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#Édito Grand débat : merci Hanouna !


La secrétaire d’Etat, Marlène Schiappa, vit avec son temps. Son passage dans l’émission de Cyril Hanouna n’est-il pas un exercice contemporain de communication politique ? Après tout, elle avait un message à faire passer, pourquoi se priver des canaux mass medias pour le faire ?


La réussite du Grand débat valait bien quelques bravades. Avant d’entrer dans le vif du sujet, précisons un point. Cyril Hanouna et son public ne sont pas les problèmes. Ce programme populaire, qui affleure le million de téléspectateurs, dispose d’un rayonnement national, principalement, auprès des jeunes, justement, dans la ligne de mire de M.Schiappa.


Ce succès est avant tout celui de Cyril Hanouna. Pas celui de Marlène Schiappa.

Mais, en filigrane, cette interview de Marlène Schiappa donnée à la chaîne Public Sénat, dit beaucoup de notre époque et du rapport des politiques aux citoyens.


La secrétaire d’Etat s’enthousiasme, du million de connexions au site du Grand débat, suite à son passage chez Hanouna. Soit. Doit-on rappeler que la quantité ne fait pas, forcément, la qualité ? 



Ainsi, un million de connexions et ou de contributions ne valide pas la pertinence de toutes les interventions. Comme pour les réseaux sociaux, le flot continu d’informations ou de commentaires n’est pas gage de valeur ajoutée. 


Ce succès est avant tout celui de Cyril Hanouna. Pas celui de Marlène Schiappa. Selon les règles du marketing, Hanouna joue son rôle de vecteur de « buzz. » Cette séquence n’est pas celle de la ministre, mais celle de l’animateur.


Et c’est le plus dramatique. Nos décideurs dépendent, aujourd’hui, de vedettes dont le talent supplante, certainement, les questions politiques qu’ils viennent plaider.

Parce que ces décideurs n’arrivent, plus, à toucher (phénomène, certes, antérieur à M.Schiappa) leurs cibles. Simple exemple. Sur la confiance des Français en leurs institutions politiques, le dernier baromètre du Cevipof paru en janvier 2019 est assez édifiant. Emmanuel Macron recueille 23% d’avis favorable. Par capillarité, le gouvernement ne fait guère mieux…

Si le passage de Marlène Schiappa à TPMP fut un succès, difficile de ne pas désespérer de la façon dont elle s’en gargarise. En creux, ce succès illustre l’échec durable de certains politiques, totalement déconnectés, malgré la proximité affichée grâce aux réseaux sociaux, des Français.


Vendre du rêve


Or, dans le cas de Marlène Schiappa, cet échec résonne davantage tant elle incarne ce rajeunissement de la classe politique, vendu par Emmanuel Macron. Elle, qui ne vient pas du sérail — Sciences Po ou l’Éna- a bâti son parcours à la force de son travail acharné, de son audace, d’une forme de mégalomanie aussi et de son réseau. 

Or, la compétence s’acquiert. Mais, il n’est plus nécessaire, à notre époque, pour briller. Marlène Schiappa incarne bien cette jeune génération d’ambitieux-un trait noble-dénués de crédibilité et de fond. Difficile alors de parler aux Français. Pas sûr. Ne sont-ils pas des veaux comme l’affirmait le général de Gaulle ?

Au-delà de l’incompétence, c’est surtout la qualité de leurs paroles qui fait défaut. Dans une époque où tout le monde pense son commentaire utile, eux y sautent les pieds joints. C’est ce qui aboutit à des profils comparables à celui de M. Schiappa. Comment confondre proximité de l’élu ou de l’exécutif et posture.

Alors, ce pouvoir ne s’exprime plus qu’à travers des procédés communicationnels vendus comme innovants (une ministre chez Hanouna, oui c’est iconoclaste). Maître des lieux et du temps, Hanouna est aussi, dorénavant, maître de la parole démocratique. Parler aux téléspectateurs, vous parlerez aux Français.


In buzz, we trust


L’ère du vide. Marlène Schiappa l’assume. Le succès post-passage Hanouna repose sur le buzz (« bourdonnement », en anglais). Parce que, et comme d’autres figures médiatiques, bad buzz is still buzz. Aux Etats-Unis, Alexandria Ocasio-Cortez fait régulièrement le buzz, certes. Mais, c’est le fond qu’elle exprime qui bourdonne sur les réseaux sociaux. Ce bruit, contrairement à certains, ne tente pas de masquer une vacuité.




Voilà où nos décideurs en sont. Ce buzz tant espéré par bon nombre de figures, atavisme de la société de consommation, pourtant combattue par ces derniers. Buzzer, c’est détenir une audience, compter, peser, influer, monnayer, exercer un pouvoir. 

Mais- et la conjonction est importante- buzzer, c’est aussi faire du bruit, détourner l’attention sur ses propres insuffisances. Et dans ce cas précis, le terme prend tout son sens. Quand un politique est sûr d’avoir du fond, et de le mettre au service de l’intérêt général, quelle défaite que de miser sur le buzz facile, précipité de l’immédiateté ?


S’appuyer sur la polémique, le buzz, le clash pour agir et le dire. Pour exister aussi. Question d’époque. Doit-on en subir sa médiocrité pour autant. N’est-il pas un beau défi que de refuser ce diktat du buzz perpétuel pour exister ? Le buzz est utile et nécessaire. Mais, il ne peut être une « philosophie » de l’action. 


L’excès de buzz est néfaste, paradoxalement. Il vous conforte dans l’idée qu’il est incontournable à toute action. Postulat totalement erroné. Beaucoup agissent en silence et surtout en toute indépendance du procédé. Le buzz n’est que l’artifice de l’action immédiate. Pas la garantie que le monde change.  


Entrepreneur des médias, Fondatrice de MeltingBook, Directrice de la publication et des Éditions MB.

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