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Franco-Algériens. « On est hybride mais on se sent légitime dans ce soulèvement »

Dimanche, des milliers d’Algériens se sont donnés rendez-vous sur la place de la République, à Paris. C’est la deuxième fois qu’ils battent le pavé depuis les protestations nées en Algérie, le 22 février. La répulsion à l’encontre du clan Bouteflika réveille, aussi, un souffle inédit auprès des binationaux.


Débuté aux alentours de midi, le rassemblement a vu arriver des grappes de participants, radieux, mais prêts à protester à voix haute, mêlant humour et témérité.


Il faut dire, que pour l’instant, les images venues d’Alger, d’Oran ou de Tizi-Ouzou témoignent de l’ambiance joyeuse des marches, à l’exception de quelques violences de fin de manifestations. 


En Algérie, pour cette-presque- deuxième semaine de rejet populaire du pouvoir, les forces de l’ordre sont restées en retrait, évitant, on le devine, toute répression irréversible. 



Point de « foules haineuses »


Dimanche 3 mars, c’était surtout -du fait du dépôt des candidatures auprès du Conseil constitutionnel— le jour de tous les dangers.


Sur l’emblématique place parisienne, de nombreux Algériens en résidence.

Également présents, beaucoup de binationaux, ces fameux citoyens, un pied au Nord, un pied au Sud. Étaient-ils présent en masse ? Difficile de jauger. 



À l’oreille, différents accents arabes algériens mais aussi kabyles ont retenu notre attention laissant penser la faible représentation binationale. Mais difficile d’être affirmatif tant beaucoup maitrisent l’arabe ou le kabyle parfois sans accent français. Et vice-versa.




Dans la foule, certes bigarrée, essentiellement des adultes-hommes ou femmes, des familles aussi. Pas d’adolescents agitant le fameux drapeau vert et rouge comme lors des jours de matchs de football.


Au coup d’œil et d’oreille, ce sont des gens avertis qui célèbrent, ce dimanche, leur amour de l’Algérie. Entre refrains patriotiques et aversion du pouvoir, dont Bouteflika sera certainement le prête-nom éternel. Mais, un détail frappé. L’atmosphère étanche à la colère.


Point de « foules haineuses ». Non, juste des Algériens prêts à exulter, à anticiper cette joie à venir. Comme si le régime était déjà tombé.


Après tout, ne plus se taire, comme ils l’ont fait pendant 20 ans, pendant 40 ans, même, n’est-ce pas déjà une première victoire ? 


Caricatures du pouvoir algérien dans les rues parisiennes. © N.Henni-Moulaï

Cette réappropriation de la parole, de ce destin national a plongé, les Algériens, dans une forme d’état second, un flottement. Ils se soulèvent mais-contrairement au Printemps arabe et c’est peut-être en cela que cela n’en n’est pas un de Printemps-, la violence propre, selon certains, à la contestation en pays « arabe », n’a pas vraiment (ou encore) pointé le bout de son nez. Simple stéréotype occidental, alors ? 



Après cinq mandats, 20 ans au pouvoir, la stabilité du pays brandi comme un pis-aller ne fonctionne plus.


Peut-être…tous les binationaux ou, ceux qui ont pousse dans les pays du Maghreb, connaissent bien cet adage : « Les Arabes ont besoin de la dictature…ils ne sont pas faits pour la démocratie ». L’aliénation jusqu’à la lie.



Parenthèse enchantée



De leur côté, les binationaux, eux, observent la situation avec les yeux de l’étonnement, de l’excitation aussi. De l’émerveillement, surtout. Née dans une grande Histoire, c’est dans une Histoire immobile que l’Algérie a sombré depuis 40 ans. 


Évanouie, cette Mecque des Révolutionnaires. La capitale et le pays sont devenus le coffre-fort d’une gérontocratie, fermé à double tour. Et si son seul « mérite » est d’avoir mis fin, avant tout le monde, aux affres du terrorisme, elle ne suffit plus aujourd’hui à stopper ces marches.


Cette « Concorde civile » sur laquelle Abdelaziz Bouteflika a fondé sa présidence lui revient, donc en pleine face. 

Sonia, 41 ans, était à ce rassemblement. Elle nous explique les raisons de sa présence et pourquoi il faut en finir avec ce chantage de la peur.



« Je suis là pour soutenir le peuple algérien ».

Dalia



🎙Cliquez sur chacune des pistes pour écoutez la réponse. Vous pouvez également télécharger ces podcasts. ▶️




Pour Dalia, 18 ans, « le seul héros, c’est le peuple. »



« Je me sens plus algérienne que française. L’Algérie m’a adoptée. »

Sonia




Après cinq mandats, 20 ans au pouvoir, la stabilité du pays brandi comme un pis-aller ne fonctionne plus. Face à une jeunesse (45% a moins de 25 ans) le prétexte de la prudence révulse même.

La jeunesse est fougueuse.


Si elle ne prend pas le risque de la révolution à 20 ans, quand le ferait-elle?


Les deux vagues de manifestations, 22 février et 1er mars sont un signal clair. Rien ne sera comme avant. Bouteflika, lui, homme providentiel en 1999 est entré en collision avec une date, elle aussi, providentielle.

Le 1er mars, des millions d’Algériens ont confirmé par le nombre une décision irrévocable. S’affranchir de la peur de la fameuse « décennie noire », dont le souvenir ne s’est, évidemment, pas évanoui auprès d’une génération, celle de 1990, devenue parents pour beaucoup.


Or, si cette période maudite fut pour eux, un « hier » toujours vivace et traumatique, pour cette jeunesse en ébullition, c’est le passé. Un passé dont elle refuse d’en être les otages. Un constat, que beaucoup de binationaux, comprennent et encouragent. 


À noter :

Le terme diaspora renvoie à la dispersion d’un peuple a travers le monde.

Aujourd’hui, le sens du terme s’est élargi désignant aussi le résultat de la dispersion, c’est-à-dire l’ensemble des membres d’une communauté dispersés dans plusieurs pays.

Ainsi, le terme binational tel que nous l’utilisons concerne non pas la diaspora mais les citoyens nés en France dont les parents sont nés en Algérie.

Entrepreneur des médias, Fondatrice de MeltingBook, Directrice de la publication et des Éditions MB.

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