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Mohamed Bajrafil: « L’islam n’a jamais voulu chercher à imposer la religion aux gens » 2/2

Date de première mise en ligne : 23 février 2017

Exclusivité MeltingBook. Imam à la mosquée d’Ivry-sur-Seine, linguiste, écrivain et spécialiste du droit shafi’te, Mohamed Bajrafil nous a accordé un long entretien. Nous y avons abordé les questions de l’extrémisme religieux de Daesh, de ses racines et des moyens de les dépasser. Suite de la première partie mise en ligne hier, mercredi 22 février.

Partie 1 : Mohamed Bajrafil : « La responsabilisation du croyant est la clé de nos problèmes » 1/2
F.B. : Comment les musulmans de France peuvent affronter ce défi de la violence exercée au nom de leur religion contre eux-mêmes ? De quels moyens en général, et de quelles ressources religieuses (Coran, sunna) en particulier disposent-ils ? 

M.B. : Nous avons déjà abordé une partie de la réponse lorsque nous disions qu’il y avait de quoi justifier dans notre héritage juridique la violence de Daesh, et qu’il fallait en ce sens procéder à une refonte du fiqh et ne pas nier cette responsabilité.

La première étape de la solution est donc la reconnaissance du mal que l’on diagnostique pour le guérir, ce qui passe par la fin du déni. Pour 90 % des musulmans, le fiqh c’est l’islam. La distinction entre shari’a et fiqh n’est pas acquise.

Certains condamnent les agissements de Daesh sans reconnaître que ces agissements s’appuient sur le fiqh. D’autres ne condamnent pas les actes mais stipule que l’application des actes de violence dont nous parlons relèvent d’un Etat, alors que Daesh revendique être un Etat, etc.

Daesh va même plus loin en affirmant accomplir ce que les musulmans ne peuvent ou ne veulent pas faire par faiblesse ou impuissance. Il faut proposer une alternative. Certains s’y attelent mais insuffisamment.

C’est ce que nous essayons de faire au Conseil théologique musulman. L’école shafi’ite explique par exemple qu’il est obligatoire pour tous les musulmans (fardou kifaya) de faire la guerre contre les ennemis de l’islam au moins une fois par an, avec ou sans raison.

Certains hanafites expliquent qu’on peut démembrer une partie quelconque de l’ennemi pour terrifier l’adversaire : c’est ce que Daesh fait. Face à ce défi de la violence, les musulmans doivent tout simplement faire preuve de bon sens et se réapproprier le sens des mots.

Le musulman qui prie répète au minimum chaque jour bismillah i rahman i rahim (au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, ndlr) 17 fois !

Pourquoi ? Pour qu’il s’imprègne et accomplisse ce principe de miséricorde. Les mots doivent déteindre sur lui, avoir un impact, laisser une trace sur lui. Autrement, sa religion ne lui sert à rien.

F.B. : Un autre sujet de tension qui revient de manière récurrente concerne la question de la sécularisation. Comment penser notre religiosité dans un pays qui demeure le plus sécularisé d’Europe, voire du monde ? Peut-on articuler une vision du monde d’inspiration religieuse dans un paradigme qui proclame la fin de la religion ?

M.B. : Il n’y a aucun problème à pratiquer sa religion en France. La prophétie muhammadienne est notamment justifiée par le parachèvement des caractères fondée sur l’éminence éthique du modèle du Prophète. La sécularisation ne change rien à cela.

Le musulman accomplit le bien en faveur d’autrui au nom de sa religion. La religiosité ne se réduit pas au rite. Quand on parle de musulman pratiquant, qu’entend-on par là ? Est-ce celui qui fait la prière ? Quel est le statut de celui qui prie et commet des infractions morales graves telles que le vol ou le mensonge ?

Est-il pratiquant ou pas ? Que dire de celui qui ne prie pas mais fait le contraire du premier en se mettant au service des autres ? Cette notion de musulman pratiquant est à revoir. Le Prophète a parlé d’une prostituée qui a rempli sa botte d’eau pour abreuver un chien assoiffé et que Dieu a fait entrer au Paradis.

Il a aussi évoqué le cas d’une femme qui priait mais embêtait ses voisins et que Dieu a fait entrer en Enfer. Comment définir la religiosité ? Nous nous sommes focalisés sur une seule chose.

