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Législatives 2017. Les candidats sans étiquette inquiètent

Derrière les candidatures autonomes aux législatives 2017, un message. Celui du rejet d’un système politique. Et l’envie de remettre les Français au pouvoir.

Si Emmanuel Macron est déjà en marche, les candidats des législatives sont en pleine course. Partout dans l’Hexagone : des contre-feux, attisés par les désillusions successives. Au premier tour, on compte 7.882 candidats. Contre 6.500, en 2012. Au total, 1.418 candidats autonomes s’engagent dans cette campagne singulière.

Chercher tous les abstentionnistes et autres blasés des politiques

« Nous avons voulu y aller sans étiquette car le message de notre film est qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, qu’il vaut mieux un petit chez soi qu’un grand chez les autres, » explique Abdelmajid Eddaikhane, candidat à la 8e circonscription des Yvelines (Limay, Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville) et producteur du film “Ils l’ont fait”.

Lui est passé de la fiction à la réalité. « Après 120 projections-débats, encouragé à continuer et à le faire pour de vrai », il décide de s’engager dans ces législatives.

A. Eddaikhane et N. Pereira. Leur slogan : « Votez pour nous, ils vont avoir le seum ».

« On se démarque de nos adversaires car nous faisons de la politique différemment. Nous gérons notre campagne comme une start-up ou une soirée, chose que nous n’aurions pas pu faire si nous avions une étiquette. On est sérieux mais on ne se prend pas au sérieux. On va aller chercher tous les abstentionnistes, ceux qui sont déçus et blasés par les politiques actuels et qui sont persuadés que si on se mobilise tous ensemble on peut faire changer les choses. Le rapport de force se fera si tout le monde se déplace en masse le 11 juin 2017 car tout seul on n’y arrivera pas donc tous ensemble écrivons une page de notre histoire » encourage-t-il.

Les citoyens au pouvoir

Autre alternative à contre-courant : #MaVoix. Pas de membres, d’adhérents, de structure, ni de financement public. « Il s’agit d’un mouvement d’émancipation et d’auto-détermination des gens par eux et pour eux ».

Le principe : des citoyen.ne.s choisissent eux-mêmes des candidat.e.s aux législatives. Dans toute la France, 500 femmes et hommes ont été volontaires au tirage au sort du 6 mai 2017. Aucun prérequis, aucune sélection, ni discrimination. 86 d’entre elles et eux ont été désignés par le sort dans 43 circonscriptions françaises.

Une fois élu.e.s à l’Assemblée nationale, ces candidats s’engagent à relayer les décisions citoyennes sur chaque loi pendant 5 ans. Elles sont consignées dans une plateforme numérique libre. Tous les Français peuvent y inscrire leurs doléances. La particularité : ici pas de porte-parole officiel, pas de personnification du mouvement.

L’enjeu dans les quartiers

Plusieurs particularités dans ces élections législatives. « En Marche ! » n’est ni de droite, ni de gauche, c’est la première fois sous la 5e République que la présidentielle ne donne pas lieu à une alternance.

Le scrutin à venir succède à des scores du Front National jamais vu lors de présidentielles mais aussi une forte abstention. Au 2e tour, le taux a grimpé à 25,3%. Un record depuis l’élection de 1969.

La multiplication des candidats, issus des quartiers populaires donne le ton. Celui d’une prise de conscience. Celle de la nécessité d’une action politique dans les actes, moins dans les paroles.

« À nous aussi de porter notre voix »

Feïza Ben Mohamed a été militante associative pendant trois ans avant de s’engager en politique. « Tous les sujets qui touchent aux thématiques qui me tiennent à cœur sont des sujets politiques. Pour être efficace, il y a une nécessité absolue d’être capable de porter ces sujets sur la scène politique. De pas être spectateur dans le débat public. À nous aussi de porter notre voix et de ne pas toujours laisser ceux avec qui nous sommes pas d’accord monopoliser la parole », souligne-t-elle.

