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« Disons non au FN. On continuera notre combat après »

Voter pour contrer le FN. Anouar Hachemane est un entrepreneur franco-algérien installé en Inde. Dans une tribune, il appelle ses concitoyens à tout faire pour éviter le pire. S’il a soutenu Jean-Luc Mélenchon au 1er tour, il votera contre Marine Le Pen sans hésiter, le 7 mai.

Bien entendu qu’il faut aller voter contre le FN.

Anouar Hachemane

Anouar Hachemane

Il faut tout faire pour éviter le pire. Son élection serait une sacralisation absolue de la politique de la haine. Un échec irréversible pour notre pays. Il n’y pas de doute à cela. Le danger est là, urgent et il faut lui faire barrage.
Toutefois, il est important d’essayer de s’élever et d’analyser les choses dans le calme. Nous faisons face à une situation peu ou prou équivalente à celle des USA, de la Grande- Bretagne, et de l’Inde même : le cycle classique de la confrontation entre l’oligarchie néolibérale et les laissés-pour-compte, qui finit par amener au pouvoir les pires populistes.
Le dénouement malheureux d’une opposition entre les uns, légitimés par un système qui les privilégie et qui leur donne le rôle principal et les autres, moins chanceux, devant se taire et accepter le modèle tout tracé et imposé.

Les puissants, ayant l’argent, les connections et maitrisant l’art de la communication, ont bien évidemment, plus de facilités à réussir. Leur champ d’espoir est plus grand.

Les plus démunis ceux dont la vision de l’avenir est brouillée par l’insécurité constante face à l’indigence, par l’incertitude des jours heureux, devraient quant à eux, faire l’effort d’accepter « leur chance de vivre ici-bas ». Insupportable.

C’est ce système qui est défendu par Macron et qu’on nous ordonne de soutenir, au risque de se voir jeter l’opprobre ultime.

Quand on regarde nos sociétés occidentales aujourd’hui, et plus particulièrement la France, pays qui a voulu porter au pinacle la Démocratie et la Liberté, il est difficile d’ignorer ce goût amer lié aux inégalités abyssales qui la gangrènent.

2002-2017, le FN au 1er tour: qu’est ce qui a changé?

Et malheureusement, la misère, ouvrant les brèches de la rancœur et de la rage, tend à assombrir les cœurs. L’urgence pousse alors à l’irrationnel, à penser l’extrême comme une réalité alternative, possible et pas si terrible. On oublie alors la terreur sous-jacente. C’est ce qui est exploité, nourri et cultivé par l’extrême droite, accusant alors l’autre de tous les maux et proposant l’horreur comme solution.
Car cet appauvrissement des territoires français, cette dichotomie entre les classes sociales s’est fait silencieusement, petit à petit. Et face à la grogne populaire, on répondait au mieux par des jets de brioches ou par le mépris tout simplement.
La démocratie étant encore là, elle permet alors aux docteurs fascistes de porter le costume de démocrates, et de prétendre soigner le cœur las de ceux pour qui rien ne peut être pire.
Pendant ce temps, on poursuit les politiques d’austérité, les appels à l’effort envers le peuple essoufflé; et quand viennent les élections, on accuse les uns d’être responsables de la montée du FN et les autres d’être à l’origine d’erreurs arithmétiques.
Malheureusement, le système institutionnel de la Vème République ne nous laisse pas d’autre remède contre le mal autoritaire que de voter pour ce même poison néolibéral qui le suscite. Rien n’est là pour réellement répondre aux vrais problèmes des gens. Strictement rien. Quelle importance d’ailleurs ?…
Comment se répartit le vote du 1er tour de l'élection présidentielle.

Répartition du vote du 1er tour de l’élection présidentielle (Source: Ministère de l’intérieur)

 

C’est face à ce constat qu’une véritable Gauche, humaniste, honnête quant à ses valeurs, et qui sort du piège des technostructures est nécessaire.
Cette gauche ambitieuse, qui honore et qui respecte tout le peuple, dont la base part du bas, une Gauche qui veut innover, qui ose rêver tout en construisant petit à petit les contours et le projet réaliste d’un vrai avenir (sans cela, les chantres du libéralisme parleront d’utopie, d’un grand soir sans aube).

C’est sans doute pour ces raisons que j’ai soutenu le projet des Insoumis. La dynamique populaire créée a été magistrale, m’a fait redonner confiance en un peuple si intelligent, si visionnaire et si progressiste.

