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« Le vote utile commence à la #primaire »

Dimanche 20 novembre, il n’en restera que deux. Loin de la téléréalité, la primaire de la droite et du centre occupe toutes les attentions. Alors que, François Fillon culmine à 30% des suffrages, Nicolas Sarkozy  et Alain Juppé sont aux coude-à-coude, 29%. Sur le terrain, des voix incitent tous les Français à voter. Et à faire abstraction de ce vote pour Le Républicains…

C’est un choix cornélien. Voter à la primaire de la droite et du centre ou pas. Dimanche 20 novembre, les deux finalistes  LR seront choisis, avant le second tour la semaine suivante. Avec deux favoris, Alain Juppé, ancien ministre chiraquien toujours associé aux grèves traumatiques de 1995 pour une bonne partie des Français et Nicolas Sarkozy, actuel chef du parti, ancien président de la République, actuellement empêtré dans l’affaire des valises libyennes, font figure de favoris.

De son côté, François Fillon, qui opère une remontée notable dans les sondages à la veille du vote, pourrait, selon ses proches, créer la surprise.

Si la question du vainqueur tient en haleine l’opinion, beaucoup d’électeurs potentiels s’interrogent sur l’intérêt de voter aux primaires. Principale pierre d’achoppement, non pas les deux euros à débourser, mais la signature d’une charte

Se protéger face aux politiques

Un questionnement qui a poussé un collectif d’associations et d’acteurs de la vie civile à lancer #JeTeVoix. Une initiative originale pour convaincre les plus réticents à prendre toutes les primaires au sérieux et surtout « à se protéger les uns les autres » face à un discours politique qui n’hésite plus à verser dans le discours raciste et jouer la carte de la division entre Français.

Autour d’élus ou de militants, de gauche et de droite, #JeTeVoix veille à dénoncer les arguments ou propos stigmatisants à l’égard des communautés, aussi plurielles soient-elles.

Si le collectif n’appelle pas « au vote », il incite néanmoins « toutes les femmes et les hommes de bonne volonté à s’impliquer en tant que lanceur d’alerte ».

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« Nos identités ne sont pas des marchepieds »
Appel du collectif #JeTeVoix

 

Le but étant dès les premières élections de « mettre hors-jeu les candidat-e-s les plus dangereux » pour « notre contrat social », notre idéal républicain faut-il comprendre.

Kamel Djellal, militant politique et membre du Collectif Citoyens fait partie des initiateurs du projet. Et pour lui, voter aux Primaires LR est une nécessité.

Le vote utile commence aux primaires LR

Pour convaincre les plus réfractaires de faire le déplacement le 20 novembre, il soulève un paradoxe. « A gauche, la multiplication des candidatures va la priver d’un second tour à l’élection présidentielle », souligne-t-il.

Or, « ceux qui refusent de voter aux primaires et qui brandissent la fameuse charte à signer pour se faire, iront voter, sans sourciller, pour le candidat de droite si le FN passe le premier tour ». Difficile effectivement de contredire.

Surtout quand on regarde les données de l’élection présidentielles de 2002. Arrivé au second tour, Jean-Marie Le Pen s’était incliné face à Jacques Chirac, alors réélu, à 82% le 6 mai 2002.

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6 mai 2002, deuxième tour de l’élection présidentielle
Une du journal Libération

Une configuration donnée plausible par les observateurs de la vie politique. Raison de plus pour Kamel Djellal de prôner « un vote utile dès les primaires ». D’autant, qu’il en est sûr. Le vainqueur de ce vote sera certainement le prochain président de la République.

Sarkozy « la menace »

Layla, entrepreneure et électrice de gauche est bien décidé à « prendre la parole » lors des primaires LR. Elle qui vote PS habituellement est « si inquiète de revoir Sarkozy à l’Elysée qu’elle est prête à signer la fameuse charte LR pour pouvoir glisser son bulletin dans l’urne ».

Pour autant, elle déplore « le côté rafistolage de la vie politique française. Nous ne sommes plus dans l’esprit du vote, reflet des belles valeurs de la démocratie. Nous sommes dans un gloubi-boulga où la conservation pouvoir est le cheval de Troie ».

sarkozy-juppe-et-fillon-8-minutes-d-uniteAlain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon
(Photo/Europe 1)

Expert financier, Aymen, 38 ans, a une idée en tête. « Barrer la route à Sarkozy. Je voterai aux primaires pour Alain Juppé ». Clairement de droite, ce père de famille regarde pourtant l’ensemble de la classe politique avec une forme de mépris.

« Ces dernières années, tous ont joué sur la haine entre les gens. Je ne veux pas des personnes qui parlent de toute la journée d’islam ».

S’il confie, « préférer Fillon pour son programme, ses dernières sorties concernant les musulmans l’ont dissuadé d’opter pour lui ». Le redressement du pays sera certes économique mais il passe aussi par l’apaisement…

Le vote à la primaire de la droite et du centre dévoile donc une nouvelle ligne de fracture entre ceux prêts à voter pour endiguer « la menace Sarkozy », selon Aymen et les autres, dorénavant sceptiques sur les vertus du vote. Si la constellation #JeTeVoix espère, justement, mobiliser les plus indécis, en face, ils sont nombreux au pire à refuser de voter, au mieux à hésiter.

Pas de vote au rabais

Pour Nadia, 42 ans, cadre juridique dans une établissement public, la question est pliée. « Je n’irai pas voter par choix », tonne-t-elle. Au-delà du clivage politique-elle a toujours voté à gauche- sa réflexion porte sur le sens même du vote.