Les musulmans qui prient à la mosquée sont bien évidemment des musulmans pratiquants mais ce que je soulève est la réduction de cette notion de religiosité à ce seul critère. Idem pour le foulard.

La femme qui ne le porterait pas serait moins pratiquante que celle qui le porte ? Il n’y a pas de hadith stipulant que le fait de ne pas porter le foulard serait un péché majeur à ma connaissance.

F.B. : Vous rejoignez donc la position libérale de Tareq Oubrou sur le voile qui affirme qu’il n’y a pas d’habits canoniques en islam, que le principe est la pudeur, que ses formes sont déterminées par la culture et que cette question a été surdéterminée il y a un siècle au plus ?

M.B. : Non, je ne partage pas l’avis de Tareq Oubrou bien que je comprenne qu’on puisse questionner ce point. Je dis que le voile est une obligation religieuse mais qui n’est pas aussi importante que ce qu’on laisse entendre. Pour l’islam, ne pas le porter n’est pas plus grave que mentir ou calomnier.

Le voile ne suffit pas à faire d’une musulmane une pratiquante. Certaines femmes voilées mentent, volent. N’en faisons donc pas l’alpha et l’oméga de l’islam. La règle actuelle est celle de la liberté de le porter ou non pour celles qui le veulent ou non.

Plus précisément, la question de la pudeur féminine ou définition de la nudité a trouvé quatre expressions dans le fiqh. Parmi ces quatre avis, l’un déclare la totalité du corps de la femme comme relevant de la nudité, le deuxième autorise le regard pour pouvoir se mouvoir, le troisième avis qui est majoritaire stipule tout le corps sauf les mains et le visage, le dernier avis est celui du savant hanafite Abu Yusuf qui stipule que les mains, les avants bras, le visage et les pieds ne doivent pas être cachés.

Le Coran mentionne le port du voile mais ne précise pas en détail la prescription. Maintenant, j’ai une question qui pourra en gêner certains mais que je pose.

En Asie, qui concentrent les deux tiers de l’humanité, les cheveux ne sont pas culturellement considérés comme une partie du corps susceptible de susciter le désir de l’homme davantage que les pieds. Les pieds constituent dans plusieurs pays une zone érotique.

Il y a même des modèles de chaussures destinés à déterminer une allure ou une forme de pied précise. Dès lors, une femme musulmane en Asie doit-elle se couvrir les cheveux ou les pieds (notamment dans les espaces privés) ?

La question de la norme se détermine donc culturellement aussi, ce qu’on appelle al ‘urf (la coutume, ndlr). Les cheveux de la femme déterminent quelque chose aux Comores ou dans les pays arabes mais ils ne déterminent pas la même chose dans d’autres pays.

Quel est le statut culturel des cheveux en France, la question reste ouverte. Ma position n’est pas non plus de transférer le fiqh dans la morale mais de refonder le fiqh sur le principe de miséricorde.

F.B. : La sécularisation ne vous apparait donc pas, en vertu de ses postulats, être un obstacle, un frein ou une entrave au développement d’une pensée ou d’une vision religieuse dans l’espace européen ?

M.B. : La question ne se pose que si l’on voit l’islam comme une chose ne faisant pas partie du réel ou de la vie. L’important, ce ne sont pas les mots mais ce qu’on y met. Si d’autres que moi portent les mêmes valeurs que moi, je n’ai pas besoin qu’ils les portent avec la même conception de la vie qui est la mienne.

Tout le monde aspire à une société moralement et socialement bonne dans laquelle se trouve trois choses : le faire-ensemble comme modalité du vivre-ensemble, le respect mutuel et l’épanouissement de l’individu.

Peu importe qui l’établit et ce qu’on y met derrière. Lorsque le Prophète a évoqué avoir assisté, étant jeune, au pacte de chevalerie mecquois appelé hilf-al-fudul, pacte stipulant que les Qorayshites se ligueraient en faveur de toute victime d’injustice contre son auteur jusqu’à obtenir réparation, il n’a pas dit que ceux qui l’avaient fait étaient des mushrikkun (polythéistes) mais qu’il le ferait si c’était à refaire.

