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Le documentaire « Mère si je veux » : Partir à l’étranger pour congeler ses ovocytes



[#Documentaire]

Claire, 35 ans, part pour l’Espagne pour faire congeler ses ovocytes, alors que la loi française ne l’y autorise pas. Avec l’espoir de ne plus en souffrir et pas sûre de vouloir un enfant. Le documentaire « Mère si je veux quand je veux ! » de Vanessa Rizk retrace son parcours. Les technologies de la procréation font débat, la réalisatrice lance, ce 28 mai 2019, une campagne de financement participatif afin de terminer le film.






Claire vous a demandé de l’accompagner dans ce périple, qu’est-ce qui vous a donné envie de transformer cette expérience en documentaire ? 


Vanessa Rizk : En accompagnant Claire dans ses questionnements, je me suis rendu compte du manque d’informations sur la congélation des ovocytes, la fertilité des femmes, les différentes législations (aller à l’étranger, d’accord, mais où?), et surtout, du manque de prise en compte de la perspective des femmes. 

Le film s’est imposé à moi. J’ai réalisé avec Claire que plusieurs amies très proches autour de moi et sans enfants souffraient énormément de vivre sous la pression de leur horloge biologique, et se sentaient seules avec ces problématiques.



Bien qu’ayant deux enfants, je me sentais complètement concernée. En parlant du projet, j’ai découvert auprès de connaissances, et d’inconnues, qu’une parole féminine brûle de se libérer. C’est notre parole à toutes.

Le film permet de rompre le carcan d’une parole solitaire et d’ouvrir le débat dans l’espace public. Ce qui m’intéresse, c’est de faire entendre les expériences des femmes, pour pouvoir changer les mentalités. 



D’ailleurs a-t-elle directement été partante pour être filmée dans son périple à Barcelone ou avez-vous dû la convaincre ?


V.R. : Le film est né de notre amitié, et tout s’est fait spontanément. J’accompagnais Claire et la soutenais en tant qu’amie dans sa prise de décision, et elle faisait de même pour mon film, je lui faisais part de mes idées et de mes recherches.

Au départ, je ne pensais pas la filmer à Barcelone, mais en profiter pour faire des repérages, interroger des médecins, rencontrer d’autres femmes faisant la même démarche.


La congélation est souvent considérée en France comme une procédure de convenance, comme si c’était de l’ordre du luxe, du caprice…alors que la congélation est une réponse à un véritable problème.



Vanessa Rizk



Claire ne souhaitait pas être filmée. Pourtant avant le départ, c’est elle qui m’a demandé d’être une des personnages du film. Les difficultés liées à la l’illégalité de la congélation en France l’ont convaincue de la nécessité d’en parler.

Finalement, Claire m’a confié que dans notre relation de confiance, et la solidarité qui s’est établie dans notre petite équipe de tournage, la présence de la caméra l’avait beaucoup aidée et donnait du sens à son parcours. 



Quels constats faites-vous après avoir vécu cette expérience à l’étranger : congeler ses ovocytes en France est-ce tabou ? 


V.R. : Oui, c’est une sorte de tabou, ce qui en fait une épreuve de plus. Mentir pour pratiquer les examens requis, mentir à la pharmacie pour acheter le matériel nécessaire, partir à l’étranger en seulement 24h avant la date de la ponction… cela ajoute à la culpabilité, au sentiment d’être anormale, alors qu’avoir le droit de disposer de son corps est une liberté fondamentale.

C’est aussi beaucoup de préjugés qu’il faut combattre. La congélation est souvent considérée en France comme une procédure de convenance, comme si c’était de l’ordre du luxe, du caprice…alors que la congélation est une réponse à un véritable problème.



En Allemagne où la congélation est autorisée, les vraies questions sont posées : est-ce que je veux mettre toutes les chances de mon côté pour avoir un enfant ou est-ce que je laisse la vie décider, est-ce que je suis prête à investir cette somme alors que les résultats ne sont pas certains, est-ce une nécessité pour moi d’être mère ou une attente de la société…




Qu’est-ce qui bloque selon vous le passage d’une loi ?


V.R. : On vient de parler du côté tabou de la démarche. Pour l’assemblée, ce n’est pas une action prioritaire. D’ailleurs l’examen du projet de loi de bioéthique est constamment repoussé depuis plus d’un an, de début 2018 il est désormais prévu pour la fin de l’année 2019…

Pourtant, la légalisation de l’autocongélation des ovocytes fait l’objet d’un consensus au sein du collège des gynécologues et obstétriciens depuis de nombreuses années.

La congélation y est défendue comme un progrès médical pour lutter contre l’infertilité après 40 ans (avec le don d’ovocytes, qui souffre d’ailleurs d’une réelle pénurie…). Et le comité national d’éthique (CCNE) s’y est prononcé favorablement l’été dernier.

Reste une question centrale : si la congélation est légalisée, doit-elle être remboursée par la sécurité sociale, ce qui la rendrait accessible à toutes les femmes, sans discrimination de revenus ? Comment justifier ce remboursement si la congélation est encore qualifiée “de convenance” ?

Ça nécessite d’envisager la congélation différemment : en voyant ce qu’elle peut apporter à la société au niveau médical (en tant que prévention des problèmes de fertilité, ou pour permettre de faciliter les dons d’ovocytes) mais aussi en terme d’émancipation.

Je pense qu’en fin de compte, il s’agit de volonté politique et qu’une légalisation serait possible, avec au moins un remboursement du traitement hormonal et des examens de suivi.

Mais le fait que les premières concernées ne sont encore peu représentées à l’assemblée ne facilite pas les choses !



Quel(s) message(s) voulez-vous faire passer via ce documentaire ?

V.R. : Le premier message, c’est évidemment la nécessité de légaliser la congélation en France. Obliger les Françaises à aller à l’étranger en cachette et privilégier celles qui ont les moyens de s’informer et financer la procédure est absurde et injuste.

Le 2e message est que pour autant, la congélation n’est pas LA solution miracle. Pour certaines femmes, elle est libératrice, mais elle a ses limites et ne convient pas à toutes. C’est une solution parmi d’autres.

Quand la parole se libère et qu’on écoute les autres, les possibilités sont bien plus larges qu’on ne l’imagine !  Congeler ses ovocytes, recevoir un don d’ovocytes, le co-parenting, s’occuper des enfants des autres, en avoir tôt, tard, ne pas en avoir.

D’où le message prioritaire : l’important, c’est d’avoir le choix !

Nous sommes toutes (et tous) concernés: permettre aux autres d’avoir le choix, c’est aussi revendiquer ma propre liberté. Alors ce que je souhaite c’est que le film ouvre le débat, fasse bouger les mentalités et que celles qui souffrent se sentent moins seules.



Cliquez pour relayer ou participer à la campagne de financement participatif.

Rédactrice en chef de MeltingBook, formatrice éducation aux médias, digital & dangers du web

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