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« Le Professeur Didier Raoult déroute l’académisme français d’arrière-garde »

[#Analyse]

Brillant praticien, Rachid D.* exerce depuis 30 ans en France. Actuellement, il est professeur de médecine dans un grand hôpital français, dont on ne citera pas le nom. Pour lui, les travaux de Didier Raoult montrent l’urgence d’une médecine de terrain. Débarrassée des pesanteurs de l’académisme français.

Ce week-end, j’ai discuté avec un professeur de médecine. Rachid D., professeur de médecine. A l’origine, je l’avais joint suite à la parution au Journal officiel d’un décret (n°2020-393) autorisant l’usage d’anesthésiants vétérinaires pour les malades en réanimation. Pas vraiment étonné, il rappelle que la pharmacopée n’est pas vraiment son domaine. Qu’il en « est loin ». Soit. Je le sens prêt à exploser.

« Dans mon hôpital, on est pleins en Covid. Les lits en réanimation, tous services confondus, ont tous été réquisitionnés ».

Il a le verbe haut et une fougue de révolutionnaire dans la voix. Rachid est en colère. En tant que profane, je le suis, déjà. Je vous laisse imaginer ce qu’il en est pour un médecin, sacrifié, sur un front que personne n’avait vu venir. Du moins, en Europe.

Très vite, la discussion s’embarque sur la ligne de crête où les soignants tentent, vaille que vaille, d’avancer. L’impression de toucher du doigt leurs réalités.





La bureaucratie, exception culturelle

L’établissement de Rachid est submergé par les cas de coronavirus. Le souffle, coupé par la colère :

« Nous sommes à terre ! Il y a pleins de morts et l’embolisation des services de réanimation complique la situation ! », me crie le médecin, à l’autre bout du fil.

Sa voix résonne dans la pièce.

« On a le meilleur infectiologue au monde et c’est un vrai scandale de le bloquer ! » 

Didier Raoult, infectiologue et professeur de microbiologie français, spécialiste des maladies infectieuses tropicales émergentes à la faculté des sciences médicales et paramédicales de Marseille et à l’institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille (IHU), vient de faire irruption dans la conversation.

La conversation informelle se transforme, à ce moment-là, en interview. A l’autre bout du fil, ce n’est plus un ami. Et moi, je revêts mon habit de journaliste. Rachid me donne l’encre pour porter la plume dans la plaie.

« C’est un scandale !  Un scandale ! »

L’anaphore du professeur de médecine sonne comme une alerte. Les obstacles auxquels se confronte Didier Raoult dépassent le cadre protocolaire de la médecine.

En filigrane, même si Rachid D. ne mâche pas ses mots, la question est évidemment politique. Je tente de nuancer. « Mais, les tests de Raoult, de ce que nous en savons, n’ont pas été réalisés dans des conditions optimales, à savoir durée de l’essai et nombre de patients… ».

« Mais, Raoult ne dit pas qu’il a trouvé un vaccin ! Il dit qu’avec la Chloroquine, il y a un espoir ! ».

Rachid tient à la nuance.

« Il n’arrive pas avec ses grands chevaux », ajoute-t-il. « A la différence de ses détracteurs, lui ne fait pas de la médecine depuis son bureau! ».

Une façon d’étriller la notabilisation de la profession. Et de saluer, ce que le professeur Raoult -dont l’apparence physique a fait jaser la presse- incarne. Une médecine qui sauve plutôt qu’une recherche qui essaie.



Le temps de la recherche, l’urgence de l’épidémie


« Vous ne pouvez pas transformer un malade en objet de recherches. On doit savoir si les gens sont porteurs ou non. Ce n’est pas de la recherche, c’est de la pratique des épidémies (…) Cela fait 42 ans que je fais ce métier et je vois toujours des malades, une fois par semaine, pour rester en contact avec la réalité et pas devenir un médecin de bureau »

Didier Raoult, mercredi 08 avril 2020

Une médecine hors les murs et consciente que le risque rime, aussi, avec avancées. Si la crainte de l’erreur médicale va de pair avec l’exercice du métier- 47% d’entre eux redoutent le diagnostic erroné-, gardons en tête que non seulement le risque 0 n’existe pas mais aussi que de l’erreur scientifique– dans l’absolu-peut parfois jaillir une vérité.

