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Réponse à Natacha Polony : « A comme amalgame »

Asif Arif, avocat et auteur de "Outils pour maîtriser la laïcité" (Ed. La boîte à Pandore)
Asif Arif, avocat et auteur de « Outils pour maîtriser la laïcité » (Ed. La boîte à Pandore)

Asif Arif, avocat au Barreau de Paris, auteur spécialisé sur les questions d’islam et de laïcité, répond à Natacha Polony et sa chronique « S comme sourate ». Parue dans le Figaro Vox, elle intervient après l’attentat de Trèbes, dans l’Aude.

Dans un récent billet intitulé « S comme sourate », Natacha Polony lie la fiche « S » des individus radicalisés et le « S » du terme sourate.

Elle attend des musulmans une réforme du texte sacré pour empêcher une idéologie mortifère de prendre sa base sur le Coran.

Elle souhaite ainsi que les musulmans fassent leur Vatican II demandant qu’ils abrogent une partie des versets coraniques qu’elle qualifie de « violents ».

Il faut d’abord soutenir qu’il est vrai que les musulmans ont besoin d’une bonne dose de réforme.

Mais pourquoi l’islam et le Coran seraient-ils responsables des agissements d’un citoyen, franco-marocain et musulman ?

Surtout, il faut regarder comment ce même islam est pratiqué par la grande majorité des musulmans : pacifiquement et sans « haine » comme Natacha Polony aime le rappeler.

La conséquence est claire : pourquoi vouloir réformer un texte sacré pour tous les musulmans alors qu’il s’agit d’une ultra minorité qui interprète le dogme de manière violente ? Pourquoi condamner la majorité à tuer la sacralité de son texte si c’est une extrême minorité qui réalise ces actes immondes ?

« Le Coran n’est pas un livre de poche qui se lit de manière linéaire »

Il existe une deuxième réalité qu’il convient de prendre en compte. L’islam est considéré comme une religion révélée.

Le texte- le Coran- dont nous sommes sûrs, qur Natacha Polony a lu dans son intégralité, est la base d’une croyance parfaite pour des millions de personne sur la terre.

Si nous devions admettre, ce qui ne sera pas le cas, que le Coran était « réformé », Natacha Polony n’évalue-t-elle pas le nombre d’individus qui se radicaliseront et qui rejoindront les rangs de l’EI en raison justement de cette approche politique du fait religieux ?

N’oublions pas que le terrorisme est un fait minoritaire et que plusieurs centaines d’intellectuels ont déjà rejeté, sur la base de ces mêmes versets que Madame Polony demande de changer, la filiation de l’EI à l’islam.

Chaque religion a son propre développement, ses propres croyances. Comment expliquez-vous que les passages violents de la Torah sont toujours existants et n’ont pas fait l’objet d’une réforme des Juifs au regard de la situation d’extrémiste religieux en Israël ?

C’est évidemment parce qu’il s’agit d’un texte sacré.

Identiquement, comment expliquer qu’aucune demande de réforme du bouddhisme ne soit demandée au regard de la situation des Rohingyas de Birmanie?

Par ailleurs, le Coran n’est pas un livre de poche qui se lit de manière linéaire.

Il existe des spécificités et des éléments de lecture à avoir en tête. Les versets du Coran n’ont pas à être abrogés.

Ce sont les amalgames qui devraient l’être autant que notre manque de tolérance.

Le Prophète de l’islam, même en temps de guerre, a donné des consignes claires : sauver les femmes, les personnes vulnérables, les minorités, préserver la nature, les puits d’eau.

Votre demande de réformer le Coran s’analyse en réalité comme une double condamnation des Français de confession musulmane qui ne demandent que l’éradication du terrorisme et qu’on laisse leur religion en paix.