La sécularisation ne posera de problèmes qu’au moment où elle m’imposera des choses contraires à ma foi. N’amalgamons pas la structure de l’Etat avec certains individus qui l’instrumentalisent à leur profit.

D’ailleurs ne soyons pas dupes : si certains veulent désislamiser les musulmans, c’est de bonne guerre. La vie est faîte de conflits d’idées même quand tout va bien. Ne tombons donc pas dans le piège de la confrontation autrement la logique du conflit l’emportera.

F.B. : D’une certaine manière, vous estimez donc que la nature du questionnement changera lorsque les musulmans changeront leurs comportements en les réformant ?

M.B. : Exactement, car nous ne voulons pas admettre que nous sommes responsables à 50 % de la situation actuelle. Nous aimons les personnes qui nous entretiennent dans la victimisation.

F.B. : Une autre notion importante a été battue en brèche ces derniers mois et ces dernières années avec une certaine intensité, celle de la oumma (communauté musulmane) dont une série d’acteurs musulmans et non musulmans ont répété qu’elle n’existait pas.
Si l’idée fréquente qui se cache derrière cette formule provocante était celle de dire qu’il n’existait pas de communauté parfaitement homogène, solidaire, avec un fort niveau de consensus et d’institutionnalisation, ce qui est vrai, la formule, catégorique, ne s’accompagnait pas de nuance, versait dans la simplification, voire le simplisme, allant jusqu’à nier toute forme de réalité à la communauté musulmane.
En tant qu’imam et qu’acteur communautaire, qu’en pensez-vous ?

M.B. : Il faut complexifier les choses avant de les décomplexifier. Rien n’est simple, tout est complexe. Si on parle de l’homme comme d’un être complexe, qu’en est-il de quelque groupe qui soit auquel il dit appartenir. Il y a une réalité religieuse.

D’aucuns l’appelleront une communauté de destin qui signifient que des personnes aspirent à un destin commun. Il y a plusieurs hadiths du Prophète qui rappellent cette réalité.

«Celui qui nous trahit ne fait pas partie de nous», «Celui qui mange notre nourriture et se tourne vers notre qibla (direction de prière, ndlr) fait partie de nous», «Les croyants ne sont que des frères», etc. Il y a une communauté et une fraternité.

Il y a des fraternités biologiques, des fraternités d’armes et des fraternités d’âmes. Le simple partage de la formule que la paix soit sur vous, assalamou’alaykoum, est constitutif d’une communauté. Il n’y a pas d’exemple autre dans le monde d’un groupement humain international qui partagerait des mots, des formules, des expressions communes telles que inchAllah, barakAllahou fik (que la bénédiction de Dieu soit sur toi, ndlr), etc.

On ne peut pas nier sur le plan philosophique et linguistique l’existence d’une communauté d’âmes musulmanes, une oumma. Mais il ne faut pas comprendre cela au sens exclusif. La oumma ne se définit pas dans un rejet de l’autre.

Le Coran enseigne le contraire. Même ceux avec lesquels nous ne partageons pas la même foi, nous partageons avec eux l’humanité, la langue et beaucoup de choses.

Le Coran utilisent à leur égard le terme de «frères» dans les versets qui disent «Et à Thamoud, nous avons envoyé leur frère Salih», «Et à Madyan, nous avons envoyé leur frère Chou’ayb». Certes, ces «frères là» te combattent mais tu es un des leurs. Une communauté est un ensemble de personnes qui partagent un certain nombre de choses.

En tant que musulmans, nous partageons une relation spécifique avec l’au-delà, avec l’inconnu, avec Dieu. On ne peut pas venir nous dire que rien ne nous lient. Ce n’est pas vrai.

Mais l’humain n’appartient pas qu’à un groupe, il appartient à plusieurs groupes, plusieurs strates qui se complètent les unes les autres et ne sont pas en opposition.

Nous sommes tous un patchwork civilisationnel, ce que les partisans de l’identité française n’ont pas compris. Lorsque je réfléchis moi-même, je réfléchis en arabe ou en français. Je n’ai jamais pu écrire une seule phrase en comorien.

F.B. : Que dit selon vous cette formulation «il n’y a pas de communauté musulmane» du rapport à la foi, à la religion et à l’islam ?