« Une personne qui n’a jamais commis d’erreur n’a jamais tenté d’innover ». Les mots d’Albert Einstein résonnent de plus bel dans la cacophonie actuelle.

La désobéissance au cœur du processus de l’innovation en matière de recherche ?
octobre 2013
« La France finance 4,5% de la recherche mondiale, produit 4% des publications scientifiques mondiales et a 4% de ses universités dans les 100eres du classement de Shangaï », D.Raoult
(Clinical Microbiology and Infection)


Alors bien sûr, le professeur Didier Raoult n’est pas Albert Einstein. Ses essais consistent, avant tout, à sauver des vies.

Or, cette affaire dépasse les querelles de chapelles, les pro et les anti-Chloroquine. Tout comme elle dépasse sa simple personne.

La quête d’une immortalité est vaine, tout comme l’est, celle d’une médecine parfaite et infaillible.


Le discours et l’approche de D.Raoult étrille, en fait, le corset académique français. Dans sa dernière vidéo, datée du 08 avril, D.Raoult pointe, d’ailleurs, la façon dont les apôtres de la recherche empêchent, par la lourdeur des protocoles, d’insuffler du pragmatisme dans la gestion de cette crise. Le temps du virus n’est pas, à l’entendre, celui de la procédure.

« Quand on reçoit les patients de Chine (…), je pense qu’il faut tout de suite détecter. Je voulais même le faire dans l’avion, mettre un écouvillon et en trois heures j’aurais dit positif ou non. On m’a dit, faire un écouvillon (…), c’est de la recherche.

Didier Raoult, mercredi 08 avril 2020


Après tout, la médecine comme toutes les disciplines scientifiques, à la lumière de l’Histoire, n’est qu’une juxtaposition de croyances, de certitudes, d’erreurs et d’audace aussi. Surtout face aux ennemis invisibles.

Si les protocoles de médecine moderne ont permis de sauver des vies par millions, il faut rappeler un fait. Non seulement, le risque 0 n’existe pas. Mais, il résulte aussi d’une exigence irrationnelle de nos sociétés matérialistes, celle de percer les mystères de l’immortalité.


Des sociétés ultradéveloppées, façonnées par les mythes et récits littéraires, à l’origine dans l’inconscient collectif, peut-être, d’une recherche d’invincibilité de l’espère humaine. De l’épopée de Gilgamesh, roi d’Uruk, en Mésopotamie (XVIIIe siècle av JC) au projet SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence), créé en 2002, par le biogérontologue, Aubrey de Grey, assimilant le vieillissement à une pathologie, l’immortalité demeure le grand rêve indicible d’une médecine ultramoderne et cartésienne.

La quête d’une immortalité est vaine, tout comme l’est, celle d’une médecine parfaite et infaillible. L’irruption du Covid 19 l’a bien montré. Depuis 5 mois, le virus se joue de la communauté scientifique et de nos sociétés démocratiques, plongées dans un confinement anachronique.

Il est vicieux. On le croyait dans les gouttelettes de la conversation. Il flotterait dans l’air. Il est coriace. Il s’accroche aux surfaces des heures durant. Il est insolent. Il nous impose, arbitraire, le fameux lockdown, le social distancing et la vie masquée. Le covid 19 nous le rappelle :

« tout ce que nous savons, c’est que nous ne savons rien ».


Le médecin et le chercheur

D.Raoult et son équipe font-ils preuve d’imprudence ou d’audace scientifique ? A-t-il totalement tort de s’affranchir du cadre et du dogme. C’est bien ce qu’exprime son confrère Rachid D. Sans détour même.

« La France a la chance d’avoir l’un des meilleurs infectiologues au monde. »


D’où vient cette défiance à son égard alors ? Elle viendrait d’une forme de malentendu sur les enjeux de la recherche et de la médecine, sur lequel se sont superposés des enjeux de pouvoir. Classique.