Là où il convient d’agir, c’est au niveau de l’éducation islamique. Il faut renforcer les discours qui permettent de mieux comprendre les versets contextuels or toute personne allant un tant soit peu à la mosquée voit indéfectiblement le contexte dans lequel le Coran a été révélé et comprend d’emblée que ce n’est pas une réforme du Coran dont nous avons besoin mais d’une réforme de grande ampleur des comportements des musulmans.

Nos prières, nos pensées vont aux familles de toutes les victimes.

L’attitude d’un assassin ne détermine pas notre fermeté dans la volonté des Français de confession musulmane de construire dans la durée et d’être fier de notre pays.

Mais nous ne laisserons pas non plus une élite décider comment il faut pratiquer l’islam, comment il faut vivre l’islam ou encore comment nous devons être de « bons » musulmans. Les radicalisés ont besoin d’un vrai islam.

N’inversons pas les tendances et ne faisons pas d’amalgames fallacieux en amenant de l’émotion.
L’émotion n’a rien construit dans la durée. La main tendue les uns vers les autres, si.

Asif Arif

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Comments (2)

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    AdLIb

    « Le texte, dans son intégralité, que nous sommes sûrs, Natacha Polony a lu dans son intégralité »
    > L’auteur de cette phrase est supposé être avocat et s’exprimer correctement en français ?

    … « est la base d’une croyance parfaite pour des millions de personne »…
    > Qu’est-ce donc qu’une « croyance parfaite » ? Moi, je ne vois pas !

    « Si nous devions admettre, ce qui ne sera pas le cas, que le Coran était « réformé », Natacha Polony n’évalue-t-elle pas le nombre d’individus qui se radicaliseront »…
    > Décidément, le français, et notamment ce qu’expriment ses différents modes verbaux – indicatif, conditionnel, subjonctif – semble poser problème à cet avocat !

     » plusieurs centaines d’intellectuels ont déjà rejeté, sur la base de ces mêmes versets que Madame Polony demande de changer, la filiation de l’EI à l’islam »
    > Sans doute, mais plusieurs centaines d’intellectuels, notamment musulmans ou ex-musulmans, ont, EUX, non seulement vu une filiation que nient ceux dont vous nous parlez, mais nous mettent en garde, les Occidentaux, contre notre aveuglement en la matière ! L’auriez-vous oublié ou cette information vous aurait-elle échappé ?
    PAR AILLEURS : QUI, dans l’islam, a autorité pour dire que tel ou tel musulman n’est pas « fils de l’islam », quand lui-même cite des passages du Coran pour « justifier » ses actes, et qu’il applique à la lettre quelques versets qu’on y trouve bel et bien imprimés ? Nombre de musulmans, du reste, ces derniers temps, n’ont cessé de souligner qu’il n’y aurait pas « un » islam, mais « des » islams…

    Quant à oser comparer les massacres commis au nom de l’islam et les actes d’extrémistes religieux juifs : rappelez-nous donc combien de morts ont fait, ces dernières décennies, les « attentats » qui auraient été commis par des extrémistes religieux juifs en citant la Torah !
    Monsieur Asif Arif, vous avez beau vous revendiquer comme « avocat », vous pratiquez vous-même l’amalgame dont vous accusez autrui. Pour ce qui est de l’honnêteté intellectuelle et de la rigueur dans l’expression qu’on pourrait attendre d’un avocat, votre « réponse » à Natacha Polony n’est guère convaincante et ne dépasse pas, pour moi, le niveau malodorant de la poubelle. Dommage, car le débat mérite mieux.

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    Abder

    AdLib, votre commentaire n’apporte rien au débat. Dans le fond, l’avocat soutient qu’un texte sacré ne saurait être reformé parce qu’une minorité l’interprète et le pratique de façon violente. Que cette violence est la conséquence de l’ignorance du texte sacré. Quand l’Inquisition a ôté la vie à des millions de chrétiens pendant des siècles, ce n’était pas le Christianisme qui était fautif, mais l’Eglise. Qui donc en son temps comprends le Christianisme, condamne l’Eglise. C’est ce qui est vécu dans le cas de l’Islam aujourd’hui.

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