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Laïcité et Éducation nationale : une clarification s’impose

Asif Arif, avocat et auteur de "Outils pour maîtriser la laïcité" (Ed. La boîte à Pandore)

Asif Arif, avocat au barreau de Paris, revient sur la constitution d’un « Conseil des sages » de la laïcité à l’Éducation nationale. Son plaidoyer pour une clarification.

L’ambiguïté du ministre de l’Éducation nationale sur la laïcité semble renforcer les positions contraires au droit de l’ancien premier Ministre, Manuel Valls. Or, celles-ci s’opposent justement à celles que le Président de la République a pu affirmer à l’occasion de la campagne présidentielle et lors de différents discours récents.

Jean-Michel Blanquer a en effet, selon le journal Le Monde et Médiapart, institué un « Conseil des sages » très orienté, après avoir rappelé son souhait de voir appliquer la neutralité aux parents accompagnateurs dans le cadre des sorties scolaires.

En quoi ce « conseil » est composé de « sages » si l’objectif de la plupart d’entre eux est davantage de diviser les Français sur la question et d’aggraver les tensions palpables sur la question ?

La laïcité est, pour faire simple, un principe d’organisation dont l’objectif est d’assurer la liberté de conscience des individus et d’éviter un parti pris religieux de l’Etat. Il vise à mettre fin à des années de confusion entre les pouvoirs spirituel et temporel tout en assurant la liberté de religion et d’exprimer ses convictions, quelles qu’elles soient.

Rappelons donc un certain nombre d’éléments sur les « sages » siégeant dans ce conseil de Jean-Michel Blanquer. D’abord, Patrick Kessel, ancien président du « Comité Laïcité République », comité connu pour sa rigidité et qui avait sommé une journaliste de Zamman de retirer son voile lors de la remise de son prix de la laïcité, pourtant lors d’un évènement accueilli par la mairie de Paris. Patrick Kessel a lui-même pu donné plusieurs interviews au site d’extrême-droite « Riposte laïque ».

Ensuite, il y a également Rémi Brague, qui s’est récemment inscrit en faux face à la décision du Conseil d’Etat sur la Croix de Ploërmel. On ne s’étonne pas non de voir que beaucoup d’entre ceux qui siègent actuellement au Conseil des Sages ont déjà été les membres du Haut Conseil à l’Intégration, lui-même mis en place par Nicolas Sarkozy, comme Alain Seksig, partisan de l’interdiction du voile à l’université et des parents accompagnateurs de sorties scolaires. Il en est de même d’ailleurs de Catherine Kintzler ou de Frédérique de la Morena. Si on a pu lire dans la presse que ce « conseil » devait travailler à « droit constant », on s’étonne donc de la présence majoritaire de ces tenants d’une laïcité contraire au droit positif en son sein.

Qui plus est, nous nous demandons la cohérence gouvernementale puisque toutes ces personnes s’opposent directement au Président de la République sur cette question. Il est aisé de retrouver leurs nombreuses tribunes publiques en ce sens.

Or, beaucoup d’entre ont voté Emmanuel Macron parce qu’il appelait à une certaine forme de pacification sur la question. Alors, où est exactement cette pacification quand Jean-Michel Blanquer installe ce conseil ? Où est la cohérence, alors que le Président de la République et le Premier ministre viennent dans le même temps de prolonger la mission de l’Observatoire de la laïcité, instance qui s’en tient strictement au droit et qui est reconnue par tous les acteurs de terrain, et notamment dans l’Éducation nationale ?

Que va-t-on proposer dans ce Conseil de sages en dehors du centimètre de tissu qu’il convient d’avoir sur la tête ou de la taille de la barbe qu’il convient de maintenir afin de s’intégrer ? La société française se dirige dans une drôle de police de la pensée et également une guerre contre les habitudes vestimentaires de certaines de nos citoyennes. Face à tout cela, que doit-on faire ? Légitimer les propos de Manuel Valls qui rejoignent trop souvent ceux de partisans « identitaires » de la laïcité et qui encore récemment a carrément demandé une modification de la Constitution pour changer notre laïcité ?

En réalité, certains tentent des modifications de nos textes là où elles ne sont pas nécessaires.

Les Français vivent bien ensemble et les attentats ne devraient pas être un moyen de pointer du doigt les religions. Le fanatisme existe, et il convient de le condamner avec la plus grande fermeté. Mais soutenir ceux qui, sous couvert de laïcité veulent exclure et stigmatiser, c’est justement faire le jeu de ce même fanatisme.

Asif Arif 

En savoir plus : 

Compte-rendu du Conseil des ministres du 8 décembre 2017 : La Laïcité à l’école.

Capture d'écran du compte rendu du Conseil des ministres du 8 décembre 2017, "La laïcité à l’école". À retrouver en intégralité via le lien ci-dessus.

Capture d’écran du compte-rendu du Conseil des ministres du 8 décembre 2017, « La laïcité à l’école ». À retrouver en intégralité via le lien ci-dessus.

Asif arif laicitéAsif ARIF, avocat au Barreau de Paris, auteur et conférencier spécialisé sur les questions d’islam et de laïcité. Il a publié l’ouvrage Outils pour maîtriser la laïcité, aux éditions La Boîte à Pandore,  octobre 2017.

 

 

 

 

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Comments (1)

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    Poupougne

    Pourquoi appelle t-on des idéologues des laiques. C’est effarant.
    La laicité est un principe pas une idéologie. De meme qu’une confession est une foi et pas une idéologie comme la nomme certains.
    C’est une tradition, un héritage qui nous est transmis de génération en génération, que l’on murit que l’on choisit de garder ou pas. Une foi s’impose à vous et ne se choisit pas.
    Je ne suis pas croyant mais c’est ainsi que je vois la chose.
    Les termes choisis par certains pour l’évoquer sont inconvenants pas. Le problème commence par là déjà.
    Si les athées pensent de la religion qu’elle est une arnaque que dire du langage. La persuasion et rethorique de Gorgias le démontre. Le langage est la plus grande arnaque qui puisse exister.

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