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La « taxe GAFA » est-elle une soft tax des géants du web ?



Examinée ce lundi 8 avril 2019 à l’Assemblée nationale, la « taxe GAFA » du gouvernement divise. Elle vise Google, Apple, Facebook, Amazon et par extension, tous les géants du numérique. Aberration économique pour certains, révolution fiscale pour d’autres, cet impôt constituerait une mauvaise réponse à vrai problème : celui de l’évasion fiscale.


500 millions d’euros environ. C’est ce que l’opération « taxe GAFA » devrait rapporter, chiffre avancé par le gouvernement. Sont ciblées une trentaine de mastodontes de la toile : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Uber, Booking, Airbnb, etc. 


Des sociétés très rentables et qui se développent en France. Mais qui bénéficient pour l’heure du système fiscal actuel bien avantageux et bien ficelé. Et via lequel l’état français ne récupère, en réalité, que des « miettes ».

« La taxe Gafa porte mal son nom, car elle ne concerne que le chiffre d’affaires numérique de ces sociétés ». Ce constat cinglant est signé par l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac), dans un rapport publié à l’occasion de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi « GAFA » ou « GAFAM ».



Le hic ?

D’après les calculs d’Attac, 64% du chiffre d’affaires cumulé des entreprises échapperont ainsi à la taxe, d’après les estimations de la structure indépendante.

Soit une taxe à 3 % sur leur chiffre d’affaires numériques seulement. Bien en deçà des ambitions gouvernementales annoncées.




Portée par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, cette taxe « est sans doute efficace face aux activités de Facebook et de Google, dont les revenus sont essentiellement basés sur la publicité en ligne, mais beaucoup moins pour Apple, Amazon, et Microsoft, qui ont des activités majoritairement ‘hors numérique’».


Les géants du numérique dissimulent en moyenne près de 3/4 de leur chiffre d’affaires français dans les paradis fiscaux (soit un montant global de 9,4 milliards d’euros pour l’année 2017).


Au coeur du projet de loi : l’évasion fiscale. Un point crucial qui fausserait les calculs. « Ceux qui peuvent le plus contribuer à l’impôt y échappent en grande partie, grâce à des procédés plus ou moins légaux. C’est notamment le cas des entreprises multinationales, qui transfèrent artificiellement leurs profits dans des paradis fiscaux en jouant sur les prix de transfert entre leurs différentes filiales. La taxe GAFA ne mettra en rien un terme à ce scandale » dénonce l’Attac.

Le contexte français, aussi, influencerait les débats sur la fiscalité des grands groupes.

Pour Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac et coordinateur de la note :

« Emmanuel Macron prépare sa conclusion du Grand Débat sans apporter de réponse à la colère portée par les Gilets Jaunes contre l’injustice fiscale. L’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen statue que la contribution à l’impôt « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». […] Nous avons calculé qu’en imposant les géants du numérique selon leurs ventes en France, il aurait été possible de récupérer auprès des seuls GAFAM plus de 600 millions d’euros en 2017 [2] »



Autre problème : le projet de loi tel que discuté à l’Assemblée nationale, à ce jour, présente un risque d’inconstitutionnalité.

Pour Dominique Plihon, porte-parole d’Attac et coordinateur de la note : 

« La taxe GAFA française est rendue caduque par l’accord conclu le 29 janvier entre 127 pays sous l’égide de l’OCDE, qui reconnaît le double principe du taux minimum d’imposition des multinationales et de la taxation de ces dernières dans les pays où elles réalisent leur activité. Seule une taxation unitaire, portant sur les bénéfices consolidés à l’échelle mondiale des multinationales, prenant en compte la part de leur activité réelle dans chaque pays, serait à même de neutraliser durablement les transferts artificiels de bénéfices dans les paradis fiscaux. » 




Quelles entreprises seront imposables ?


Toutes les entreprises proposent des services numériques et dont le chiffre d’affaires lié aux activités numériques est supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France

Cette nouvelle dîme avait pour but d’imposer « comme tout le monde » ces géants du web.

  • Les sociétés ne réunissant pas ces deux critères ne seront pas imposées. Sur le site du gouvernement, les contours du projet de loi :
  • Cette taxe sera applicable à compter du 1er janvier 2019 et de façon rétroactive.
  • Son taux sera modulé en fonction du chiffre d’affaires avec un maximum de 5%.
  • Elle devrait rapporter environ 500 millions d’euros dans les caisses publiques.

« La taxation des géants américains du numérique est un enjeu majeur du XXIe siècle et une question de justice et d’efficacité […] Comment financer nos crèches, nos écoles et plus largement nos services publics si nous ne taxons pas la valeur là où elle se trouve ? »

 Bruno Le Maire, dans le JDD, 20/01/2019.



Serait-ce une opération de com’ en vue des élections ?

« Nous demandons que soit mise en œuvre dès maintenant une taxation unitaire des multinationales, seul moyen d’avancer véritablement vers l’éradication de l’évasion fiscale », précise l’organisme, dans son communiqué. 





Cette nouvelle dîme avait pour but d’imposer « comme tout le monde » ces géants du web. Après des mois de mobilisations et de revendications du mouvement Gilets Jaunes, l’association indépendante dénonce cette « opération de communication » à l’approche des élections européennes. 


Loin de satisfaire, donc, ce projet ne répond que partiellement aux problématique de justice fiscale. Du moins, dans sa première version. Reste à voir si ces chiffres seront revus et corrigés à Bercy.


Et le consommateur dans tout ça ?

Personne ne viendra plaindre les multinationales… Le gouvernement l’a bien compris. Il utilise d’ailleurs fréquemment l’élément de langage : « La taxation des géants Américains » pour désigner le projet.


Pourtant, dans le lot, il y aura bien des firmes européennes et chinoises. Mais très peu de Françaises (aveux de faiblesse en matière de digital ?), c’est félicité le ministre.


Quid du consommateur ? Le risque : que la taxation se répercute sur l’internaute (français). Histoire de compenser une hausse par une autre hausse, bien frappante pour l’acheteur, cette fois-ci.



Rédactrice en chef de MeltingBook, formatrice éducation aux médias, digital & dangers du web

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