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Mission impossible pour Benoît Hamon?

A défaut d’un grand élan ce n’est pas non plus la Bérézina. Du strict point de vue de la participation le premier tour de la primaire citoyenne, initialement baptisée primaire de la belle alliance populaire (tout un programme) affiche un résultat en demi- teinte.

Plus ou moins un million et demi de votants, l’imprécision même des calculs traduit un certain embarras des instances dirigeantes de la rue de Solférino.

Ce qui ne fait que renforcer les béantes contradictions qui traversent aujourd’hui le Parti Socialiste et la gauche dans son ensemble.

 

On peut déjà remarquer que le principe même de la primaire, inspirée du modèle américain où le système et les pratiques électorales n’ont rien de commun avec ce qui se fait en France, est une formidable machine à détruire les partis politiques.

Le rôle de ces partis consiste traditionnellement à porter des idées mais aussi à repérer les talents parmi les adhérents, à les former et à accompagner leur accession aux postes de responsabilité. C’est ainsi que, pour la présidentielle, le parti choisissait le candidat le mieux à même de fédérer les différentes sensibilités s’exprimant en interne.

La primaire dicte sa loi

La primaire impose une toute autre logique. En laissant le soin aux électeurs de désigner l’homme (ou la femme) providentielle, elle minorise la responsabilité des militants. Libre à l’heureux élu de s’entourer à sa guise, ce qui est le meilleur moyen de laisser le champ libre à la technostructure, comme ce fut le cas pour François Hollande, en 2012 et ensuite.

L’histoire retiendra donc que la primaire citoyenne aura été sans pitié pour Arnaud Montebourg, un de ses principaux instigateurs, une nouvelle fois cantonné à une bien cruelle troisième place, celle qui vous réduit aux utilités, au rôle de faiseur de Roi, si l’on veut voir le bon côté des choses.  

Cette primaire citoyenne, version 2017, est surtout une nouvelle illustration de la propension qu’aura eu François Hollande, tout au long de son quinquennat, à jouer avec le feu… et à s’y brûler.

Hollande ou l’art de fuir

Président sortant, il avait tout loisir, en dépit d’une côte de popularité calamiteuse, de présenter sa candidature sans avoir à s’infliger une épreuve préalable. S’il a accepté cette primaire c’est, de son propre aveu… parce qu’il était convaincu qu’elle ne lui serait finalement pas imposée.

Chili Hollande

François Hollande et Michelle Bachelet, son homologue chilienne
21 janvier 2017 (photo/RFI)

Venant d’un homme si brutalement trahi par Emmanuel Macron et Manuel Valls,  les deux hommes dont il avait fait ses créatures  et qui ne seraient rien sans sa bienveillance, l’histoire dira peut-être s’il fut d’une vertigineuse naïveté ou, tout au contraire, s’il fut la principale victime de ses propres manœuvres complexes et mal maîtrisées.

Ce qui ne fait pas de doute, c’est que l’annonce tardive de son renoncement – sans précédent sous la Ve République – donc son évitement d’une primaire  pourtant conçue comme une piste d’élan à sa seule intention, a privé la gauche d’un véritable débat, ne serait-ce qu’en raison d’une campagne forcément très abrégée.

Tout juste le temps de permettre à Jean-Luc Bennahmias, représentant d’un obscur Front Démocrate, de faire preuve d’une gouaille assez réjouissante, à Sylvia Pinel d’afficher une radicale discrétion, à François de Rugy d’expliquer que l’on pouvait porter le costume cravate, plaider pour la cause écologiste, tout en défendant le bilan du quinquennat, et à Vincent Peillon de s’offrir un éphémère retour au premier plan.

Pour le reste, le premier tour de cette primaire citoyenne donne un résultat qui n’est pas sans similitudes avec la primaire de la droite et du centre. C’est Benoit Hamon qui vire en tête comme l’a fait François Fillon, avec la presque assurance de reports de voix l’incitant à envisager le second tour avec sérénité.

Hamon, coureur de fond

Benoit Hamon qui, comme François Fillon, a commencé sa campagne bien avant les autres, ne s’est pas laissé intimider par des sondages qui lui promettaient alors le purgatoire et à développé des thèmes correspondant à ce que le cœur de son électorat, à commencer par les jeunes, avait envie d’entendre.

Une petite musique et la tranquille assurance de celui qui n’a pas besoin de bander les muscles pour se faire entendre, cela donne plus de 36 % des voix et une solide posture de leader.

