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« ‘Les Indésirés’ le sont en termes d’emplois, de logements, de loisirs, de partis politiques »

Conçu comme une chronique, « Le Livre des Indésirés », d’Antoine Menusier, journaliste, débute dans le sillage des meurtres commis par Mohamed Merah, en mars 2012. En partant de ce fait d’actualité, il revient sur la place de ces Français maghrébins, souvent pris dans les tenailles d’une Histoire, dont ils n’ont pas (toujours) écrit les pages. À lire et à débattre.




Dans “Le Livre des Indésirés : une histoire des Arabes de France” (Éd. du Cerf), Antoine Menusier, journaliste, ancien rédacteur en chef du Bondy Blog, dresse une histoire des Arabes de France. Un pari audacieux pour lui qui ne l’est justement pas.


Un pari audacieux à l’heure où les « concernés », pour reprendre le vocable des antiracistes, s’érigent contre toute usurpation de leur parole, si souvent (et longtemps) confisquée.

Qu’importe. L’auteur avait une idée en tête et s’est évertué à la développer. Il livre, ainsi, un regard, certes discutable, mais toujours argumenté par le prisme de la deuxième génération de l’immigration maghrébine. En quête d’une analyse exhaustive, il passe en revue l’ensemble des faits d’actualités propre à cette classe d’âge.





« Après Mérah, j’ai tenté de me mettre à la place des protagonistes pour comprendre. Mais, surtout, j’ai pensé à ce que la 2e génération se prenait en pleine figure »



Antoine Menusier



Des années 1980, avec la marche pour l’égalité à l’émergence de ces « nouveaux Français », marqué par une empreinte musulmane affirmée et/ou militante, les tableaux se succèdent. Avec, comme « fil rouge », cette fameuse  « deuxième génération de l’immigration maghrébine », « charnière en presque tout ».

Charnière entre « ce qu’il s’est passé entre la France et ses anciennes colonies, l’Algérie en premier ». Pas étonnant tant le passif entre la France et son ancienne colonie hante, avec furie parfois, le présent et certainement l’avenir.




L’Algérie dont la clameur interrompue depuis maintenant quinze vendredis fait forcément écho au travail d’A.Menusier. Et qui permet par ricochet, selon lui, « d’y voir plus clair en France ».

Les deux histoires étant inextricablement liées, le contexte algérien raconte, en creux, ces indésirés français, tout droit sortis des entrailles de cette histoire endolorie et vivace à la fois.

Comme l’écrit l’auteur, « ce soulèvement est peut-être une occasion de sortir des histoires que l’on se raconte. Ces deuxième et troisième génération trouvent là le moyen de renouer avec le pays d’origine, d’affleurer le sentiment de légitimé ».

Une aubaine pour ces « apatrides binationaux » d’intervenir « là-bas, d’être un acteur de ce pays et de participer à sa transformation ». Autre vertu, selon lui, du soulèvement, « en finir avec la mythologie autour du pays d’origine. »

Si chéri, le pays d’origine occupe une place idéalisé dans beaucoup de familles d’origine étrangère. La multitude de drapeaux algériens brandis, allègrement, dans les rues françaises en attestent.

Or, cette séquence algérienne marque, selon Menusier, un « affranchissement » pour ces générations d’apatrides binationaux. Une manière de se positionner, un pied en France, l’autre en Algérie. D’exister de part et d’autre.


À noter, néanmoins, l’inclination des Algériens à railler le pouvoir, bien antérieure au 22 février 2019. Le succès d’El Manchar, site parodique fondé par Nazim Beya, inonde la toile de ses titres caustiques depuis 2013. Enfin, cette fronde qui se joue sous nos yeux marque une rupture avec la génération de papa.

Si les idéaux de la Révolution algérienne infuse les marches du vendredi, ici et là-bas, les slogans égrenés par cette jeunesse en colère sont clairs pour l’auteur. « Il s’agit aussi de se libérer du récit tutélaire écrit par le FLN », honni, aujourd’hui par la rue algérienne.


«Les anciens ont été dépossédés de leur identité du fait de la colonisation. Il y a comme un rattrapage identitaire. Je vais vivre ce que mes parents n’ont pas pu vivre et je vais le faire pour eux, mieux qu’eux. C’est une façon de solder une dette. »

Antoine Menusier



Au-delà de l’Algérie, Antoine Menusier donne à voir un concentré d’une Histoire de France, largement toisée, sauf quand elle balbutie, régurgite ou dérape. Un intérêt malsain qui nourrit une fantasme chez beaucoup, l’existence d’une armée de fantassins indésirés.

Si l’ouvrage d’Antoine Menusier alterne entre vérités bien senties et analyses conformes à la doxa mainstream, son travail est utile. D’abord parce qu’il est le fruit d’un important travail de terrain. À travers ces 330 pages, il brosse le portrait de ces « Indésirés » dont les voix se font beaucoup (essentiellement ?) entendre par l’entremise des réseaux sociaux.



« En 2016, à Magnanville, il y eu un rassemblement de 4000 personnes pour défiler entre la mosquée du Val Fourré et le commissariat de police. La police avait fermé ses portes, affichant une fin de non-recevoir. La police tenait pour co-responsable la trajectoire du meurtrier. »


Antoine Menusier



Entre faits, témoignages, portraits et idées, Menusier lève le voile sur les coulisses de cette caste d’Indésirés, bien décidés à rappeler à la République, ses promesses, ses idéaux. Ses insuffisances aussi.

Sujet central du livre, la montée progressive de la pratique de l’islam dans cette « Histoire des Arabes en France ». Habitué du Salon du Bourget, en contact avec les principales figures de l’islam en France, Menusier propose, ainsi, un panorama approprié de ce petit monde fragmenté.


Ensuite, si l’envie de réfuter certains arguments jaillit, il faut reconnaître à l’auteur une honnêteté intellectuelle, devenue assez rare sur ces sujets, pour être soulignée.

 

 

Entrepreneur des médias, Fondatrice de MeltingBook, Directrice de la publication et des Éditions MB.

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