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La mécanique Emmanuel Macron, ni gauche, ni droite, bien au contraire …

Il s’affiche partout, surtout sur les unes de papier glacé, offrant son couple comme un ersatz non tragique de l’Education sentimentale, Frédéric Moreau marié avec sa madame Arnoux à lui. En 2007, avec Ségolène Royal, nous eûmes l’épisode de la Madone. Voici désormais le temps du Fils. Tentative de décryptage d’une mécanique qui se voudrait « Deus ex-machina ».

Il court, il court le Macron. Il passe à Alger, à Lyon, à Toulon. Il hérisse, il intéresse, il séduit, il ne laisse en rien indifférent. Il tourne, il tourne, le Macron, inconnu encore quelques années, étoile filante de la politique, météore poursuivant sa course ou météorite appelée à s’écraser ? Il dit, il dit le Macron ; il parle, il hurle, il éructe. Il étourdit, il opacifie, il parle sans dire.

Emmanuel super Star

« Au commencent était le verbe » semble dire la campagne de Macron, toute centrée sur sa seule parole. Bras en croix, posé au centre, chaque meeting de l’ancien ministre ressemble à un sermon sur la Montagne où la multiplication des pains et des poissons est promise, mais après son élection évidemment.

Emmanuel, le nom de Messie annoncé dans les écritures hébraïques bibliques, signifie d’ailleurs en hébreu « Avec nous est Dieu».

Lors de ses meetings, un dispositif rigide est mis en place pour donner cette impression de spontanéité fraîche et nouvelle.

Car à y regarder de plus près, les meetings estampillés Macron sont une orchestration qui traduit la maîtrise de la psychologie des foules que n’auraient pas désavoué Gustave le Bon ou Edward Bernays, père de la propagande politique et de la publicité.

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Edward Bernays (1881-1995) est un publicitaire américain considéré comme le père  de la propagandiste institutionnelle. Parmi ses œuvres, Propaganda, Comment manipuler l’opinion en démocratie (Zones).

Un montage disponible sur Youtube montre combien ces meetings sont construits comme une liturgie : les disciples, que dans la « team » Macron, on appelle « l’engagé » ou le « marcheur »,  tous membres de collectifs Macron.

« La médiasphère de LCI » du 03 avril 2017. Sous la pression, le replay a été supprimé pour « éviter des ennuis juridiques ».
Tous reconnaissables aussi au tee-shirt blanc ou rose estampillés « En marche », initiales et écriture en stries du candidat. Ces « marcheurs » sont toujours aux points nodaux de la salle, chargés de porter l’enthousiasme, de le véhiculer, voire de le créer quand la foule du commun peine à entrer dans la transe macronite.

La ferveur ne descend pas du ciel, en épiphanie de feu, mais des ondes du IPhone puisque tous ces « engagés », via l’application Telegram, reçoivent tout au long du meeting des « ordres » avec force « smileys » leur enjoignant d’applaudir, de crier, de répéter des slogans. Ce sont là les « ambianceurs » non pas du parti « En Marche », mais du « collectif ».

Derrière la communication d’Emmanuel Macron, l’agence Jésus&Gabriel (cela ne s’invente pas), agence jusque-là spécialisée dans la publicité commerciale. C’est cette même agence qui est à l’origine du clip de campagne dont le Petit journal avait révélé qu’il était composé de bouts de clips étrangers issus de banques d’images.

Les dessous du clip de campagne de Macron épinglés par Le Petit Journal

Tous les protagonistes censés figurer la France macronite étaient en fait des Américains, des Anglais. Certaines de ces images avaient déjà été utilisées par le démocrate américain Bernie Sanders lors de sa campagne de 2016, ou même dans des clips de musique.

Pour l’anecdote (significative), cette boîte conseille aussi l’Institut Montaigne… source d’inspiration libérale de Macron.

Au-delà de l’anecdote, ce clip de campagne fait d’agrégats indifférenciés, qui peuvent « vendre » aussi bien un plat préparé, une voiture qu’un candidat, sonne comme l’illustration d’un programme politique « hors-sol », interchangeable, comme le sont les images du clip. Macron, un produit comme un autre ?

No logo, « votez pour la marque Macron »

Tous les observateurs politiques le disent : on ne sait pas ce qu’il y a précisément dans le programme d’Emmanuel Macron. Pour ces commentateurs, le candidat veut ainsi entretenir le suspense, distillant quelques informations et réservant le dévoilement final, en parousie électorale, au 19 mars prochain.

Cette stratégie n’est pourtant pas forcément qu’un teasing facile. Il traduit autre chose. Les écrits de l’essayiste canadienne Naomi Klein peuvent aider à comprendre. Dans son livre, No Logo, elle décrit en effet comment la publicité, le marketing ont structuré jusqu’aux modes de production mondiales.

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Dans No logo: la tyrannie des marques (Actes Sud, 2000), la journaliste canadienne Naomi Klein revient sur la société de consommation. C’est un livre référence de l’altermondialisme.

Elle montre comment le « branding » (ou marketing des marques) a totalement inversé l’ordre des productions donc du sens. Dans un mode de marques entendues comme valeur symbolique, le produit est secondaire par rapport à sa signification, laquelle est construite par la publicité.

Les grandes marques ne fabriquent pas un produit mais des symboles : elles sont moins productrices que « courtiers en signification ». Naomi Klein note ainsi que « Ce que produisent les entreprises, ce n’est pas des objets mais des images de leurs marques. Le véritable travail n’est pas la fabrication mais le marketing ».