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Pour ces législatives, elle est candidate dans la 5e circonscription des Alpes-Maritimes. Tout un « symbole », puisqu’il s’agit de l’ancien fief de Christian Estrosi (LR). « Ces propos ont maintes et maintes fois posé problème ». Elle porte un programme « axé sur la démocratie participative ». Elle reconnaît avoir « quasiment zéro chance d’être élue ». L’objectif alors?

« Pouvoir imposer des sujets, forcer ses adversaires à se positionner sur des sujets qu’ils n’abordent pas, ou qu’à travers des polémiques, » décrit Feïza Ben Mohamed.

« La politisation des minorités est essentielle. L’idée est de montrer que nous avons aussi des cartes d’électeurs », soutient la jeune femme.

Sur le terrain local, les citoyens se plaignent de ne pas être représentés. Les raisons : une absence d’alternatives, mais aussi « beaucoup de trahisons ».

« Toutes les minorités, et je parle pas uniquement des minorités religieuses, sont brossées dans le sens du poil lors des campagnes… Les gens sont lassés de ne voir les politiques que lors des élections », déplore Feïza Ben Mohamed.

Prise de conscience

Jimmy Parat
Jimmy Parat

Pour Jimmy Parat, candidat dans la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis, « l’hémicycle n’est pas à l’image de sa population et cela se ressent lorsqu’on voit les lois qui sont votées. Nous avons une assemblée nationale communautaire dont le profil type est l’homme blanc, la cinquantaine passée, membre d’un gros parti politique Donc nous voulons du renouveau ».

Un renouveau qui passe entre autres, par la diminution du nombre de députés, la suppression du Sénat, une réelle parité aux prochaines élections législatives par la présentation d’un binôme (homme/femme), la diminution des indemnités des parlementaires, etc.

Comment tire-t-il son épingle du jeu ? « Nous avons tous un métier. Je suis urbaniste, mais nous avons des chefs d’entreprises, des professeurs, des ingénieurs et des responsables associatifs parmi nos candidats. Nous ne rentrons pas dans le moule politique, nous apportons une voix à ceux qu’on empêche de s’exprimer », explique Jimmy Parat.

Tirer les leçons de la présidentielle

Éric Berlingen
Éric Berlingen

Un exemple parlant, celui de Manuel Valls. Dans la 1re circonscription de l’Essonne (Evry, Corbeil, Essonne), 21 adversaires contre l’ancien Premier ministre. Parmi eux, Éric Berlingen, du parti Union des Démocrates Musulmans Français (UDMF), créé il y a 5 ans.

Pour le candidat, “il faut savoir traduire le comportement des électeurs lors de la présidentielle : c’est l’expression claire et franche de tourner la page d’une politique qui ne fonctionne plus, menée par des responsables aux antipodes des réelles problématiques des Français et ne comprenant pas les évolutions et bouleversements de notre société ».

Comment se démarque-t-il de ses adversaires ?

“Par le simple fait que je sois le candidat de l’Union des Démocrates Musulmans Français face au député sortant Manuel Valls, qui n’a eu de cesse lors de ses cinq années au gouvernement de décréter que cela était incompatible. Je pense qu’aucun autre candidat n’affiche clairement cette opposition. Nous comptons sur notre électorat riche dans sa diversité et qui l’a beaucoup soutenu par le passé –  pour lui envoyer un nouveau message lui affirmant que nous sommes des citoyens à part entière, et non à part, pleinement républicains et démocrates, » précise-t-il.

Majorité présidentielle ou pas ? 

L’enjeu pour Macron : obtenir la majorité présidentielle nécessaire pour gouverner. Les Français donnent habituellement une majorité au président. Ce fut le cas en 2007, après l’élection de Nicolas Sarkozy, en 2012, avec François Hollande. Même schéma en 2002, après la réélection de Jacques Chirac, contre J.M Le Pen. Reste à voir si l’Histoire se répète.

Sarah Hamdi

Consultez la liste de tous les candidats par circonscription via cette carte.

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