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Macron, Wauquiez, Mélenchon… la droite à la pêche, la gauche à la découpe

[#Sous un autre angle]

Tous les week-ends, retrouvez une nouvelle chronique de Stéphane Bugat. Pour MeltingBook, il passe au crible un fait de société, économique, politique à la lumière son parcours de journaliste, consultant et auteur de plusieurs livres sur l’actualité politique et sociale.

Le succès d’Emmanuel Macron reposait sur l’intuition que le rejet de la classe politique allait s’exprimer dans les urnes, aux dépends de la gauche comme de la droite et qu’il lui suffisait de se prétendre venu d’ailleurs pour tirer le gros lot. Carton plein.

Jusqu’à quand ? La réponse dépend évidemment de la politique qu’il met en œuvre, de ses résultats, en particulier sur le chômage, et de la manière dont elle est et sera perçue par les Français.

Jusqu’à présent il n’a pas lieu d’être rassuré.

Mais ce qui va aussi peser lourd c’est la manière dont les organisations politiques, de droite comme de gauche, vont se relever de ce qu’elles sont devenues : des petits tas de ruines.

Jusqu’à maintenant, elles n’ont pas fait la démonstration qu’il s’agissait pour elles d’une simple formalité et que les conditions étaient réunies pour qu’elles tiennent le défi sans faillir.

À droite, donc, les Républicains vont se choisir un président. Terrible suspens.

Laurent Wauquiez a déjà pris les mesures de son bureau, au siège du parti, rue de Vaugirard, à Paris.

Siège qu’il devra probablement abandonner, pour faire des économies. Le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes plaît aux militants qui dans ce parti de droite sont très à droite.

Nostalgie du matador Sarkozy

Des militants qui se souviennent avec nostalgie des manières de matador d’un certain Nicolas Sarkozy et qui ne s’offusquent pas de la stratégie préconisée par Wauquiez.

Elle consiste à chasser sur les terres du Front national, puisqu’il est de bonne guère de chercher à conquérir des électeurs, issus des milieux populaires, particulièrement en milieu rural, mais pas seulement, qui vous ont précédemment abandonnés pour céder aux sirènes du lepénisme, version père puis version fille.

Pourquoi se priver d’une pêche aux voix dans l’électorat FN ?

Et puisque le FN patauge dans les querelles internes et les recadrages aléatoires, il n’y a pas de raison de ne pas en profiter.

Quand on assume la place du cynisme en politique, ce qui est assurément le cas de Wauquiez, pourquoi se priver d’une pêche aux voix qui peut s’avérer fructueuse ?

Ce faisant, les Républicains risquent de devoir passer en pertes et profits la contribution des centristes, encore dans leurs rangs ou éparpillés dans diverses officines, à commencer par l’UDI.

Il est vrai qu’ils n’ont pas besoin de cela pour renforcer les rangs macronistes.

Et si le jeune président échoue, il sera toujours temps de récupérer ces militants sincères qui ne sauraient cependant résister à une force d’attraction électorale reconstituée.

Wauquiez le sait et saura leur faire les yeux doux le moment venu.

Voilà pour la droite.

En clair, Emmanuel Macron et ses troupes y occupent gaillardement le terrain, au point qu’ils en seraient à rechercher désespérément un ou deux otages susceptibles de convaincre les Français que le macronisme, c’est aussi un peu de gauche.

Un tout petit peu ! Pour l’heure, personne n’a su relever cet audacieux challenge.

On dira, à juste titre, que ce n’est pas bien grave, tant la gauche, la vraie, tout au moins celle qui se revendique encore comme telle, est en capilotade.

Bien sûr, il y a Jean-Luc Mélenchon, le verbe haut et toute voile dehors.

À la tête de son mouvement des Insoumis, qui représente aujourd’hui une force militante déterminée et pour le moins hétéroclite, il règne en seul maître.

Et en seul opposant audible du jeune locataire de l’Élysée. C’est sa force mais aussi sa faiblesse.

D’abord parce que la nature de ses propos autant que le ton qu’il emploie sont susceptibles de le priver d’éventuels renforts de femmes et d’hommes, prêts à reconnaître son leadership mais ayant une conception moins clivante de la gauche.

Ensuite, parce que Mélenchon ne fait preuve d’aucun zèle pour dénicher parmi ses troupes des talents capables de lui succéder, tout au moins de l’appuyer aux yeux du public, alors qu’il n’est plus un perdreau de l’année.

