surcoûts potentiels. Les contacts établis avec le cabinet de la ministre des transports confirment le possible report au mieux de la gare de Clichy/Montfermeil. Un report ça change la donne. On ne sera pas prêt pour les jeux olympiques et si on annonce dès aujourd’hui une modification du calendrier, on ne sait jamais quand les travaux commenceront. A Clichy-sous-Bois et Montfermeil on sait ce que cela signifie un report », déclare t-il, inquiet.

Grand-Paris-Express
Schéma d’ensemble du Grand Paris.


Une promesse non tenue d’autoroutes avait accéléré la ghettoïsation de ce territoire

Olivier Klein sait de quoi il parle. Elu de terrain, il a grandi dans l’une des résidences privées du grand ensemble, le Chêne Pointu. A la fin des années 60 et durant toute la décennie 70, les barres et les tours d’habitation ont poussé comme des champignons sur le plateau de Clichy Montfermeil.

Juché sur un plateau d’une centaine de mètres d’altitude et à 15 km de Paris, le plan d’urbanisme prévoyait une autoroute, la rocade A 87, pour relier ce territoire densément peuplé aux bassins d’emplois de Roissy Charles de Gaulle et de Marne-la-Vallée et aux autoroutes desservant la capitale. Reporté plusieurs fois, le projet a été jeté aux oubliettes en 1985 et le plateau a connu un exode de ses classes moyennes.

L’offre insuffisante de transports étant évidemment l’un des facteurs de paupérisation de ces quartiers. 1h30 pour rallier la capitale en transport en commun, 30 minutes pour accéder avec sa voiture à l’une des autoroutes qui relient la banlieue à Paris (A3 et A4), on peut difficilement faire plus répulsif. La suite, on la connaît. Les résidences privées du Chêne Pointu, de la Forestière et des Bosquets se sont ghettoïsées à une vitesse éclaire. Ce sont ces mêmes quartiers qui ont été l’épicentre des révoltes urbaines de 2005.

Douze ans plus tard, les immeubles en lambeaux des Bosquets et de la Forestière ont disparu au profit de coquettes résidences de quatre étages. Plus de 700 millions d’euros ont été injectés dans le plus grand plan de rénovation urbaine du pays. Mais aux Bosquets ou au Chêne pointu, on met toujours 1h30 pour aller à Paris. Cette capitale qui semble pourtant si proche depuis les appartements offrant une vue imprenable sur le quartier d’affaire de la Défense notamment.

« La Défense, c’est une galère pour y aller. Je mets parfois plus de deux heures en voiture. En transport, j’y pense même pas ! », déclare Ali, un habitant des Bosquets, chef de travaux dans une entreprise de BTP dont le siège est situé dans les Hauts-de-Seine.

L’Etat est quand même intervenu et François Hollande a forcé le passage des communes réticentes (et mieux desservies) de Livry-Gargan ou du Raincy pour qu’un tramway puisse relier Montfermeil à Livry-Gargan en passant par Clichy-sous-Bois. Cela fera gagner un peu de temps à tous ces travailleurs et étudiants dans leur chemin de croix quotidien qui les ramène aux stations RER de Chelles ou d’Aulnay-sous-Bois dans des bus bondés.

« Sur France Inter, la ministre des transports Elisabeth Borne a voulu rassurer les habitants qui auront prochainement un tramway. Mais cela n’a rien à voir ! Un tramway et un métro, ce n’est pas du tout le même type de transport », regrette Olivier Klein.

« Quand j’arrive à 9h à la Sorbonne après 1h40 de trajet, je suis KO ! »

Sarah, étudiante résidant à Montfermeil

Ici, ce que les habitants espèrent le plus, c’est évidemment ce métro qui doit changer leur vie de manière significative. Des universités à quelques minutes, des bassins d’emplois aussi. C’est le cas de Sarah Louhichi une étudiante vivant dans le quartier des Bosquets à Montfermeil. Se destinant à une carrière dans l’enseignement, elle prépare le CAPES de français à la Sorbonne.

« Pour ma classe préparatoire littéraire, j’ai choisi un lycée au Raincy, proche de mon domicile. Ce choix a été conditionné par l’absence de transports performants. Toutes ces heures de perdues dans les transports, cela aurait été impossible de tenir le rythme soutenu de ma prépa. Deux heures de transports le soir plus les devoirs, c’était mission impossible. Aujourd’hui, je suis à Paris, dans une faculté prestigieuse et je regrette pourtant de ne pas avoir pu rester dans les environs. Cette année, ce ne sont pas les cours qui sont durs mais c’est le temps passé dans les transports. Quand j’arrive à 9h à la Sorbonne après 1h40 de trajet, je suis KO ! J’ai l’impression d’avoir fait Pékin express ! Pareil le soir. »

L’offre culturelle aussi dépendra de l’arrivée de ce métro. La villa Médicis installée dans des locaux provisoires doit éclore en 2024 dans un bâtiment ultra moderne proche de la future gare et devenir un phare culturel de premier ordre.