« Je ne pouvais pas imaginer que cela déclenche des passions de cette nature. Je ne sais même pas d’où elles viennent. Ce qui me rassure, c’est que je me rends compte que c’est juste une opposition entre les médecins et des gens qui ont fini d’être des médecins ou qui n’en sont pas. Il s’est creusé un fossé entre des gens qui confondent la pratique médicale et la recherche. »

Didier Raoult, mercredi 08 avril 2020

« C’est simple. Dans les hôpitaux, vous avez des médecins brillants. Mais, vous avez aussi, des académiciens plus occupés à publier depuis leurs bureaux que d’être sur le terrain », lance Rachid D.

Le fond du problème, à l’entendre. Pourtant, si l’on se réfère aux données, en termes de volume, la France, publie mais a perdu de sa superbe.

En 2016, notre pays a produit 50 000 publications, dégringolant en 15 ans, de la 5e à la 8e place, derrière la Chine (84 450 articles), l’Italie (52 819 articles) et le Canada (51 175 articles).

Un paradoxe quand on sait qu’elle se place à la 9e position en terme d’investissement dans la recherche médicale. La question de l’efficacité et de l’impact de ces publications se posent ? Où s’évapore, alors, cette matière grise ? Et comment expliquer l’émergence d’une figure aussi singulière que Didier Raoult ?

Depuis 30 ans, la recherche française va mal. On le sait. Le 19 mars 2020, Emmanuel Macron annonçait, communication de crise oblige, un effort de 5 milliards d’euros supplémentaires aux 15 déjà prévus dans « la loi de programmation pluriannuelle » sur la recherche (« LPPR »).

A en croire, Rachid, la recherche et les moyens ne font pas tout. Il y a aussi les mentalités.

« Je le savais déjà, mais cet immobilisme auquel se confronte Raoult est le symptôme de l’académisme qui conduit la médecine française dans le mur. Un mélange de frilosité, d’égo et technocratie. Nous pensons que nous sommes le nombril du monde, voilà tout ».



L’académisme en question


Dans cet océan de conformisme, Didier Raoult apparait comme avant-gardisme pour l’académisme qui souffle à l’oreille d’Emmanuel Macron.

Née de la fusion entre l’Académie royale de chirurgie (1731) et l’Académie royale de médecine (1820), l’Académie nationale de médecine a pour mission, conformément à l’article 2 de l’ordonnance de 1820, signée par Louis XVIII de répondre :

« aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique, et principalement sur les épidémies, les maladies particulières à certains pays, les épizooties, les différents cas de médecine légale, la propagation de la vaccine, l’examen des remèdes nouveaux et des remèdes secrets, tant internes qu’externes, les eaux minérales naturelles ou factices, etc. »



La médecine, objet politique ?

Plus de 300 ans après sa création, ses missions n’ont pas changé puisqu’elle supplée « aux demandes du gouvernement sur toute question concernant la santé publique et (…) s’occupe de tous les objets de recherche qui peuvent contribuer aux progrès de l’art de guérir ».

Une académie au service de la médecine et des autorités, donc. Malléable, aussi. Sa nouvelle recommandation tardive concernant l’usage du masque est, d’ailleurs venue, à rebours, de celle de l’OMS.

L’académie semble s’être, d’abord assurée de l’accord tacite du gouvernement pour préconiser, le jeudi 2 avril 2020, dans l’après-midi, le port du masque. Le lendemain, Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, encourageait la population à « porter (…) ces masques alternatifs ».

Une proximité chronologique révélatrice de la position d’équilibriste de l’académie, certes sous l’autorité du Président de la République, et du gouvernement, pointé pour sa volte- face au sujet du masque. L’académie conseille, donc, le pouvoir exécutif. Sans le désavouer ouvertement. Ou alors, à 24 heures d’intervalle…cela passe mieux.


« C’est l’Etat qui surplombe tout à travers ces académiciens ! Que ce soit sur le confinement, les gestes barrières, le masque et la médecine en général… »

Le médecin suggère. Le politique décide. Une équation dont, il faudrait, au vu des atermoiements de l’exécutif, repenser.

On comprend mieux, alors, pourquoi la figure de Didier Raoult embarrasse. Il le sait bien. Son esprit anti-académique dérange plus que les modalités de ses études. « Je ne suis pas un outsider, je suis en avance », lance-t-il dans les colonnes de La Provence. Une formule qui fait mouche et fustige vertement, le parisianisme médical, à qui Raoult fait de l’ombre médiatique, politique et scientifique.