M.B. : Cette formulation est un jugement partiel et faux. C’est comme si nous disions que les personnes qui suivent les matchs de football ne partagent rien en commun. Il y a même une communauté des geeks.

Les musulmans, eux, partagent entre autres une même prière cinq fois par jour. Cette affirmation est donc vide de sens. Nous sommes une communauté d’âmes et de destin dès lors qu’elle ne se construit pas en rejet de l’autre.

Lorsque le Prophète est arrivé à Médine, il a fait rédiger une Constitution dans laquelle les relations communes entre musulmans, juifs et non musulmans sont désignés par le terme «oumma», «oummatou ma’a l mou’minun», une communauté au côté des croyants.

On ne peut donc pas venir nous dire que la communauté musulmane n’existe pas. Elle existe. En revanche, une communauté au sens politique, non. Il y a cet idéal du califat que les Frères musulmans ont aidé à développer au début du siècle dernier, et même si certains ont évolué sur ce sujet, les traces restent là.

Cette idée de retour du califat n’a pas de sens. Il y a des musulmans qui vivent au Maroc et disons d’autres en Patagonie. Il peut y avoir une autorité politique ici et une autre là-bas. Qui dit calife, dit organisation politique.

Il n’y a pas d’organisation politique sacrée en islam car cela signifierait qu’il y a des personnes sacrées et là nous tombons dans le chiisme. Malheureusement, nous en sommes là. Il faut voir également que derrière, il y a eu la colonisation et qu’il n’est pas facile d’effacer des siècles d’organisation politique califale.

Nous ne regardons pas les choses en face, nous les idéalisons. Nous ne pouvons pas idéaliser le fait que des Compagnons du Prophète se sont combattus et tués pour des considérations politiques qu’ils croyaient être vraies mais qui ne le sont pas pour notre époque. Le tribalisme arabe entre autres a produit le califat. Mais aujourd’hui, nous ne raisonnons pas en terme de tribus.

F.B. : Cette séparation entre religion islamique et institutionnalisation politique n’est pas acquise aujourd’hui. Beaucoup de musulmans soutiennent toujours une imbrication étroite entre les deux choses…

M.B. : Cette construction est fausse sur le plan historique.

F.B. : Le califat a pourtant existé historiquement…

M.B. : Il a existé parce qu’il répondait à une réalité sociologique donné qui est le fonctionnement tribal arabe. Même dans cette réalité historique, personne n’a réussi à se mettre d’accord sur les conditions définissant ce califat.

Et cela Daesh, l’a très bien compris. Nous avons fomenté un hadith qui se trouve dans le sahih de Muslim stipulant que le amir, celui qui détient l’autorité politique, doit venir de Qoraysh (le clan des arabes mecquois, ndlr).

Voilà pourquoi Al Baghdadi se réclame de la descendance des Banu Hachim. Comment le Prophète qui nous a enseigné l’égalité des Hommes, comment Dieu qui nous apprend que le meilleur auprès de Lui est le plus pieux, pourraient nous laisser croire que ne peux nous gouverner qu’un Qorayshite ?

Si cet argument était valable, pourquoi les Médinois n’étaient pas d’accord avec lui au moment de la succession du Prophète ? Personne ne veut répondre à ces questions.

F.B. : Il n’y a donc aucune légitimation prophétique a priori du califat ?

M.B. : Aucune. D’ailleurs, si le Prophète l’avait fait, nous serions obligés d’avoir un système politique unitaire et monolithique dont aucun musulman n’aurait le droit de se défaire. Cela rejoint notre précédente réflexion.

Lorsqu’on se retrouve en situation de domination, on peut être amené à produire des choses qui ne sont pas forcément acceptables et qui ne sont rendus possibles que par le fait que nous pensons que les autres ne seront pas en mesure de remettre en cause ce que nous faisons.

Les frappes américaines qui tuent des dizaines et des milliers de victimes chaque semaine avec leurs drones sont devenues banales, personne ne les remet en cause. On les minimise par des expressions euphémisantes telles que frappes chirurgicales ou dommages collatéraux.

C’est le même schéma qui opère. La vie de l’Homme, quel qu’il soit, doit être quelque chose de sacrée.

