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Grenfell Tower: « Les familles veulent la vérité et la justice »

Une marche organisée à la mémoire des 72 victimes de l’incendie de la Tour Grenfell, le 14 juin 2017.  Alexander Seale, notre correspondant à Londres, revient sur l’enquête débutée le 21 mai dernier.

N. H-M : Le 14 juin 2017, la Tour Grenfell prenait feu dans le quartier de North Kensington, à Londres, tuant 72 personnes. Un an après, la colère des survivants et de leurs proches est toujours aussi intense. Pourquoi?

Alexander Seale : Il y a toujours une colère. Je dirai même que ce 14 juin 2018 reste un jour douloureux pour les familles des victimes et la communauté autour de la Tour Grenfell à Londres. Il y a sans doute des coupables et on verra bien à la fin de l’enquête. Nous sommes toujours pendant la phase 1.

Une marche organisée le 14 juin 2018 à la mémoire des victimes dans l’ incendie de la Grenfell Tower, il y a un an. (Photo/Alexander Seale)

Elle a pris une pause cette semaine pour les commémorations. Elle reprendra le 18 juin. Pendant l’enquête les pompiers (London Fire Brigade) ont été accusés de demander aux habitants de la tour le soir de l’incendie de rester chez eux et de ne pas évacuer. Il y a eu une mauvaise gestion.

Cette colère des familles des victimes ou des survivants qui ont tout perdu le démontre. Mais ils restent unis. Ce jeudi ils étaient appelés à porter du vert lors de la manifestation silencieuse. La tour a été recouverte d’une banderole avec un cœur vert. Sans doute pour oublier que la noirceur de la Tour Grenfell défigurait le quartier de North Kensington.

N.H-M: Concrètement, où en est l’enquête?

A.S:  Elle a commencée le 21 mai 2018. Au début, on a entendu des témoignages émouvants sur les victimes et puis lors de la deuxième  semaine quand on a appris à connaître les prénoms des 72 victimes, les représentants des familles des victimes et des survivants, les avocats des compagnies de constructions et des pompiers de Londres ont tous témoigné.

Tout le monde accusaient quelqu’un. Les compagnies de constructions accusent le conseil local, les pompiers accusent les compagnies de constructions. Un avocat qui représentait des familles des victimes parlait même de ségrégation.

Il accusait les pompiers de ne pas sauver des personnes à cause de la couleur de leur peau ou le fait que nombre de ces résidents qui vivaient à la Tour Grenfell venaient d’Afrique, d’Iran, de la Syrie et du Maroc étaient catégorisés pour avoir un logement à Grenfell.

 

N.H-M: Les associations et acteurs de la société civile sont aux premières loges pour faire avancer la procédure…

A.S: Chaque 14 du mois il y a une marche silencieuse organisée par les acteurs de la société civile et de la communauté. Cela depuis 1 an! Les 3 jours suivant l’incendie les personnes vivant autour de la Tour Grenfell avaient montré leur colère en manifestant devant la mairie locale de Kensington.

Ils voulaient la vérité et la justice. Aujourd’hui, ils ne trouvent pas de réponses en raison d’un gouvernement chaotique et d’un pays qui sombre en pleine négociation du Brexit.

J’imagine que ces personnes qui participent aux marches silencieuses souffrent intérieurement mais c’est très difficile de réparer ce qui s’était produit. La première ministre britannique Theresa May avait promis que toutes les personnes qui avaient tout perdu allaient être relogées dans les trois semaines suivant l’incendie.

 

Comme le Tower Bridge, les monuments de Londres en vert pour honorer la mémoire des victimes.

Elle n’a pas tenu ses promesses. Quatre-vingt familles sur 203 vivent toujours dans des hôtels ou logements temporaires. Les associations essaient d’aider les personnes mais ce n’est pas facile.

L’année dernière des personnes ont fait appel à Theresa May de venir rencontrer les survivants et les familles des victimes. Elle a tardé et à finalement visité les lieux de l’incendie.

La Reine Elizabeth II a d’ailleurs rencontré des familles des victimes et personnes du quartier. La Reine a été plus populaire que sa Première Ministre. Il y a quelques jours Theresa May a fait son mea culpa sur sa gestion de l’incendie de la Tour Grenfell. Elle était un peu obligée de le faire.

N.H-M: Ce drame rappelle les clivages sociaux abrupts de la société britannique, très visibles à Londres…

A.S: Effectivement il y a des écarts entre riches et pauvres à Londres. Mais celles et ceux qui vivaient à la Tour Grenfell venaient du Maroc, de la Somalie, de l’Iran. Ils travaillaient pour des riches. Ils étaient plombiers, ouvriers ou chauffeurs de taxis. Ils symbolisaient la diversité de Londres. Il y a un contraste saisissant entre les grandes maisons dans les quartiers chics et les HLM comme Grenfell.

Propos recueillis par Nadia Henni-Moulaï

 

 

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