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Qui est Mélenchon?

Il le dit lui-même : son modèle est Robespierre. Robespierre le tribun, Robespierre le Révolutionnaire de la Terreur et de la vertu.

Mélenchon a d’ailleurs écrit un livre : De la vertu. Peut-être en réponse aux infortunes de la vertu de Sade, ou celles de Fillon dans un autre registre.

Jean-Luc Mélenchon dénonce une manipulation dans la reconstitution du visage de Robespierre, à qui il se compare.

La vertu n’a pas toujours un sens moral

Au premier sens c’est une qualité qui porte à faire telle ou telle chose. Le mot a alors le sens de « disposition à ». La vertu d’une plante botanique est le principe qui la définit, comme par exemple le soulagement de la douleur. Compris ainsi le principe qui doit fonder la VIe République sera la morale.

Pour Mélenchon il s’agit donc de tenir ensemble le principe-vertu du politique pour qu’il dure – sans quoi c’est le chaos et la ruée vers l’extrême droite – et la disposition du peuple. La vertu qu’il faut déployer est celle qui est convenable à un peuple donné.

Il définit la vertu comme « une exigence qui s’impose quelle que soit la morale dont on se réclame ». C’est « un principe d’action gouvernant la vie en société (…) c’est donc la passerelle entre ce qui est bon pour tous et ce qui est bon pour soi ».

Pour le candidat à la présidentielle, notre société n’est pas vertueuse car elle « proclame » des « principes » (liberté, égalité, fraternité) qu’elle ne met pas en pratique. « La vertu est une ardente obligation dans l’espace public. Au moment où nos sociétés se remplissent de haine, la vertu est le liant qui nous maintiendra debout et ensemble ».

Robespierre et la vertu. L’héritage de Rousseau.

Selon Rousseau, il n’y a pas d’État qui ne dure sans la vertu morale. En société les hommes sont guidés par leur intérêt propre et la concurrence de tous contre tous. À preuve, la corruption qui touche la plupart des candidats aux Présidentielles. Cet état de fait retire à la République sa dimension exemplaire… nous renvoyant au contrat de dupe défini par Rousseau dans le Discours sur l’Origine et les Fondements de l’inégalité parmi les hommes, comme cause de la guerre de tous contre tous. Négliger la vertu c’est laisser s’installer le despotisme. En 1794, Robespierre prononce son dernier discours :

M. Robespierre : En voyant la multitude des vices que le torrent de la Révolution a roulés pêle-mêle avec les vertus civiques, j’ai tremblé quelquefois d’être souillé aux yeux de la postérité par le voisinage impur de ces hommes pervers qui se mêlaient dans les rangs des défenseurs sincères de l’humanité; mais la défaite des factions rivales a comme émancipé tous les vices; ils ont cru qu’il ne s’agissait plus pour eux que de partager la patrie comme un butin, au lieu de la rendre libre et prospère ; et je les remercie de ce que la fureur dont ils sont animés contre tout ce qui s’oppose à leurs projets a tracé la ligne de démarcation entre eux et tous les gens de bien. Mais si les Verres et les Catilina de la France se croient déjà assez avancés dans la carrière du crime pour exposer sur la tribune aux harangues la tête de leur accusateur, j’ai promis aussi naguère de laisser à mes concitoyens un testament redoutable aux oppresseurs du peuple, et je leur lègue dès ce moment l’opprobre et la mort ! Je conçois qu’il est facile à la ligue des tyrans du monde d’accabler un seul homme ; mais je sais aussi quels sont les devoirs d’un homme qui peut mourir en défendant la cause du genre humain. […]
Peuple, souviens-toi que, si dans la République la justice ne règne pas avec un empire absolu, et si ce mot ne signifie pas l’amour de l’égalité et de la patrie, la liberté n’est qu’un vain nom !
Peuple, toi que l’on craint, que l’on flatte et que l’on méprise ; toi, souverain reconnu, qu’on traite toujours en esclave, souviens-toi que partout où la justice ne règne pas, ce sont les passions des magistrats, et que le peuple a changé de chaînes, et non de destinées !
Souviens-toi qu’il existe dans ton sein une ligue de fripons qui lutte contre la vertu publique, et qui a plus d’influence que toi-même sur tes propres affaires, qui te redoute et te flatte en masse, mais te proscrit en détail dans la personne de tous les bons citoyens !
Rappelle-toi que, loin de sacrifier cette nuée de fripons à ton bonheur, tes ennemis veulent te sacrifier à cette poignée de fripons, auteurs de tous nos maux, et seuls obstacles à la prospérité publique !

Ainsi s’explique la haine farouche que voue Mélenchon au Front National. Il est la négation du politique, sa dissolution. A ce titre il est le négatif de France Insoumise.

Les limites de la vertu politique

Marisa Linton distingue clairement deux formes de vertu dans la période révolutionnaire appelée a posteriori « terreur » : « la vertu naturelle, innée, qui porte l’homme à la compassion pour ses semblables et qui est une manifestation de sensibilité et d’authenticité ; et la vertu républicaine, stoïque et inflexible, pour laquelle l’amour de la patrie tient lieu de lien affectif et social.

Le vrai patriote doit être prêt à sacrifier sa vie et celle de ses proches. Durant « les années lumières » de la Révolution, un homme comme Robespierre avait fort bien su marier vertu naturelle et vertu républicaine devant un auditoire ému aux larmes.

Avec les années terribles, le ton se durcit. Les acteurs sont jugés en fonction de leur vertu politique — et donc de leur patriotisme. De tous les citoyens la Convention et ses comités exigent un sacrifice de tous les instants. »

La vertu suppose un impératif de transparence. Une démocratie républicaine telle que la conçoit Mélenchon ne porte-t-elle pas en elle le risque de la confusion du public et du privé ?

Repenser la démocratie pour éviter les débordements

Le porte-parole qu’est Mélenchon n’est pas chef de parti. Il porte la parole au sens propre, la parole de France Insoumise, tentant ainsi d’endiguer la dérive monarchiste de la Ve République.

Porter la parole n’est pas représenter. Il proclame ce que disent ou écrivent les « insoumis » dans une sorte de performatif qui en disant crée. À l’image de la « proclamation » des Droits de l’homme et du citoyen. La démocratie représentative est mal en point. Certains continuent de la défendre, car c’est leur travail qui est mis en péril.

Sur l’échiquier des candidats aux Présidentielles, Mélenchon c’est la pièce de l’idéalisme certes, mais les « insoumis » qui participent de cet idéal, sont bien réels, de même que leurs actions. Le meeting à Marseille en est la preuve.

Le dimanche 9 avril 2017, Jean-Luc Mélenchon était en meeting à Marseille devant 70 000 personnes. Il a rendu hommage par une minute de silence aux 30 000 personnes mortes dans la Méditerranée.

La montée en puissance de la France Insoumise selon les sondages, aussi.
Les actions engagées, les passions qui se dessinent, sont au service d’un désir : celui de prendre en main la construction d’un programme qui n’attend pas d’homme providentiel.

Il y a de la détermination dans les propos de Mélenchon.

Mais cette détermination est portée par les insoumis…

Et c’est de leur action que naît la pensée…

Rosa Luxemburg disait : « Une bonne organisation ne précède pas l’action, mais en est le produit ».

Maryse Emel

Maryse Emel

 

Maryse Emel est professeure de philosophie. Elle participe activement à des actions culturelles à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, où elle défend une autre vision de ce que l’on désigne du terme de « banlieue ». Elle est également rédactrice à nonfiction.fr.

 

 

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Raconter, analyser, avancer.

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