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Porter ou non le voile: un droit fondamental

Le clash entre Bernard de la Villardière, invité de TPMP, et la journaliste Rokhaya Diallo a déclenché une campagne raciste contre cette dernière.  Si Marlène Schiappa a fermement condamné, une campagne raciste « à vomir », la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes, nourrit un imaginaire autour des « quartiers » et du voile. Asif Arif, avocat au barreau de Paris, livre son point de vue.

Interrogée par les journalistes de l’émission Politologue, Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes a fermement dénoncé le racisme dont Rokhaya Diallo est l’objet. Une réaction rassurante et satisfaisante.

Toutefois, tant dans son entretien avec le site Politologue que dans les propos de Bernard de la Villardière, il existe des asymétries sur lesquelles il convient de revenir.

Dans certains quartiers populaires, les  femmes ne peuvent pas sortir sans voile

Outre certaines polémiques dont on avait eu connaissance (le PMU, le reportage controversé de Saint-Denis), il existe constamment dans le débat public un retour sur le port du voile dans certaines quartiers populaires.

A ce titre, Bernard de la Villardière, qui avait justement fait un reportage sur Sevran, et Marlène Schiappa se rejoignent. Dans son entretien au Politologue, la secrétaire d’Etat rappelle que :

« Oui, il y a certains quartiers en France dans lesquels si on ne porte pas le voile, on est harcelé ».

 

Sauf qu’il appartient nécessairement à celui qui invoque un fait d’apporter, à l’appui de sa prétention, des faits précis et circonstanciés.

La secrétaire d’Etat aurait dû préciser quels sont ces quartiers et de qui l’on parle. Si de telles attitudes sont courantes dans un territoire de notre République, il s’agit évidemment d’une chose très grave.

Mais un autre danger consiste également à avancer de tels arguments sans donner d’autres précisions. Qui sont ces individus qui obligent à porter le voile dans les quartiers populaires ?

Où cela se passe-t-il et pourquoi n’avons-nous pas mis un terme à cela ? La violence faite dans le foyer familial comprend des dispositions pénales. Pourquoi ne sont-elles pas mises en œuvre dans ces cas précis ?

En 2014, nous reconnaissons que Marlène Schiappa avait défendu les quartiers populaires en estimant qu’ils n’étaient pas antisémites.  Elle s’était prononcée contre l’interdiction faites aux mamans portant un foulard de participer aux sorties scolaires (et non pas pour accompagner leurs enfants, comme le mentionne la secrétaire d’Etat, par erreur non intentionnelle).

Le voile sous contrainte en France?

Dans un long article paru en 2016, le site Slate.fr avait déjà indiqué que les faits de contrainte en matière de voile sont excessivement minoritaires.

Si entre 2016 et 2017 des quartiers populaires entiers devaient contraindre des femmes à porter le voile, ne pensez-vous que l’on serait tout de même informé ? Vu la célérité avec laquelle des têtes tombent…

L’affaire Mennel reste dans tous les esprits. Exclue de The Voice, son voile avait suscité des recherches inédites sur ses antécédents, les parents accompagnateurs voilés sont toujours en cours de débats, Rokhaya Diallo est critiquée pour la défense d’un féminisme des femmes voilées ou encore une femme voilée invitée sur le plateau de Bourdin est critiquée simplement parce qu’elle porte le voile. L’hystérie n’est pas prête de se résorber.

Raison de plus d’affirmer sur la base de faits et de données.

L’Iran: une comparaison fallacieuse des occurrences ?

Rien de mieux qu’une analyse comparée afin de légitimer une position politique. Bernard de la Villardière souligne que :

« Ce n’est pas un voile comme un autre c’est un hijab, il couvre les cheveux et les oreilles et j’ai le droit de considérer qu’il s’agit d’une doctrine… Et le hijab, c’est une régression (…) Il y a des musulmans de Tunisie et d’Algérie qui nous disent attention à ce qui se passe ».

Il faut combiner cela à ce que soutient la secrétaire d’Etat, suite à une question du journaliste, rebondissant sur les femmes iraniennes qui retirent leur voile :

« Quoiqu’on fasse en France, je pense qu’il y a des implications à l’étranger. Là, par exemple, quand on fait un parallèle entre le voile et la mini-jupe, je suis toujours très choquée […] Il n’y a aucun pays du monde où vous êtes forcée de porter une mini-jupe ou vous êtes lapidée ou tuée si vous porter une mini-jupe ».

Pas lapidée, ni tuée. Certes. Et fort heureusement. Jugée, harcelée? Oui.

Nous sommes d’accord avec la secrétaire d’Etat, il n’existe pas de législation unique. Un ordre juridique mondial unifié n’est pas né. Et en conséquence, il est difficile d’entrer dans une perspective de comparaison entre l’Iran et la France. Mais il convient toutefois de préciser un point commun.

En Iran, si la législation, comme le soutient la secrétaire d’Etat, impose le port du voile, les débats en France ne sont-ils pas progressivement en train d’imposer aux femmes de ne pas le porter ?

Même ressort, le contrôle du corps des femmes.

En réalité, la comparaison ne porte pas sur le fait de le porter ou non mais sur l’absence de liberté qui encadre le droit de le porter ou pas.

Les femmes portant le voile en France sont constamment l’objet de débats sans y être invitées. Et lorsqu’elles le sont, elles sont huées. Comment peut-on espérer incarner une République unie, une société qui vit ensemble, si dans notre tolérance nous nourrissons une étroitesse d’esprit ?

Nul besoin non plus de revenir sur les propos de Bernard de la Villardière qui compare le hijab à une doctrine de la tentation, se faisant par la même occasion journaliste islamologue à ses heures perdues. La réalité de la liberté de religion ne trouve que toute son importance si cette dernière est entièrement appliquée.

Asif Arif

Raconter, analyser, avancer.

Comments (3)

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    Poupougne

    Je n’aime pas les personnes qui se servent de leur statut, de leur profession à des fins personnelles. Monsieur de la Villardière n’a pas de déontologie. Il utilise son outil de travail afin de faire passer ses idées. C’est une télé poubelle.

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    Poupougne

    Monsieur de la Villardière devrait travailler dans un média engagé, un semblant de neutralité est ridicule. Ca ne fait que discréditer un peu plus la profession déjà bien écornée.

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    Poupougne

    Obligation et interdit veulent dire la meme chose.
    Si l’on est contre l’obligation faite aux femmes de porter le foulard en Iran, etre pour un interdit fait aux femmes de le porter chez nous revient à dire que l’on est contre le foulard lui meme et pas contre l’obligation de le porter.
    Ca devient incarner ce que l’on prétend dénoncer.
    Des femmes seraient forcer à le porter en France.
    Les hommes arabes sont intransigeants sur ce point voire violent est un vieil exposé.
    Mais on ne nous dit jamais ou ça se produit, quand ça se produit, mais surtout qui.
    Un lieu, une date, un nom.
    Mais on ne nous explique pas non plus pourquoi ces harceleurs, ces individus deviennent l’islam.
    Pourquoi dès lors qu’un musulman à un travers il devient les musulmans ou se met à incarner l’islam.
    Ce qui devient signifier le contraire d’ailleurs. Ce qui n’en ont pas (de travers, de déviance) ne seraient pas quand à eux des personnes très islamique.
    Et donc qu’un bon musulman est un musulman qui bat sa femme.
    La dernière phrase est évidemment pour rire.
    Meme si c’est flagrant, les mal comprenant étant majoritairement des personnes qui font semblant de l’etre rend la précision importante.

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