« Droite ou gauche, je ne me déplacerai pas », souffle la jeune femme, également diplômée du Barreau de Paris. « J’ai toujours voté », en bonne citoyenne a-t-on envie d’ajouter. « Aujourd’hui, je refuse de voter contre quelqu’un.  Sur la  question du « vote utile , elle est catégorique ».

Pour moi, la démocratie c’est voter pour un programme, des valeurs et un-e candidat-e. J’en ai assez d’être culpabilisée ! » D’ailleurs, elle milite pour le vote blanc. « Ce sera certainement mon choix…ma manière à moi de manifester mon mécontentement ».

La menace du FN, gagnant au second tour, ne l’effraie pas. « Je ne me sentirai pas responsable de cette situation. Et puis vu toutes les affaires, il ne m’apparait plus du tout évident qu’il fasse pire… ».

Kamel Djellal, lui, est confiant. « On ne peut pas voir une configuration à la Trump/Clinton. En France, nous avons deux tours , citant, l’exemple des régionales. Arrivé grand gagnant au premier tour, le FN n’a gagné aucun région au second tour ».

A 36 ans, Kaïs est un professeur très engagé à gauche. Dimanche, il n’ira pas voter non plus. « Ni aux primaires des Républicains, ni celle des socialistes…sauf si c’est Mélenchon », lance t-il un brin amusé.

Et quand on évoque le vote utile, Kaïs rétorque : « il n’apporte rien si ce n’est la validation d’un système inégalitaire que je combats et qui engrange 50% d’abstention aux élections ».

Point de non-retour ?

Inquiet des velléités de la classe politique de réduire le nombre de fonctionnaires « que ça soit dans la police ou la santé », Kaïs tire aussi la sonnette d’alarme concernant l’enseignement.

« Aujourd’hui, on a des profs recrutés sans aucune expérience. On va vers un système avec des enseignants recrutés pour colmater les brèches…sans véritable expérience. Où va-t-on mettre nos gosses, dans le privé ? », insiste-t-il amer. La question du recrutement de profs vacataires revient régulièrement sur le tapis.

Au-delà de la primaire des Républicains, c’est bien la question du rapport à l’expression démocratique qui se pose. Rompu au terrain si convoité (en période électorale) des quartiers populaires, Kamel Djellal, le répète à l’envi.

« Nous poussons les habitants à aller voter. Mais il n’y a pas de vote d’adhésion. La plupart sur le terrain est déçue par l’échiquier politique ». Comme Nadia, l’envie de retrouver le « goût » du vote est palpable. Et passe par un vote d’adhésion qu’aucun candidat ne parvient encore à susciter…

A voir comment les comptes d’apothicaire sondagiers obsèdent les candidats LR, peu crédible de les voir insuffler un nouvel élan citoyen. En moyenne, 9% des sondés se disent « certains » de se rendre aux deux tours, les 20 et 27 novembre.

Autrement dit, pas plus de 5 millions d’électeurs sur 45 millions d’inscrits. Pas vraiment représentatif. Reste que pour le candidat Sarkozy, une participation massive des Français barrerait la route à son retour à l’Elysée. Seule une OPA de la base militante sur le vote  lui serait vraiment favorable (baromètre Kantar Sofres-OnePoints).

Plus parlant, l’étude publiée, le 20 octobre, par la Fondapol, un think tank libéral, pointe « l’incertitude qui demeure à quelques jours du scrutin ».

Ainsi, 11% des électeurs prévoiraient d’aller voter mais 53% d’entre eux ne connaissent pas la date du vote. Concernant le profil du votant des primaires de la droite et du centre, il est très majoritairement un homme (66%) et retraité (56%).


Les Français et la primaire de la droite et du… par fondapol
Hémorragie militante

Face à ce constat, difficile de nier le nivellement par le bas dans lequel les politiques, tous azimuts, excellent. Au sein même de leur formation politique, les chiffres sont parlants. Depuis 2007, les deux partis voient le nombre d’adhérents fondre comme neige au soleil.

En 2015, Nicolas Sarkozy misait sur 300 000 membres d’ici la fin d’année. En cours d’année 2016, le parti atteignait péniblement les 240 000 adhésions. De son côté, le parti socialiste fait pire essuyant une baisse continue, moins 40 000 membres depuis 2012.

En janvier, le PS disposait de 136 000 militants dont près de 87 000 à jour de cotisation. Une réalité conforme aux témoignages glanés. La vie politique française ne reflète plus les attentes de la société française. Finalement, le débat autour de la primaire de la droite et du centre-voter ou non- dépasse les modalités du scrutin.

Ce qui se joue en toile de fond depuis plusieurs décennies maintenant, c’est la direction que prend la démocratie française. La victoire de Trump aux Etats-Unis devrait éclairer ceux qui détiennent les manettes du pays. S’agit-il de porter des valeurs et une vision ou défendre sa parcelle de pouvoir ?

Une introspection que les politiques ne semblent pas prêts à mener. Sur le terrain, le mécontentement résonne. Surtout, il échappe aux politiques, enivrés par le pouvoir. Ils ont tort. A regarder l’Histoire, la détresse aguerrit les plus faibles. Et les pousse à réinventer le système. Enfin…dans le meilleur des cas.

Nadia Henni-Moulaï

Photo de Une/Martin Bureau/ Pool/AFP

Lire sur MeltingBook: Le vote négatif, une alternative pour l’abstention

 

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