F.B. : Vous êtes imam et conférencier, et à ce titre, en contact étroit avec les fidèles. Dans leurs questions, leurs sollicitations ou leurs remarques, quelles sont les attentes aujourd’hui exprimées par les musulmans dans la France de 2017 ?

M.B. : Les musulmans veulent qu’on leur fiche la paix et qu’ils ne fassent pas l’objet des Unes de tous les JT de France et de Navarre ! C’est en substance ce que j’avais dit à Nicolas Sarkozy lors de notre bref échange sur France 2.

Ils en ont marre. Le jour où on cessera de parler d’eux, ils seront les plus heureux du monde. Il y a aussi des attentes collectives qui sont importantes : celle de vouloir être traité à part entière avec les autres.

Cela me rappelle l’Algérie : au départ, il n’était pas question d’indépendance mais une simple exigence d’égalité. Les musulmans ne veulent plus être de la chair à élection, ni être traitée comme une serpillère nationale.

Il y a de la souffrance. Certains font tout pour qu’on aille vers une guerre civile, aussi bien à l’extérieur de la communauté musulmane qu’à l’intérieur, alors que tous y perdraient. À force d’insister sur la victimisation, on encourage insensiblement à voir l’autre comme un ennemi par généralisation, alors même que nous souffrons de généralisation.

F.B. : Le discours identitaire diffuse l’idée que l’islam prônerait l’islamisation du monde… 

M.B. : L’islam n’a jamais voulu chercher à imposer la religion aux gens. Quand les musulmans sont arrivés en Egypte, ce n’était pas pour islamiser la population.

Les Egyptiens étaient devenus les vassaux des Romains et les musulmans voulaient les en libérer et quand ils ont triomphé des Romains, ils ont été accueillis en libérateurs. Les musulmans sont restés 800 ans en Egypte en situation de minorité, ce qui n’est pas su.

Pareil en Inde. Le but de l’islam n’est pas de contraindre à la foi mais de libérer les autres, quelques soit l’injustice et la victime de l’injustice.

F.B. : Dans son dernier livre, « Misères de l’islam de France», Didier Leschi déplore l’absence d’intellectuels musulmans capables d’assumer un véritable «islam des Lumières», dont la France pourrait être le foyer. Partagez-vous ce constat ?

M.B. : Je ne partage pas ce constat. Nous n’attendons de personne l’ordre de penser. Je fais mon propre travail de réflexion et d’écriture sans que le ministère de l’Intérieur ne me le souffle à l’oreille. Le mot de réforme, qui est au cœur de ce travail, est devenu connoté. Je refuse que l’on parle d’islam des Lumières car l’islam que je défend a toujours été lumière. C’est un contre-sens qui n’est pas admissible.

F.B. : Vous vous définissez comme réformiste ?

M.B. : Je me réclame de Mohamed ‘Abduh et de l’imam As-Suyuti.

F.B. : Plus largement, dans quelle direction une telle pensée musulmane devrait-elle s’engager ? Sur quels chantiers devrait-elle travailler ?

M.B. : D’abord ne pas calquer des réalités vieilles de mille ans sur notre réalité. Deux ou trois choses peuvent nous servir de modèle. Le premier est l’enseignement de ce hadith qui stipule que « Le bien c’est ce avec quoi ton cœur est apaisé.

Le mal est ce qui te renfrogne et que tu crains que les autres découvrent ». Cet enseignement est la responsabilisation de l’individu. Chacun doit évaluer ce qu’il reçoit comme discours. Lorsque cet objectif sera atteint, plus de 80 % du combat sera gagné.

Les 20 % restant sont de l’ordre du superflu. Il y a une crise de la pensée. Les fidèles attendent que l’imam dise ce qu’il faut pour qu’ils l’avalent. Mais l’imam ne dit que ce qu’il croit être la vérité, et non la vérité même.

N’oublions pas qu’une des critiques que le Coran adresse aux juifs et aux chrétiens est qu’« ils ont fait de leurs rabbins et de leurs prêtres des seigneurs et maîtres». Lorsque nous disons qu’en islam il n’y a pas de clergé, c’est que la liberté a été consacrée et sacralisée comme rien au monde. La responsabilisation du croyant est la clé de nos problèmes.

Propos recueillis par Fouad Bahri

Raconter, analyser, avancer.

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