Emmanuel Macron est ainsi un candidat Logo : ce qui importe avec lui, ce n’est pas le produit, c’est-à-dire le programme. Mais lui-même. Il est tout à la fois : le produit, le symbole, le sens, le but.

Dès lors, dans la communication de Macron, tout est inversé : la publicité vient avant même la création du produit qu’elle est censée vendre, lequel à la limite n’importe plus tant le discours « disruptif » de la campagne Macron étourdit et fait perdre de vue cette absence de contenu probant et réel.

Il suffit d’écouter les gens séduits par le jeune candidat : « il est nouveau » entend-on souvent, comme s’il s’agissait d’un produit dont la seule qualité probante tient au packaging neuf. Seulement, les recettes libérales du candidat ne sont en rien nouvelles, elles.

 Le chef « charismatique » en transcendance

Emmanuel Macron semble construire une campagne moins basée sur un programme que sur la Parole, la sienne, et une sacralité construite autour de lui. Au commencement était le verbe donc…ou le verbiage si on en juge cette étrange interview donnée au JDD : « La politique, c’est mystique. Mais je ne crois pas à la transcendance éthérée. Je ne sépare pas Dieu du reste ».

Plus loin le « fils de l’homme » issu de l’ENA et des murmures feutrés de la banque Rothschild ajoute : « Comment se construit le pouvoir charismatique? C’est un mélange de choses sensibles et de choses intellectuelles. J’ai toujours assumé la dimension de verticalité, de transcendance, mais en même temps elle doit s’ancrer dans de l’immanence complète, de la matérialité. Je ne crois pas à la transcendance éthérée. Il faut tresser les deux, l’intelligence et la spiritualité ». Amen, a-t-on envie d’ajouter in petto

Nous y sommes, le mot est lâché, « charismatique ». Selon Max Weber, le charisme (du grec charisma « grâce » ou « don »), est l’un des trois types de domination. Là où les deux autres, le pouvoir traditionnel ou le pouvoir rationnel nécessitent une justification, par la tradition pour le premier, par la science ou la connaissance pour le second, le charisme ne s’explique pas, ne se démontre pas.

Et c’est là sa force redoutable de persuasion. Car il demande une adhésion spontanée, irrationnelle. Seul importe qu’on le croit. Il convainc par une forme d’évidence qui confine à la tautologie voire au truisme.

Voici une des raisons pour lesquelles on peine à comprendre le programme d’Emmanuel Macron. Il est insaisissable car il n’y a rien à saisir. Il faut simplement y croire. Voilà pourquoi aussi sa boite de pub, Jésus &Gabriel, prône le « disruptif », ou pour décoder le jargon de « pubard », le à-coup, le coup d’éclat permanent.

Mais aussi la décharge électrique soudaine qui désoriente, désorganise la pensée en séquences courtes et en court-circuit. Toute la campagne de Macron est construite ainsi, en décharges de communication désorientantes.

Emmanuel Macron n’entend pas convaincre, il entend séduire. Il est même frappant de constater à quel point ce mot « séduire » revient constamment dans les portraits dressés de l’ancien locataire de Bercy. Séduire comme seducere, « détourner du doit chemin » ?

Emmanuel Macron ou Zelig au milieu de nulle part

Emmanuel Macron est-il aussi un Zelig conscient ? Zelig, personnage du film éponyme de Woody Allen, est un homme-caméléon, une curiosité de la nature : il est capable de se transformer physiquement et psychologiquement, au contact d’autres personnes : il devient ainsi successivement pilote d’avion, rabbin, noir, obèse, nazi, évêque, jazzman mafieux, psychanalyste, soldat…

L’épisode algérien illustre cette plasticité idéologique d’Emmanuel Macron sur les sujets sociétaux. A Alger, au milieu des Algériens, le candidat est devenu algérien, épousant les revendications du pays vis-à-vis de l’ancienne puissance colonisatrice : « la colonisation.

« C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie, et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes».

Voici qui était dit.

Mais à Toulon, face à un comité d’accueil musclé irrité par ces propos, le candidat renoncera à cette qualification pénale de « crime contre l’humanité » pour celle plus éthiques peut-être de « crimes contre l’humain », tout en louant le « travail formidable » fait à l’époque de l’Algérie française par des gens « formidables ». Après de multiples « pardon », il la jouera même accent gaullien, avec un surprenant « je vous ai compris ».

Voilà qui était dédit.

Pour résumer, Emmanuel Macron a réussi le tour de force dans cette séquence algérienne, d’être algérien, Algérie française et gaulliste. Zelig est un petit joueur à côté…

Cette tendance à la mobilité légère, voire à l’inconstance, se retrouve dans cette prétention à « dépasser les clivages », à ne se prétendre ni de gauche, ni de droite. La transversalité comme programme en somme, être partout pour occuper le spectre du champ politique au maximum : libéral sur les questions économiques et libertaire sur les questions de société.

Sauf qu’à être partout, on risque aussi d’être nulle part. C’est le risque Macron, qu’on découvre qu’au final, au-delà de l’habillage flottant, séduisant et étourdissant demeure une armature foncièrement libérale, férocement libérale. Smith, Hayek, Friedman. En somme, rien de nouveau sous le soleil…

Hassina Mechaï

 

 

Raconter, analyser, avancer.

Comments (3)

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