Voir les milliers de contributions, les idées qui y ont jailli, l’espoir et surtout la définition d’un avenir proche différent mais possible a été pour moi, vivant en Inde, si loin de la France, source de fierté. Oui, il y a une alternative à la guerre, au néo-libéralisme imposé, à la misère massive « nécessaire ».
Bien sûr que nous sommes assez intelligents pour penser autrement, sans qu’on vienne nous assommer avec des arguments d’autorité, selon lesquels le sacrifice d’une partie serait la condition sine qua non de la réussite d’un groupe qui se veut tout.
Quand on laisse les gens penser dans le calme, quand on donne la possibilité à chacun de réfléchir à son propre futur, à créer et à innover, il n’en sort que de belles choses.
C’est pourquoi il faut continuer dans cette dynamique, poursuivre le travail pendant les législatives, et après. Mais il faut le faire en s’assurant d’une chose, avant tout : ne jamais laisser place aux adeptes de la haine.
Jean-Luc Mélenchon doit dès lors se positionner contre le FN, et très rapidement. Il aurait dû le faire le soir même de l’élection ! Il aurait du saluer son score, motiver ses militants et surtout montrer son opposition radicale face au FN. Car rien ne peut justifier ce silence face au danger imminent de la menace fasciste.

Personne ne peut prendre en otage les millions de femmes et d’hommes qui ont contribué à son projet en les laissant être accusés de proximité avec l’idéologie du Front national.

Ou pis de vengeance zélée, d’un “sourire mauvais” à l’encontre de Macron et de ce qu’il représente.
Le projet est trop grand, trop beau pour qu’on le laisse être rattaché à ces sombres idées. Il faut le répéter : vaut mieux la bataille d’idées dans un cadre républicain que de vivre sous un régime qui érige la xénophobie comme symbole.
Il fallait répéter que nul ne pouvait comparer ce qui a été créé par les Insoumis avec la sombre idéologie de Marine Le Pen. Ayant clarifié cela, il s’agira par la suite de poursuivre ce qui a été commencé, ces débats et initiatives populaires si riches de dynamisme.
Il est vrai que Jean-Luc Mélenchon, personnage au talent incontestable, à la culture éclatante, garde pour beaucoup, un côté rigide et peut-être même une attitude de “père de la Nation”. Or, on n’a pas tort d’avoir peur de ceux qui veulent se placer dans une figure paternelle.

 Jean-Luc Mélenchon annonce la consultation des Insoumis sur le vote du 2e tour
Beaucoup ont été séduits par le projet, mais effrayés par la passion et les éclats d’un homme peut être trop centré autour de lui-même, peut-être trop rigide pour accepter les hésitations des autres, car trop fier.
Sa cravate rouge l’associe peut-être trop à ceux qui, par le passé, obnubilés par le rêve de changement, ont fini par épouser l’autorité et le dogme comme méthode.
Rien ne le prouve certes. Et ses opposants n’ont pas hésité à grossir le trait, jusqu’à la caricature. Mais les électeurs choisissent ceux qui les représentent. On parle d’une rencontre entre un homme et un peuple. Ce dernier est sincère et il peut avoir raison de penser cela, même si notre démocratie est trop installée, trop solide pour laisser des Ubus la gouverner. (Quoique…).

Bref, le travail que les Insoumis ont mené, une gageure au départ, s’est transformé en projet d’avenir. La défaite du personnage Mélenchon, du leader de cette France insoumise hier, est peut-être l’étape nécessaire sinon indispensable à l’éclosion d’un projet ambitieux, et surtout unique en son genre.

Qui désormais moque l’idée d’une VIème République, d’une Assemblée constituante ? Qui a dit qu’une agriculture paysanne, qu’une économie de la mer ou qu’une autre manière de vivre avec les animaux seraient impossible ? Des idées, autrefois raillées, commencent à faire leur chemin et à s’imposer. A la jeunesse de ce pays de reprendre tout simplement le flambeau.
On disait que l’alternative populaire était impossible et surtout irréalisable. Voici son projet sur la table, réfléchi, argumenté et ouvert à la critique. Nous en sommes tous conscients. Une brèche de possibles vient de s’ouvrir. Pour le moment, disons non au FN, on continuera notre combat après.
Anouar Hachemane,
Installé en Inde depuis 7 ans, Anouar Hachemane a créé India Maghreb Hub, un cabinet de conseil spécialisé dans les relations entre l’Inde et le Maghreb.

 

Raconter, analyser, avancer.

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