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Ecolibree, l’entrepreneuriat, solution à la précarité menstruelle



Ecolibree fabrique des protections hygiéniques lavables et bio. Porté par Wallah we can, association fondée par Lotfi Hamadi, 42 ans, Ecolibree propose une solution concrète à la précarité menstruelle des Tunisiennes. En plein développement, le projet cherche des investisseurs pour étendre son impact.


Les règles ne sont pas un problème de femmes. C’est une question de société. Lotfi Hamadi, un entrepreneur franco-tunisien, s’implique dans le sujet. Avec « Wallah we can », son association fondée en Tunisie en 2016, il pilote Ecolibree, un projet destiné à lutter « contre la précarité menstruelle des jeunes Tunisiennes et plus globalement des femmes. »

Les règles sont longtemps restées un tabou, confiné à la sphère de l’intime et de l’indicible. Mais le tabou craquelle, un peu partout dans le monde. Les femmes les racontent, aujourd’hui par l’entremise des réseaux sociaux, bien décidées à en finir avec ce phénomène érigée en honte.



Début mars, Demetra Nyx, une sexothérapeute étatsunienne, badigeonnait son visage de son sang menstruel tandis qu’Irène, 20 ans, étudiante parisienne, déambulait, pantalon tâché, dans le métro. Une façon « radicale » d’en finir avec cette eau bleue déversé sur les protections hygiéniques durant les publicités.

Changer les règles

Moins « radicale », Ecolibree propose des « des serviettes hygiéniques lavables en coton bio. » Un sujet d’intérêt général tant les conséquences sont parfois dramatiques.

« En Tunisie, les jeunes filles, mal informées, utilisent de la mousse ou du tissu. Or, aujourd’hui, ces matières contiennent des produits chimiques dont les effets peuvent être désastreuses sur la santé de ces femmes », s’alarme Lotfi Hamadi.



Autre conséquence directe, la déscolarisation. « Les adolescentes se retrouvent à aller en cours sans protection périodique fiable. Elles préfèrent, souvent, éviter de fréquenter l’école de peur d’avoir une tâche de sang visible sur leur tenue…certaines préfèrent même rater des examens », déplore-t-il.

©Ecolibree



Une réalité abrupte mais qui ne relève pas de la fatalité. « Ecolibree est « une solution à cette urgence dont peu de gens ont conscience », ajoute-t-il.  Et si Lotfi pourrait se contenter de nouer un partenariat avec une grande marque, pour lui, ce serait manquer de vision sur le sujet.


« Quand quelqu’un t’apporte de l’eau chaude, tu prends l’habitude du confort». Evident. « Or, tu ne résous par le problème », par tes propres moyens faut-il comprendre.



Émancipation économique

En toile de fond, Ecolibree chercher aussi à développer une économie solidaire autour de cette innovation.

« Au-delà de l’amélioration, il faut surtout un changement durable et l’entrepreneuriat en est une bonne réponse. Nous proposons une alternative économique, écologique et durable à un problème sanitaire », explique L.Hamadi.


Avec un atelier situé à Makthar, ville rurale du nord-ouest de la Tunisie, le projet Ecolibree fait travailler quatre femmes. « L’accès à des serviettes hygiéniques lavables, c’est aussi une réponse économique au chômage endémique en Tunisie », souligne-t-il. Début 2019, il culminait à 15,5%.

Et comme le tabou des règles et de leurs protections innerve d’autres pays du Sud, Ecolibree s’exporte déjà. « Nous envoyons une première commande de 1000 unités pour le Kenya », annonce L.Hamadi.

Avec du coton bio d’Egypte ou d’Inde, l’entrepreneur cherche surtout des « fournisseurs pérennes », gage pour développer la production sereinement.

Humanitaire vs patriotisme économique


Avec une ambition affirmée, dépasser la posture de l’humanitaire.

« Avec Ecolibree et Wallah we can, nos solutions ne sont pas humanitaires. Nous sommes convaincus qu’il y a des alternatives durables pour créer des emplois solidaires. À condition d’investir dans les projets… ».

© Ecolibree


Aujourd’hui, « nous avons besoin de 20 000 dinars, soit 6000 euros pour accélérer le projet », avance-t-il.

Dans ses mots, on le devine. Le Maghreb n’est pas en quête d’aides humanitaires. Les atouts sont nombreux.

« L’entrepreneuriat social, débarrassé du biais capitaliste, est une clé. On revient à des fondamentaux, faire du social, trouver des solutions aux problèmes, par nous-mêmes. »


Véritable entrepreneur, Lotfi Hamadi est avant tout un patriote. « Quand tu développes économiquement ton pays, tu assures sa stabilité démocratique », relève-t-il avant de conclure, piquant, « Nous avons la chance d’être un pays sous développé. Cela veut dire qu’il y a tout à développer. À condition d’agir plutôt que gémir, de suer plutôt que de pleurer…».



Entrepreneur des médias, Fondatrice de MeltingBook, Directrice de la publication et des Éditions MB.

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