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Image des quartiers, banlieues dans les médias : entre négativité et invisibilité

L’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) s’est penché sur l’image des quartiers dits “prioritaires” dans les médias et, par extension, dans la société française. Dans son rapport annuel de 2018, l’Observatoire livre les résultats frappants de ses enquêtes. Les représentations restent en majorité négatives dans la société française. Les Français évoquent, majoritairement et avant tout, l’idée d’insécurité (56 %).


Les quartiers populaires en France seraient-ils (toujours) vus comme des loups dans la bergerie… Quelles images renvoient les quartiers populaires et leurs grands ensembles d’HLM, dans les médias et la société française ? C’est pour répondre à cette question que plusieurs études ont été menées pour l’ONPV.

Le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires) a réalisé une étude sur la presse régionale avec une analyse d’articles publiés en 2018. Le constat est plutôt positif. Dans la presse régionale, les représentations sont plutôt positives, alors que ces quartiers sont presque invisibles à la télévision.


“Les QPV (Quartiers Politique de la Ville) sont pour la plupart traités par la PQR (presse régionale quotidienne) comme les autres quartiers, c’est-à-dire en relayant les événements et informations de la vie quotidienne sous forme d’agenda, sans forcément apporter un commentaire.”


L’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), rapport 2018.


La presse régionale est logiquement plus proche du terrain que la presse nationale. Elle entretient de véritables relations avec les différents acteurs du territoire qui sont ses sources, sans lesquelles elle ne peut exister.

L’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), rapport 2018.


Cependant, dans cette presse régionale, il existe une exception : Le Parisien.


Le Parisien a, quant à lui, un traitement négatif pour les quartiers HLM périphériques et de banlieues éloignées, avec un vocabulaire principalement axé sur et autour des thématiques de la politique et de la sécurité (graphique 2). Il se distingue par un vocabulaire dégageant de la peur, de la tristesse, de la colère. Ceci peut s’expliquer par le positionnement original de ce média à la frontière entre presse nationale et PQR.”


Les quartiers populaires à la télévision : quasiment invisibles


Contrairement à la presse régionale, la télévision reste mauvaise élève avec un traitement médiatique, ponctuel, voire inexistant.


Le CSA (conseil supérieur de l’audiovisuel) a mis en place, depuis 2009, le “baromètre de la diversité” dont l’objectif est de mesurer la présence des différentes catégories de la société française à la télévision.  



Pour la première fois en 2018, elle introduit dans ses critères le lieu de résidence. Les habitants des “grands ensembles de banlieues populaires” constituent 3% des personnes “indexés”, qui sont passés à la télévision (hors publicité) alors qu’ils représentent 6% de la population totale française. Ils sont donc sous-représentés à la télévision. Ce taux diminue à 2% si on retire du calcul “France ô”, la chaîne des territoires d’Outre-mer.


“Si l’on exclut la chaîne France Ô de l’analyse, seules 0,3 % des personnes présentes à l’écran résident en Outre-mer et 2 % dans «des grands ensembles de banlieues populaires » alors que 49 % résident en centre-ville (historique), 29 % dans un village et 19 % dans un quartier périphérique de pavillons et de petits immeubles.”


L’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), rapport 2018.



La télévision française n’est pas encore à l’image de la société. Pourtant elle influence, ainsi que les autre médias comme les réseaux sociaux, l’imaginaire des Français.


Et les Français, quels regards portent-ils sur ces quartiers dits “sensibles” ?


Une étude du Crédoc s’est intéressée au regard des Français sur les quartiers populaires dits “sensibles”. Sans surprise, le premier thème évoqué par les publics sondés est celui de l’insécurité.


“Invités à décrire spontanément ce qui caractérise les quartiers « sensibles », les Français évoquent, majoritairement et avant tout, l’idée d’insécurité (56 %) ; la moitié (50 %) y associe des idées de difficultés sociales ou de relégation territoriale.”



Au-delà du sentiment d’insécurité, des images positives reviennent. Comme celles du “dynamisme”, du “tissu associatif” ou encore d’une “jeunesse méritante”.


“Aux côtés de ces représentations spontanées dominées par des évocations négatives, les Français reconnaissent également le dynamisme et le potentiel de développement de la société civile dans ces quartiers : environ un Français sur deux estime que ces quartiers se distinguent par une forte solidarité entre les habitants, par un tissu associatif dense et dynamique ou par la force d’une jeunesse méritante.”


Selon l’étude, les représentations des Français varient selon le lien avec ses quartiers, mais aussi selon les canaux d’information mobilisés.


« 51 % des Français n’ont aucune expérience personnelle de quartiers qu’ils qualifient de sensibles : ils n’y vivent pas, ne s’y rendent pas et ne connaissent pas de familles ou d’amis qui y vivent ou y travaillent. 41 % ont des liens indirects ou ponctuels avec des quartiers “sensibles” : sans y vivre, ils s’y rendent parfois ou y connaissent des proches. Enfin, 8 % déclarent y vivre. »



Les Français qui n’y vivent pas mais qui ont un lien direct avec ces quartiers en ont l’image la plus positive. Les habitants de ces quartiers ont une image plus mitigée, alors que ceux qui n’ont aucun lien ont l’image la plus négative…


« Les personnes qui ne disposent d’aucune expérience de proximité, qu’elle soit directe ou indirecte, portent un regard qui apparaît influencé par les canaux d’information les plus souvent mobilisés, en lien également avec leur capital social et culturel : ceux qui s’informent essentiellement au travers de documentaires ont un regard plus compatissant que les autres ; à l’opposé, ceux qui entendent parler des quartiers “sensibles” par les réseaux sociaux portent un regard plus critique qu’en moyenne sur les habitants et particulièrement sur la jeunesse de ces quartiers. »



Réseaux sociaux et médias en particulier, mainstream (puisque les documentaires, formats plus longs, n’y contribuent pas) pèsent dans la diffusion biaisée de l’image négative des quartiers “sensibles” dans la société française. Et in fine, dans les représentations de l’opinion publique. Une responsabilité à double tranchant, donc.


Après des études en sociologie et un DESS en conseil aux collectivités locales en matière de développement, Zaouia Meriem-Benziane se spécialise dans les questions d’échec scolaire et d’insertion sociale. Elle mène également des projets de lutte contre les discriminations et de RSE (responsabilité sociale des entreprises).

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