Face à lui, Manuel Valls, ancien Premier ministre, auquel nombre de fidèles de François Hollande ne pardonnent pas d’avoir poignardé le président qui l’a nommé à Matignon. Il a été comme écartelé entre la défense d’un bilan gouvernemental dont il ne peut être que comptable et la promesse d’engager exactement le contraire de ce qu’il a réalisé, par exemple sur le fameux article 49.3 ou encore sur la défiscalisation des heures supplémentaires.

Ainsi, au soir du premier tout, on a vu un Benoit Hamon magnanime, saluant les mérites de ses adversaires vaincus, face à un Manuel Valls tentant une nouvelle fois de se poser en figure de proue de « la gauche responsable » face aux « promesses irréalisables » et proclamant que les électeurs de gauche n’avaient désormais le choix qu’entre «la défaite assurée et la victoire possible. » Ce que les sondages dont il aime faire son miel, ont immédiatement démenti.

Discours de Manuel Valls après le premier tour de la primaire
22 janvier 2017

Car ces sondages, dont on a appris à se méfier, pronostiquent un échec retentissant du vainqueur de la primaire citoyenne, quel qu’il soit. Est-ce bien certain ?

En eaux troubles

Ce qui ne fait pas de doute, c’est que Benoit Hamon s’il l’emporte dimanche prochain devra faire preuve d’un remarquable sens politique pour éviter le naufrage de la maison socialiste. En tout cas, il a une idée précise de ce qui l’attend. A commencer par la désertion en rase campagne d’un certain nombre d’élus, convaincus que l’étiquette socialiste ne suffira plus à assurer la pérennité de leurs fonctions.

Ces futurs transfuges risquent cependant d’être déçus par l’accueil que leur réservera Emmanuel Macron. Tout indique en effet que le jeune prodige dont les médias ont fait don à la France n’a nullement l’intention de limiter le périmètre de son mouvement aux nouveaux minoritaires du parti socialistes.

En marche

De plus, bien malin qui peut affirmer ce que deviendra la bulle Macron. Quelle sera sa capacité à constituer une véritable base électorale en piochant, comme il s’y emploie, à gauche, à droite et ailleurs, pour les idées comme pour les soutiens ? Face au choc des réalités électorales, l’admiration de ses supporters peut se révéler aussi enthousiaste qu’éphémère. Cela s’est déjà vu.

Nouveau-leader

L’autre challenge pour Benoit Hamont consistera à s’imposer comme le nouveau leader de la gauche, donc à sortir de son couloir et à tempérer sa détermination à mettre en œuvre certaines dispositions dont le moins que l’on puisse en dire c’est qu’elles ne seraient pas aisément applicables, à l’instar du revenu universel, même s’il a eu au moins le mérite d’ouvrir le débat sur l’avenir du travail et la notion de solidarité.

Parce qu’il n’est pas majoritaire dans les instances dirigeantes du PS et parce que ses représentants dans les fédérations sont rarement des poids lourds, Benoit Hamon aura beaucoup à faire pour rassembler tout en permettant l’émergence de nouveaux talents. Aussi bienvenu soit-il, le ralliement de Martine Aubry n’est certes pas un signe d’audace et de modernité.

Surtout, Benoit Hamon sait que le vainqueur de la primaire citoyenne sera immédiatement écartelé entre l’effet Macron et le sillon que Jean-Luc Mélenchon continue à creuser, au nom de la France Insoumise.

Dès son intronisation officielle, prévue le 5 février, les médias se feront d’ailleurs un devoir de mettre en exergue les écueils qui vont se dresser sur son chemin.

Certes, un relatif essoufflement de ses rivaux n’est pas à exclure. Il serait cependant bien léger de compter sur ce seul facteur pour éviter une humiliante 5e place au soir du 23 avril prochain. Une présence au second tour n’est pas encore à l’ordre du jour et relèverait du miracle, ce qui se fait rare en politique.

Pour éviter le pire, il lui revient de rassembler, y compris parmi ceux qui doutent même de sa crédibilité, à construire un projet à la mesure des difficultés que le pays doit surmonter et à démontrer qu’il est autre chose que l’aimable liquidateur d’un vieux parti socialiste usé par l’exercice du pouvoir. Un beau défi en perspective. Un pari impossible diront certains.

Frédéric Lancel

Raconter, analyser, avancer.

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