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Forces de l’ordre et Gilets Jaunes : vers plus de violences et moins de libertés ?

Après l’éviction de Michel Delpuech, le nouveau préfet de police de Paris, Didier Lallement, prend officiellement ses fonctions, ce jeudi 21 mars 2019. Christophe Castaner demande « une impunité zéro » après l’Acte 18. Le gouvernement a annoncé qu’il mobiliserait l’armée pour protéger les bâtiments à l’occasion des prochaines manifestations des Gilets jaunes.


Les débordement et les saccages sur les Champs-Élysées samedi 16 mars 2019, lors de l’Acte 18 des Gilets jaunes ont réactivé le débat sur l’utilisation, voire l’interdiction, des LBD (lanceurs de balles de défense) par les forces de l’ordre.

La dernière mobilisation des Gilets Jaunes aurait-elle desservi le débat sur l’interdiction des LBD ? Samedi dernier, sur la célèbre avenue parisienne, kiosquiers, commerçants, ont été saccagés, incendiés ou pillés, en marge de la 18e manif des Gilets Jaunes. Sur place, les forces de l’ordre étaient pourtant présentes. Mais, moins armées, dénonce le syndicat de policiers Alliance.

Les munitions étaient moins puissantes que lors des manifestations précédentes, expliquait leur porte-parole :


« Depuis des semaines, on nous dit : ‘le LBD c’est dangereux’. Alors hier, on a très peu utilisé ces LBD », pointe-t-il, dénonçant des munitions « beaucoup plus faibles et imprécises, qui n’avaient aucun impact au-delà de 7 mètres. » Pourquoi ce changement ? « C’est souvent une histoire d’argent au sein du ministère de l’Intérieur ».



Le porte-parole du syndicat de policiers Alliance Stanislas Gaudon, au micro d’Europe 1, au lendemain des événements.



Comme le gouvernement, ce syndicat prône une répression encore plus forte des manifestants et le maintien de l’utilisation des LBD. À mesure que les débordements augmentent, les libertés, elles, continuent de s’amoindrir.

Le Préfet de police de Paris ainsi que son directeur de cabinet ont été limogés. Le ministre de l’Intérieur demande plus de fermeté de la part de la police. Face aux violences, le gouvernement choisit une escalade de la répression et accroît sa réponse sécuritaire.



Le Défenseur des Droits fustige les restriction des libertés


Pourtant, Jacques Toubon a rendu public son rapport annuel, le 12 mars 2019. Il y pointe l’usage disproportionné de la force par la police lors des manifestations, et plus généralement, une forme d’affaissement des droits et libertés fondamentales, fragilisés par des mesures sécuritaires.

Coup de massue pour les autorités. Jacques Toubon dénonce sans détour le recul des libertés fondamentales dans le rapport annuel d’activité du Défenseur des droits.

Le Défenseur des droits (ndlr : autorité administrative indépendante qui existe depuis 2011 et dont la principale mission est de défendre les droits des citoyens face à l’administration et à l’État) remet en cause directement les forces de l’ordre et leur gestion des manifestations des “Gilets jaunes”.

Tout en rappelant le caractère “inadmissible” des débordements et des violences, il affirme la nécessité d’interventions respectant la légalité. Or, l’étude s’alarme du « nombre jamais vu d’interpellations et de gardes à vue intervenues de manière préventive, par exemple entre le 7 et le 8 décembre.”

Extrait du rapport d’activité 2018 du Défenseur des Droits.


L’Institution rapportait déjà dans une étude remise en janvier 2018 au président de l’Assemblée nationale :  

“La résurgence de la menace terroriste et la mise en oeuvre de l’état d’urgence avaient conduit à placer au premier plan les enjeux de sécurité, parfois au détriment des libertés, telle que la liberté de manifester.”



Dangerosité des armes non létales


Point d’orgue du rapport : la dangerosité de certaines armes de défense utilisées par la police. À la lumière des incidents récents, il préconise à nouveau l’interdiction des lanceurs de balles de défense (LBD) :


« La dangerosité de ces armes ‘non létales’ a été soulignée au regard des blessures graves, mutilations, infirmités, voire des décès qu’elles occasionnent. Nous avons ainsi préconisé l’interdiction des lanceurs de balles de défense (LBD 40×46) dans les opérations de maintien de l’ordre ».

Les blessures provoquées par l’usage des grenades GLI-f4 sont également graves et irréversibles.

Des manifestants ont subi des lésions profondes, des mutilations. C’est notamment le cas de Jérôme Rodriguez, l’un des leaders du mouvement des Gilets jaunes et de 14 autres manifestants qui ont perdu un oeil. Au moins deux personnes ont eu la main arrachée.

À Toulouse, plusieurs milliers de gilets jaunes ont défilé pour demander, notamment, que les forces de l’ordre cessent d’utiliser certaines armes lors des manifestations.
© AFP / Pascal PAVANI

Une femme âgée de 80 ans est morte à Marseille, touchée alors qu’elle était à son balcon. Des événements tragiques qui ont appuyé la demande du Défenseur d’interdire ces armes.


Spécificité française dans le maintien de l’ordre en Europe, ces grenades composées d’un puissant explosif, le TNT, sont parmi les plus dangereuses de l’arsenal de nos forces de sécurité et présentent des risques disproportionnés dans la gestion des manifestations. »


David Dufresne rappelle que ces armes sont des armes de guerre. Il a réalisé un recensement des violences policières et son travail a permis de casser le silence des médias mainstream sur ce phénomène.






Dans un Etat de droit, le Défenseur des droits rappelle l’importance du respect des règles de gestion de l’ordre public. Elles reposent sur une fondement clé : l’usage strictement proportionné de la force.


La logique sécuritaire imprègne également le droit des étrangers”


Cette dérive sécuritaire s’étend à d’autres champs de la société française tels que le droit des migrants.


Extrait du rapport d’activité 2018 du Défenseur des Droits.


Comme l’énonce le rapport,

“en lieu et place d’une véritable politique d’accueil, les pouvoirs publics ont décidé de mettre en oeuvre une politique essentiellement fondée sur la ‘police des étrangers’ reflétant une forme de ‘criminalisation des migrations’ pour reprendre l’expression employée par Nils Muiznieks, ancien commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe.”



La forte hausse des réclamations concernant la déontologie de la sécurité est un indicateur de cette crispation sécuritaire de l’Etat. Elle atteint 23,8% d’augmentation par rapport à l’année 2017.

Les dénonciations du Défenseur des droits inquiètent car elles touchent les fondements de l’Etat de droit. Elles mettent en lumière “les bases d’un nouvel ordre juridique, fondé sur la suspicion”.

Les termes de ce rapport montrent l’entière indépendance du Défenseur des droits qui tient à jouer un rôle de “garde-fou” face aux dérives sécuritaires de l’état d’urgence.



Après des études en sociologie et un DESS en conseil aux collectivités locales en matière de développement, Zaouia Meriem-Benziane se spécialise dans les questions d’échec scolaire et d’insertion sociale. Elle mène également des projets de lutte contre les discriminations et de RSE (responsabilité sociale des entreprises).

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