Sa brutalité d’expression, qui se vérifie lorsqu’il maltraite ses adversaires et plus encore lorsqu’il annonce presque explicitement sa volonté d’appeler à la prise de pouvoir par la rue, lui garantit un fort écho médiatique, dans le rôle du leader que ces médias adorent détester, mais limite son répertoire.

La révolution mélenchoniste risque de tarder et, à dire vrai, on ne s’en plaindra pas trop amèrement.

Il y a aussi les Radicaux de gauche qui vont rejoindre leurs homologues de droite, dans un formidable mouvement d’enthousiasme et dans un vide idéologique magnifié.

Un moment historique promis à l’indifférence générale.

Ce que l’on déplorera, c’est plutôt la perdition d’une force de gauche, à la fois généreuse – ce qui implique une part d’utopie joyeusement assumée – et réaliste – étant admis que l’aspiration à gouverner ne justifie pas le bradage de ses convictions, comme ce fut trop souvent le cas.

Le Parti socialiste a longtemps occupé ce créneau et avec quelle force ! Seulement, cinq ans de Hollandisme, assaisonnés par une poignée de députés frondeurs, sont passés par là.

Bilan : la maison Solférino est à vendre, au sens propre comme au sens figuré. Il n’est plus temps de pérorer sur la justesse d’une telle issue, puisqu’elle s’impose comme un fait incontestable.

Plus encore, parce que ce que le PS révèle aujourd’hui de lui c’est une stupéfiante faiblesse et une terrible incapacité à se renouveler.

On a beau considérer que l’espace politique entre Macron et Mélenchon ne peut que s’élargir au fur et à mesure de l’affaiblissement probable des deux protagonistes précédemment cités, encore faut-il que quelqu’un soit en mesure de l’occuper et même d’en faire une base de reconquête.

Jusqu’à plus ample informé c’est un espace qui reviendrait de droit au PS, s’il y avait encore un PS digne de ce nom. Ce n’est plus le cas.

Pour qu’un parti politique s’inscrive dans une trajectoire ascendante, il lui faut trois éléments moteurs : des idées – c’est le moins – une stratégie et un ou plusieurs leaders.

Qui peut dire ce que sont les idées un tant soit peu distinctives que porte encore le Parti Socialiste, alors qu’il n’a même pas fait son deuil du quinquennat Hollande et qu’il n’en a surtout pas tiré les enseignements ?

Sa stratégie, elle se concentre sur l’aspect immobilier, sa priorité étant de vendre son immeuble à bon prix afin d’éviter la banqueroute.

Pour le reste, le débat interne porte essentiellement sur la date à laquelle fixer son prochain congrès.

Son contenu ? C’est une toute autre affaire. Quant au(x) leader(s), on a beau scruter la liste des membres de sa pléthorique direction collective, on ne voit pas qui pourrait sortir du lot, sachant que les figures jusqu’alors un peu reconnues se sont presque toutes mises aux abonnés absents.

Or le temps presse…

Tout n’est pas joué mais les signes, à gauche comme à droite, ont maintenant valeur indicative.

Or, le temps presse. Le prochain scrutin concernera le Parlement Européen.

Suivront les municipales qui peuvent être l’occasion d’une grande redistribution des cartes. Ce qui ne s’improvise pas.

D’autant que nous serons alors à un an (ou un peu plus) de la présidentielle.

Macron y songe, évidemment. Comment pourrait-il en être autrement ?

Il sait que son pouvoir va être rudement secoué, d’ici là. Et que la réalité des politiques qu’il met en œuvre va compromettre la douce musique de l’homme nouveau qui, piochant à droite comme à gauche, invente un monde meilleur.

Il ne s’en inquiète pas outre mesure.

Sa conviction est qu’un président qui présente sa candidature à un nouveau mandat, dans les mois qui précèdent l’élection est moins jugé sur son bilan que sur ce qu’il symbolise et sur ce qu’il annonce.

Pour réussir un tel tour de passe-passe, il est recommandé de ne pas avoir à affronter d’adversaires de taille. Si l’on observe le paysage actuel, ce n’est pas impossible qu’il en soit ainsi.

Et ce serait assurément un révélateur d’une extrême gravité pour notre démocratie.

Stéphane Bugat

Raconter, analyser, avancer.

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