TOP

Migrants: La solidarité des citoyens de Névache: Olivier (2/7)

#HérosOrdinaires

Près de la frontière italienne, les habitants de Névache (Hautes-Alpes) redonnent un sens au mot solidarité en aidant des migrants. Melting Book vous propose de découvrir, à partir du lundi 26 mars, ces portraits réalisés par Fanny Genoux et Camille Pouyet. 

Olivier est pompier volontaire et gérant d’un lieu d’hébergement, et c’est d’abord en sa qualité de secouriste qu’il aborde le sujet des migrants. Mais s’il est en premier lieu guidé dans son action par des valeurs humaines, son analyse de la situation elle, est orientée vers le politique.

Lorsque avec ses collègues pompiers il a fallu cet hiver accompagner des migrants blessés par le froid à l’hôpital de Briançon, les carences du système lui sont vite apparues : s’il loue le professionnalisme, la disponibilité de l’équipe médicale, il constate le fait que ces prises en charges gratuites ont créé un déficit dans le budget de l’hôpital et que la négociation avec l’ARS (Agence Régionale de Santé) pour obtenir des financements en vue de combler ce déficit est rude.

Il redoute le jour où, faute d’argent, l’hôpital ne pourra plus se permettre de soigner les migrants.

Il souligne alors la difficulté pour des associations solidaires comme Tous migrants d’obtenir des moyens de la part du gouvernement, car elles sont souvent selon lui stigmatisées comme repaire de « gauchistes-anarchistes ».

 C’est ainsi que des ONG comme Médecins du monde, ayant eu vent de ces difficultés, se sont proposées pour offrir leur soutien. Les Névachais quant à eux, dans leur action collective, ont préféré garder leurs distances avec Tous migrants concernant les maraudes qu’ils ne soutiennent pas.

Quoi qu’il en soit, tous les « aidants » locaux se doivent de travailler ensemble et tentent de s’organiser malgré les différents points de vue, afin de trouver des solutions pour continuer d’apporter des soins et d’accueillir les migrants dans des conditions décentes.

Il souligne ainsi « la nécessité d’une action politique au niveau départemental », pour laquelle il œuvre en compagnie de Bernard, ce doyen des solidaires Névachais (voir le portrait que nous lui avons consacré).

Olivier soutient pleinement la lettre ouverte au président de la République écrite par Bernard, et disponible sous la forme d’une pétition en ligne [1], lettre qui alerte sur la situation dans la vallée et appelle le gouvernement à agir pour mettre fin à « l’apartheid ».

Car au fond, nous rappelle Olivier, « on travaille dans le même sens avec la préfecture, pour la protection des personnes sur le territoire ».
 

Pour Olivier l’entraide au quotidien à Névache, c’est aussi s’occuper de l’hygiène des migrants : « J’ai pas mal de matériel de lavage, une voisine qui les logeait (Elsa, à voir son portrait vendredi)  m’apportait les sacs de linge, la lessive est passée sur le gîte ». 

S’il n’a pas à proprement hébergé des migrants dans son gîte, il est arrivé plusieurs fois que des habitants ayant rencontré des migrants vers 8h du matin l’appellent :

« Je les fais alors dormir chez moi, leur donne à manger, leur permets de se laver et de dormir dans la journée. Ils sont ensuite pris en charge pour être descendus à Briançon. » Raconte-t-il.

C’est alors que le pompier volontaire insiste, lui aussi, sur les difficultés rencontrées lors du transport des migrants vers le refuge de la sous-préfecture des Hautes-Alpes : les contrôles permanents sur la route et la surreprésentation des forces de l’ordre (notamment au col de l’Échelle) qui, au delà de l’impact négatif que cela peut avoir sur le tourisme, pousse les migrants à prendre des risques supplémentaires.

L’été dernier, pour échapper aux gendarmes, des migrants ont sauté un parapet donnant sur une falaise. Les secours ont traîné, « ils auraient été plus rapides si cela n’avait pas été pour des migrants » nous affirme, amer, le pompier volontaire.

Malgré tout il ne veut stigmatiser personne, la situation est complexe.

Il précise : « il y a souvent une ambiguïté sur la responsabilité entre le secours en montagne et le secours pompier », du fait de la réalité du territoire, montagnard et frontalier mais aussi pour des questions financières. Il n’en reste pas moins que lorsqu’il s’agit de venir en aide à des êtres humains, certains sont très impliqués, « et d’autres y vont à reculons » déplore-t-il.

Malgré cette ombre au tableau, Olivier souligne l’exceptionnelle mobilisation des Névachais pour l’aide aux migrants. « Cette situation a révélé le positif chez des personnes avec lesquelles nous avions de petits différends […] on s’est beaucoup rapprochés avec certains » dit-il affichant ce même sourire que l’on retrouve chez les autres « solidaires » lorsque l’on évoque le sujet.

Il est évident que cela a créé des liens forts, par delà les convictions politiques. Pour lui, bien accueillir les migrants relève aussi, en quelque sorte, de la responsabilité du citoyen vis-à-vis de son pays :

« On essaie de donner une bonne image de la France à ces migrants, car ce sont des gens super attachants »nous dit-il, insistant sur le fait que les migrants arrivent ici avec en tête des représentations qu’il ne voudrait pas voir se briser : « Ils sont « purs » de la France » reprend-il, « ils ont simplement le rêve de ce pays qui est pour eux un pays altruiste ».

On aimerait le croire. Mais la France peut-elle encore s’enorgueillir du titre de terre d’accueil ? Et si nous ne sommes pas capables de répondre avec humanité à cette crise migratoire, ne risquons-nous pas de voir ces belles énergies partir en fumée ?

« L’Italie, pour eux, c’est pas facile. La Libye je n’en parle même pas, ensuite, ils sont mis dans des ghettos, dans des conditions de vie très difficiles et ils vont petit à petit développer un ressenti envers la France.

Autour de ces ghettos il y a tout un tas de gens mal intentionnés qui tournent, donc à partir de migrants avec un potentiel énorme on se retrouve avec des potentiels délinquants ! C’est vraiment quelque chose qui me heurte. » S’indigne-t-il.

Pour Olivier, cela ne fait aucun doute, venir en aide à ces gens est une évidence car, conclut-il, « je pense qu’au fond les gens sont bons, disons au moins 95% ». « Il y a même des personnes qui viennent à Névache exprès pour les aider !» s’enthousiasme notre pompier volontaire, « ça montre bien l’esprit de la montagne ! ». 

Fanny Genoux et Camille Pouyet

[1] https://www.change.org/p/migrants-lettre-ouverte-au-président-de-la-république

Lire les portraits de la série #HérosOrdinaires :

Migrants: La solidarité des citoyens de Névache

Migrants: La solidarité des citoyens de Névache: Jean Gabriel (1/7)

Migrants: La solidarité des citoyens de Névache: Elsa & Heidi (3/7)

Raconter, analyser, avancer.

Post a Comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.