« Ce n’est pas parce qu’il y a quelques personnes qui pensent certaines choses à Paris que je suis à contre-courant ». Une défiance assumée de celui qui se sait « être une star mondiale ». « Dans son monde », la précision est importante.

Car, « la médecine requiert d’aller parfois à l’encontre du dogme académique », insiste le professeur Rachid D.

« Avec d’autres collègues, il m’est souvent arrivé de tenter des interventions avec des méthodes non écrites dans les livres ! Avec succès. On me parle des effets secondaires de la Chloroquine. Les gens savent que le paracétamol est hépatotoxique? ». Rachid D est clair.

« Ce dogme académique, il faut le pulvériser ». Une prise de position tranchée qui n’empêche par le professeur d’entrevoir des éclaircies.

« Je pense que cette crise du Covid 19 est l’occasion de remettre tout le système à plat », clame-t-il.



Didier Raoult, une métaphore française

Didier Raoult livre un éclairage inédit moins sur la médecine que sur le rouage de la société du pouvoir français. Il peut bien clamer, « faire de la science, pas de la politique ».


Difficile de croire qu’il ignore l’impact de son odyssée marseillaise et la façon dont elle a rebattu les cartes. Emmanuel Macron ne lui rend -t-il pas visite ce jeudi 09 avril?

Les questions qu’il soulève dépassent la sphère médicale. Il loue la Chloroquine comme espoir contre le Covid 19. En réalité, son approche iconoclaste pourrait bien s’avérer un remède à cette France flétrie, nécrosée par l’entregent et les sachants. Une leçon inspirante pour « la France d’après ».

Comment s’étonner, alors, de son succès auprès de la plèbe ? Le grand public n’est pas médecin. Mais, la séquence Raoult s’est déportée vers le champs de l’innovation, suscitant l’espoir.

Et si Didier Raoult hérisse la société savante dans son ensemble, la plèbe y voit, semble-t-il, l’ombre d’un Pasteur plutôt que celle d’un Tournesol ou d’un docteur Mabuse. L’avenir nous le dira. En attendant, lui et son équipe chamarrée, focalisée sur les compétences et non les origines, font bouger les lignes.

« Raoult déverrouille tout ce que la médecine de littérature, l’académisme verrouille », cingle Rachid. « Parce que ce dogme académique, au-delà d’être surplombant », enserre les talents anticonformistes de la médecine.

Ces mêmes dogmatiques figent la société française dans un formol aussi douillet que sclérosant. Rachid, médecin né au Maghreb en sait quelque chose. Un jour, il a fait partie de ces étudiants étrangers en médecine en France.

Aujourd’hui, ses diagnostics font figure d’autorité. Mais, le chemin a été long. Et pour de nombreux prodiges de la médecine qui peuplent les hôpitaux français, il se conjugue au présent.

« Beaucoup de médecins souffrent de cette hogra (mépris, en arabe). Nés à l’étranger ou simple anticonformistes, la France briment les plus brillants. Regardez combien de mes confrères se sont expatriés aux USA ! », insiste-t-il. Et de prédire une pluie de propositions à l’international pour D.Raoult.


Si certains paient le prix de leur prénom, leur naissance, d’autres comme Raoult paient leur audace. A écouter, Rachid, il est urgent que la France « se réveille et se remette en cause. D’autant que cet immobilisme concerne tous les milieux de pouvoir. Absolument tous !  L’entreprise, la politique, les médias. C’est un mal français.», s’agace-t-il. Obéir, se conformer. Ou dépérir.

La crise du Covid 19, nous place, à coup sûr à sur les fonts baptismaux d’un nouveau monde. De là à y voir une bénédiction… L’occasion de repenser notre modèle et d’élargir la notion de désobéissance, jusqu’ici, cantonnée à la dialectique militante.

En 2016, le média lab du MIT, inaugurait le Disobedience Award à destination des entrepreneurs. Et pour expliquer sa démarche, l’appel à projet rappelle que: « Vous ne changez pas le monde en faisant ce que l’on attend de vous ». C’est exactement ce qu’il se joue, actuellement, entre Didier Raoult et ses opposants.

Entrepreneur des médias, Fondatrice de MeltingBook, Directrice de la publication et des Éditions MB.

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