« Au Conseil d’administration de la villa Médicis, nous avons fait une déclaration commune avec le maire de Montfermeil pour dire que le projet atelier Médicis était extrêmement dépendant de l’arrivée de la ligne 16 et que évidemment on devait rester dans la préfiguration actuelle, à six ans pour la construction du bâtiment définitif en 2023.

On s’inquiète sur le devenir du projet. Le directeur de l’établissement public partage notre inquiétude. ».

« On ne peut pas jouer avec l’avenir d’un territoire et continuer à arroser là où c’est déjà le plus mouillé. »

Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois

Olivier Klein

Pourquoi remettre en cause cette ligne ? Olivier Klein l’explique sans détour.

« Il y a eu une demande pour réétudier l’ensemble des lignes du Grand Paris à commencer par la ligne 18 sur le plateau de Saclay, la 17 aussi et la 16. Toutes celles qui ne sont pas engagées et obligatoires pour les jeux olympiques peuvent être remises en cause (en annulation ou en report).

La fin de la ligne 16 entre Chelles et Champs sur Marne (ndlr : deux villes desservies respectivement par les RER E et A) sera maintenue probablement. Aujourd’hui, nous sommes que sur des hypothèses et cela est insupportable ! On ne peut pas jouer avec l’avenir d’un territoire et continuer à arroser là où c’est déjà le plus mouillé. Je ne veux surtout pas me lancer dans une guerre des territoires mais ce plateau de Clichy Montfermeil est l’un des endroits qui en a le plus besoin ! ».

Les jeux olympiques vont coûter beaucoup d’argent et il faut donc économiser en sacrifiant les territoires les moins stratégiques. « La candidature de Paris aux JO 2024 s’est servie de la Seine-Saint-Denis, de nos villes et de nos quartiers, pour donner du sens à son projet et convaincre les membres du Comité international olympique (CIO). Nous avons joué le jeu et voilà, nous sommes trahis. » Peut-on lire dans cette lettre adressée au président de la République.

« On ne cherche pas tant que ça à nous intégrer dans cette agglomération parisienne ».

Sarah, étudiante résidant à Montfermeil

En dehors des jeux olympiques, c’est aussi la métropole du Grand Paris qui est remise en cause, cette agglomération qui doit réunir la capitale aux communes de la petite couronne. « La maire de Paris Anne d’Hidalgo a signé et relayé notre pétition. Si on veut que des villes comme Clichy-sous-Bois et Montfermeil se sentent pleinement appartenir à la métropole du grand Paris, la question se pose. Ce sentiment d’appartenance se construit aussi avec les transports… ».

Sarah Louhichi confirme cette analyse :

« Ça me désole d’entendre que la gare du Grand Paris gare puisse être remise en cause. J’ai l’impression que l’on ne se soucie pas de nous, que l’on ne prend pas conscience qu’on est vraiment loin de Paris. Pourtant, tout se passe à Paris. C’est vraiment démotivant, c’est un frein pour les étudiants qui peuvent décrocher plus facilement. Même au niveau culturel pour visiter un musée c’est tellement loin que cela ne vient même pas à l’esprit de certains. On ne cherche pas tant que ça à nous intégrer dans cette agglomération parisienne… »

Se rendre à Paris mais aussi permettre aux entreprises locales de se dynamiser. C’est ce qu’explique Olivier Klein :

« La chambre de commerce et d’industrie de Seine-Saint-Denis nous soutient. Sa présidente Danielle Dubrac a également partagé la pétition. Les acteurs économiques sont extrêmement mobilisés. Sur la lettre envoyée au président de la république, parmi les premiers signataires on a le président de l’association des commerçants et des dirigeants d’entreprise de Clichy/Montfermeil. Un certain nombre de chefs d’entreprise des deux villes mènent ce combat avec nous et des artistes qui connaissent bien le site également comme le photographe JR, le réalisateur Ladj Ly ou Kamel le magicien. C’est vraiment une dynamique que l’on risque de voir interrompue si la décision devait se confirmer».

Plus qu’une station de métro, cette gare de Clichy-sous-Bois/Montfermeil est considérée par tous comme l’achèvement d’une politique globale de rénovation urbaine entamée en 2004 avec le plan Borloo et l’agence nationale de rénovation urbaine.

Il s’agit d’intégrer un territoire abandonné un temps et éviter ainsi que ces nouveaux immeubles et cette nouvelle génération d’habitants ne connaissent finalement le même sort que leurs aînés : l’exclusion…

Propos recueillis par Jean-Riad Kechaou

Pour aller plus loin : 

« 93370 Les Bosquets, un ghetto français »

#Paris2024: le 9-3 boira-t-il la tasse?

 

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